Sept grands-mères et sept jeunes femmes, issues de cultures différentes. Une myriade d’anecdotes, de souvenirs et de conseils échangés entre deux époques différentes, voilà ce que propose Matrimoine, websérie présentée dès ce vendredi sur le site de TV5.

Alors que l’été 2021 marquera pour de nombreuses grands-mères les retrouvailles tant attendues avec leur famille, la réalisatrice Ariel St-Louis Lamoureux a décidé de s’intéresser à la « grand-maternité », cette relation particulière qui unit les grands-mères à leurs petites-filles.

Matrimoine propose au spectateur de s’immiscer dans les conversations intimes des familles. Pour délier les langues, Ariel St-Louis Lamoureux et son équipe ont tenu à réaliser des tournages chez les grands-mères elles-mêmes, et même dans leur salon lorsqu’elles étaient à l’aise de les recevoir.

À la manière du cinéma direct, l’émission ne comporte aucune narration et presque aucun texte, laissant toute la place aux conversations. D’après les quatre épisodes que La Presse a regardés, le résultat est intime, et, par moments, très émouvant.

« L’objectif, c’était de laisser les participantes aller dans les thématiques et les anecdotes qui leur tentaient », explique Ariel St-Louis Lamoureux.

Avant de faire le tournage, j’ai passé beaucoup de temps avec les petites-filles pour savoir ce qu’elles voulaient apprendre à propos de leur grand-mère. Il ne faut pas oublier qu’on parle de mémoire familiale, mais que l’émission deviendra elle-même une archive pour les familles.

Ariel St-Louis Lamoureux, réalisatrice

« Ce n’était pas une série de questions qu’il fallait qu’on pose, c’était de grands thèmes, et on partait sur ça », explique Célia Gouin-Arsenault, qui a participé au tournage avec sa grand-mère Rose Arsenault. Devant les caméras, toutes les deux ont joué au crib, leur habitude depuis toujours. Rose, qui avait déjà travaillé comme figurante dans le passé, était contente de pouvoir faire l’entrevue dans sa cour, en terrain familier.

Elle a cependant trouvé le tournage assez éreintant. « Je pensais qu’au bout d’une heure ou deux, ils allaient partir, pas qu’ils allaient rester la journée complète ! », se remémore-t-elle. Pour Ariel St-Louis Lamoureux et son équipe, le tournage s’est au contraire passé très vite. « Une journée, c’est court pour tourner un documentaire ! Mais c’est certain que, pour les personnes âgées, c’était long. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Rose Arsenault et Célia Gouin-Arsenault

Pour pallier ce manque de temps, et pour capter encore plus de moments d’intimité, la réalisatrice a eu l’idée de prêter aux familles des caméras asynchrones Super 8 quelques jours avant le tournage. Elle a demandé aux jeunes femmes de filmer quelques scènes muettes du cadre de vie de leur grand-mère, qui ont été insérées entre les plans des entrevues.

Expériences diversifiées

Au fil des huit épisodes, les sujets abordés sont nombreux et sans tabou : travail, politique, féminisme, liberté, mariage, amour, relations sexuelles… Chacun des huit épisodes, d’une durée de 10 minutes, est consacré à une thématique précise. Pour Rose et Célia, il n’a pas été trop difficile d’aborder des sujets que d’autres auraient pu trouver délicats, comme l’orientation sexuelle ou les relations de couple : dans la vraie vie, Rose est déjà la grande confidente de Célia.

La relation qu’on a, c’est celle qui devrait exister entre toutes les grands-mères et leurs petites-filles.

Célia Gouin-Arsenault

Évidemment, les duos présentés dans le reportage sont loin de former un tout uniforme. « J’avais envie de réunir plusieurs familles pour avoir un portrait assez diversifié et explorer différentes relations et divers contextes familiaux. » L’émission présente le point de vue de deux familles issues de l’immigration et d’une famille autochtone ; la discussion saute naturellement du persan ou de l’atikamekw au français, sans briser l’impression d’assister à une véritable causerie.

Les différences intergénérationnelles sont aussi flagrantes, bien sûr entre les petites-filles et leur grand-mère, mais aussi entre les matriarches. « J’avais une connaissance théorique des vagues du féminisme au Québec, mais je ne m’étais pas rendu compte à quel point la condition des femmes avait changé à chaque décennie. Si tu parles à une femme de 93 ans ou de 73 ans, tu ne vas pas entendre les mêmes histoires. »

« L’histoire du Québec est souvent racontée d’une même façon, mais quand on s’intéresse aux histoires personnelles comme on l’a fait, on se rend compte qu’il y a de nombreuses histoires, en fait », ajoute Ariel St-Louis Lamoureux.

Regardez la série sur le site de TV5