Avec 4500 rivières et un demi-million de lacs, le Québec est riche en eau douce. Cet « or bleu » qu’on tient pour acquis est menacé. Par notre négligence, mais surtout par notre ignorance. Le documentaire La goutte de trop fait œuvre utile en exposant de manière instructive et pas du tout culpabilisante le défi de la préservation de nos eaux douces, à la source d’un bien précieux entre tous : l’eau potable.

Sur son site internet, la plongeuse et exploratrice sous-marine Nathalie Lasselin décrit sa démarche en trois mots : passion, inspiration et action. Elle en ajoute un quatrième, lorsqu’on l’interroge au sujet de La goutte de trop, documentaire réalisé par Jérémie Battaglia dont elle est la narratrice et le personnage principal : sensibilisation.

Nathalie Lasselin a plongé un peu partout dans le monde, des mers glacées de l’Alaska aux canaux sous-terrains du Mexique. Elle connaît aussi de larges pans du fleuve Saint-Laurent, mais s’est rendu compte qu’on le connaît très peu à Montréal. « C’est quand même le fleuve, notre source d’eau potable », rappelle-t-elle.

Cette ignorance n’est pas propre aux Québécois, comme elle a pu le constater au fil de ses expéditions partout sur la planète.

C’est toujours la même chose, constate l’exploratrice : les populations locales sont assez peu conscientes de l’importance de l’eau douce comme source d’eau potable et de l’effet des eaux usées.

Nathalie Lasselin, plongeuse et exploratrice sous-marine

Explorer le réseau d’eau potable montréalais

La goutte de trop relate sa traversée sous-marine de l’île de Montréal, d’ouest en est, là où les eaux traitées, mais tout de même « usées », sont rejetées dans le fleuve. Une plongée qui devient le prétexte d’une autre exploration : celle du réseau d’eau potable montréalais et de notre impact sur l’eau du fleuve.

« Très souvent, on a l’impression que de l’eau, il y en a, ce n’est pas un problème. On n’a pas conscience que l’eau qui arrive dans notre robinet, elle est fabriquée », expose Nathalie Lasselin. Par ignorance, on fait l’amalgame entre eau douce et eau potable. Or, comme le rappelle le documentaire : de l’eau potable à l’état naturel, ça n’existe presque plus au Québec.

Passant des profondeurs du fleuve aux entrailles de Montréal, le documentaire montre l’énorme et coûteux système mis en place pour nous abreuver et traiter nos déchets. La visite se fait en compagnie de spécialistes de l’eau, dont le chimiste Sébastien Sauvé, et aborde les enjeux de façon claire : ce qu’on trouve dans l’eau à la source, les énormes pertes dans les canalisations vétustes et les déchets qu’on trouve à l’usine d’épuration de l’est de Montréal.

Tout au long de son parcours sous-marin, Nathalie Lasselin a aussi récolté des échantillons d’eau du fleuve, qu’elle a fait analyser par l’équipe de Sébastien Sauvé. Sans l’aviser, elle a glissé une fiole remplie de l’eau de son robinet… qui contenait autant de résidus de pesticides, de médicaments et d’hormones que l’eau non traitée du fleuve.

Même si ce ne sont que quelques gouttes par millier de mètres cubes, c’est la bioaccumulation de ces contaminants-là [qui soulève des questions]. Qu’est-ce qui va [nous] arriver dans 5, 10 ou 15 ans à force d’en boire ?

Nathalie Lasselin, plongeuse et exploratrice sous-marine

Informer sans culpabiliser

La goutte de trop n’est pas un film de peur : son propos est mesuré, et l’objectif est manifestement d’informer sans culpabiliser. D’inspirer le changement, oserait-on dire. Le documentaire montre d’ailleurs, en suivant quatre familles, que des gestes simples permettent d’économiser de grandes quantités d’eau à la maison. Ce n’est pas un détail : les Montréalais figurent parmi les champions de la surconsommation d’eau potable à l’échelle de la planète.

« Sur 100 L d’eau qu’on utilise, il n’y en a que 10 % qui sert à boire et à cuisiner. Ce qui est vital comme eau potable dans notre consommation, ce sont ces 10 % », insiste Nathalie Lasselin. Le reste se divise en parts à peu près égales entre l’entretien ménager, les douches et les bains, ainsi que les toilettes.

L’eau est essentielle à notre survie, rappelle la plongeuse. « Et si moi, comme individu, je décide de faire ma part pour protéger cette eau-là, je vais me rendre compte que je ne perds pas en qualité de vie. Ce n’est pas parce que je ferme mon robinet [plus vite] que je vais être moins heureuse. Mais je vais peut-être économiser 10 ou 13 L d’eau. Et si je fais ça chez moi, je peux ensuite amener l’idée dans mon entreprise, etc. C’est comme ça, en accumulant de petits gestes, qu’on peut faire une différence. »

La goutte de trop, de Jérémie Battaglia, avec Nathalie Lasselin, sera présenté mercredi, à 20 h, à Télé-Québec.