La vignette publicitaire de Netflix annonçait une série jeunesse au style propret mettant en vedette une étrange jeune femme au toupet roux, coupé très court, perchée au-dessus d’un jeu d’échecs.

Son titre ? The Queen’s Gambit, Le jeu de la dame en version française. Ouf. Aucun acteur connu n’y jouait, aucun buzz médiatique ne la précédait. Mon niveau d’enthousiasme frôlait alors celui de Normand Brathwaite à la barre de Privé de sens en 2011. Par curiosité professionnelle, et non par enthousiasme, j’ai donc déclenché le premier épisode, en pensant capituler rapidement.

Vingt-quatre heures plus tard, pouf, j’avais presque englouti cette minisérie américaine de sept épisodes. Wow ! C’est exceptionnel, probablement l’une des meilleures séries dramatiques des six derniers mois, peut-être même de l’année 2020.

Bande-annonce de la minisérie The Queen’s Gambit

Mardi, le bouche-à-oreille soutenu a propulsé The Queen’s Gambit au sommet des contenus les plus populaires de Netflix. C’est mérité. Et pas besoin d’être Garry Kasparov ou (feu) Bobby Fischer pour embarquer dans cette œuvre aussi captivante qu’accessible, qui raconte l’ascension fulgurante d’une adolescente américaine dans le monde très macho — et austère — des échecs, entre le milieu des années 50 et la fin des années 60.

Bien sûr, The Queen’s Gambit parle de défense sicilienne et de sacrifice de pion, mais surtout de célébrité, d’émancipation, de solitude, de racisme, de sexisme et de dépendances (au pluriel).

Car l’héroïne de cette série historique, la jeune prodige Beth Harmon (excellente Anya Taylor-Joy), devient accro aux « tranquillisants » à l’âge de 9 ans, alors qu’elle aboutit dans un orphelinat du Kentucky après la mort « accidentelle » de sa maman. Vous comprendrez l’ampleur de son traumatisme au fil des heures.

PHOTO PHIL BRAY, FOURNIE PAR NETFLIX

Anya Taylor-Joy, dans la minisérieThe Queen’s Gambit

C’est également à l’orphelinat que Beth découvre les échecs grâce au concierge de l’établissement, qui garde une planchette au sous-sol. L’élève surpasse le vieux maître, et ce jeu cérébral servira de refuge à cette enfant peu souriante et asociale. Ce qu’elle ne contrôle pas dans la vie réelle, Beth le maîtrise à la perfection au-dessus des 64 cases de l’échiquier.

La nuit, la préado Beth se gèle aux anxiolytiques et hallucine des reines et des cavaliers sur le plafond de son dortoir. Ces séquences oniriques sont magnifiques. Tout comme le bruit des pièces qui s’entrechoquent et le tic-tac des horloges qui chronomètrent les parties, chorégraphiées comme un ballet fluide et hypnotisant.

La carrière internationale de Beth décollera à l’adolescence, quand une famille de Lexington l’accueillera sous son toit. Alcoolique et portée sur les médicaments, la mère adoptive de Beth, sans le savoir, alimentera les dépendances de sa fille.

L’obsession de Beth de devenir championne se fond dans ses dépendances. Elle s’autodétruit tout en battant des adversaires qui ont trois ou quatre fois son âge. Prisonnière de sa tête, Beth ne connecte aucunement avec ses camarades de classe, entichées de mode et de chansons pop.

Campé en pleine guerre froide, The Queen’s Gambit nous transporte de Las Vegas à Paris, pour atterrir à Moscou, capitale des meilleurs joueurs de la planète. Comme dans The Crown, le souci du détail historique bonifie le prestige de The Queen’s Gambit. La musique, les décors, les costumes, il n’y a rien qui cloche.

Les fans de Love Actually (bonsoir) reconnaîtront le petit garçon qui jouait de la batterie dans ce film classique de Noël. Il s’agit du comédien Thomas Brodie-Sangster, qui a maintenant 30 ans et qui campe un champion d’échecs des États-Unis. Ça ne nous rajeunit pas.

Dernier truc : The Queen’s Gambit ne raconte pas une histoire vraie. Il s’agit d’une adaptation d’un roman de Walter Tevis publié en 1983. Bon visionnement (non, il n’y a pas de piège) !

Chiffrier du lundi

L’échappée de TVA, de retour en ondes depuis la semaine dernière, a rameuté 812 000 adeptes devant leur téléviseur. J’aime beaucoup le duo que forment les policières Marie-Louise (Bianca Gervais) et sa patronne Gisèle (Chantal Fontaine) dans le téléroman de TVA. Et toute l’intrigue autour de l’ado de 13 ans coké, qui a aussi secoué son petit frère, est surprenante.

À Radio-Canada, Une autre histoire a été suivie par 722 000 accros. Si l’on se fie à cet épisode, on dirait bien que Maryse (Marie-Laurence Moreau) va quitter la série, et ce serait bien dommage. Elle est parfaite.

À 19 h 30, Discussions avec mes parents (1 024 000) supplante La tour de TVA (747 000). Fragile a conservé 649 000 personnes à l’écoute. Il ne reste que deux épisodes avant la finale. Savourez-les, c’est de la qualité supérieure.

Le tricheur (984 000) a frôlé le million, et District 31, comme d’habitude, demeure au top de l’échelle avec ses 1 574 000 accros.