Le sujet fait sourire. N’empêche qu’il est bien réel. Et beaucoup plus sérieux qu’on pourrait le croire. Parce que, au-delà du seul membre masculin (désolée, messieurs), il est surtout question ici de séduction (ou d’absence de), de consentement, de masculinité, bref, de violence. Rien de bien léger, finalement. Plutôt criant d’actualité.

Allô, voici mon pénis, le dernier documentaire d’Urbania offert sur Crave tout prochainement, ose s’attaquer de front à un véritable enjeu de société, statistiques, témoignages et analyses d’experts à l’appui.

Un sujet de prime abord « drôle », et finalement « nécessaire » et « sociologique », indique la productrice Annie Bourdeau. « Un sujet très actuel et dans l’air du temps », renchérit l’autrice et scénariste, Maude-Émilie St-Pierre.

Et si les jeux de mots sont tentants (parfois même involontaires), Urbania (et son ludisme habituel) ne tombe pas dans le piège. Au contraire.

On a plutôt affaire à une véritable « enquête ». Objectif : « décortiquer, apprivoiser, démystifier, révéler » le phénomène de la dick pic (une photo de pénis non sollicitée, en bon français), comme le résume l’autrice et humoriste Kim Lévesque Lizotte, ici animatrice/enquêtrice, à la caméra.

Attention : à ne pas confondre, la dick pic (non sollicitée, donc) et le nude (photo à caractère sexuel, faisant partie intégrante de la sexualité dite « numérique »). N’allez pas croire que le film tombe ici dans la dénonciation. Ou la moralisation. Vous n’y êtes pas du tout. On vise au contraire l’éducation. Une éducation (des jeunes, des ados, mais aussi des adultes) au consentement, mais aussi à la sexualité, plus largement.

Car au-delà de la grande et non moins existentielle question « Pourquoi les hommes ont-ils besoin d’envoyer une photo de leur pénis ? » – question à laquelle le film finit par répondre (nous y viendrons) –, il faut savoir que le sujet ratisse beaucoup plus large.

En creusant, je me suis rendu compte qu’on allait parler de masculinité, de violence sexuelle, d’érotisme. On finit par parler de comportements humains !

Kim Lévesque Lizotte, autrice et humoriste

Pendant la petite heure du documentaire, Kim Lévesque Lizotte (qui se souvient encore de sa première dick pic, à 16 ans) part à la rencontre de tous les observateurs possibles du phénomène, dans des entretiens brefs, concis et évidemment punchés : des chercheurs (sexologue, sociologue, psychologue, même un neurologue, qui analyse ici la réaction du cerveau en recevant une photo, éclairant…), mais aussi des femmes, bien sûr (notamment la journaliste Chantal Machabée et la mairesse Catherine Fournier, en plus de plusieurs éloquentes anonymes), même quelques hommes (qui affirment tous avoir envoyé des photos avec le consentement de leur partenaire, bien évidemment…).

Mission : transaction

Sans surprise, on apprend que les auteurs de dick pics ont tendance à avoir une personnalité narcissique. Mais surtout, on découvre que les intentions derrière leurs images imprévues souvent hors contexte (un air drop dans le métro, vraiment ?) sont toutes simples. Dans l’ordre : dans un but dit « transactionnel » (dans l’espoir d’un échange, dans 44 % des cas) ; parce qu’ils sont en chasse ; ou exhibitionnistes ; ou alors, et en proportion moindre, par soif de contrôle ou par misogynie.

« C’est ce qui m’a le plus surprise et le plus rassurée, réagit Kim Lévesque Lizotte. Moi, je vois là beaucoup d’ignorance. Dans 44 % des cas, répète-t-elle, ils le font de manière transactionnelle. Pas en pensant à agresser ! »

S’il ne faut certes pas « banaliser » le geste, dit-elle (« il faut que les hommes soient conscients que c’est une agression »), peut-être est-il surtout temps d’éduquer tout ce beau monde. « Il est temps qu’il y ait une révolution sexuelle ! s’exclame l’animatrice. Les hommes ne savent pas comment susciter le désir chez les femmes. Tout passe par une photo graphique de leur pénis ! Et les femmes sont conditionnées à penser que le plaisir passe par le pénis ! […] Arrêtez de centrer les relations autour du pénis ! »

Allô, voici mon pénis, documentaire de Jean-Philippe Pariseau, produit par Urbania en collaboration avec Bell Média, sera offert sur Crave en janvier.