(Londres) Une ressemblance avec des personnages réels pas vraiment fortuite : la série Succession, drame familial autour d’un magnat de la presse vieillissant, s’inspire de traits d’humour noir des empereurs des médias Rupert Murdoch et Sumner Redstone.

Le scénariste et producteur britannique Jesse Armstrong a levé le voile sur ce qui l’a poussé à créer la série à succès de HBO lors du Festival du film de Londres, où étaient montrés récemment les deux premiers épisodes de la troisième saison. Il a raconté que les deux magnats, fondateurs des groupes News Corp et Viacom, s’étaient un jour vu demander, chacun de leur côté, ce qu’il adviendrait après leur mort.

« Ils ont tous deux répondu qu’ils n’avaient pas l’intention de mourir », s’est souvenu M. Armstrong — Sumner Redstone s’est finalement éteint à 97 ans en août 2020. « Cela m’a frappé », a-t-il poursuivi. « Que se passe-t-il pour ces hommes octogénaires ou nonagénaires à l’agenda quotidien très chargé ? »

« Cela donnait l’impression de quelque chose d’assez fondamental sur le fait de ne pas vouloir arrêter et la perte d’influence à la fin de sa vie. Et je commençais à sentir qu’il y avait une série (à faire) sur ce que sont ces gens en général », a-t-il ajouté.

Succession, produit par HBO et dont la première saison a été diffusée pour la première fois en 2018, est un succès critique et populaire qui a récolté une foison de prix, dont l’Emmy Award de la meilleure série dramatique en 2020.

Cette œuvre noire et grinçante met en scène la puissante famille new-yorkaise Roy qui se déchire pour prendre le contrôle d’un empire médiatique fictif, Waystar, dont le patriarche et fondateur Logan Roy (interprété par Brian Cox) tente de garder le contrôle.

« Éclat d’horreur »

La série s’est constitué une audience d’admirateurs même si, concède Jesse Armstrong, certains téléspectateurs n’ont pas accroché au début « parce qu’ils ne trouvaient pas les gens sympathiques ».

Ceux qui sont restés fidèles à la série ont ensuite pu mieux comprendre la raison derrière le comportement ignoble des personnages. « Est-ce que cela les excuse ? C’est une question qui, je pense, revient légitimement au public ».

Plus généralement, la série présente des ressemblances très frappantes avec la vie du milliardaire Rupert Murdoch, 90 ans, dont le groupe News Corp est l’un des plus grands empires médiatiques au monde avec notamment les chaînes du réseau Fox ou les journaux The Times et The Sun au Royaume-Uni.

Jesse Armstrong reconnaît s’être basé en partie sur un scénario qu’il avait écrit dans les années 2000 sur le magnat né en Australie. Son héros, lui, est d’origine écossaise.

Mais Succession est principalement une fiction qui déploie beaucoup d’humour autour de ses personnages dénués de moralité, afin de divertir et choquer.

« C’est évidemment drôle, je l’espère, mais c’est aussi un drame », a confié le scénariste Armstrong. Au point que cela ne déclenche pas nécessairement des rires, mais parfois « un éclat d’horreur » ou « un éclair de compréhension » : « dans son sens le plus large, je pense que la comédie peut aller dans beaucoup de directions ».

Jesse Armstrong, qui est aussi l’un des créateurs de la série britannique à succès Peep Show et qui a travaillé sur d’autres comme Black Mirror, a été confronté dès le début de Succession au dilemme de savoir si son magnat des médias vieillissant devait ou pas être rayé de la série.

« Dès que j’ai commencé à l’écrire, je savais qu’il ne devait pas mourir à la fin du premier épisode » ou ensuite lors de la première saison. « C’est la planète, ou le soleil, autour de laquelle ils évoluent. Ce pourrait être fascinant un jour de voir ce qui se passe » s’il s’en va, « mais pas encore ».