Pas trop mielleux ni dégoulinant de bons sentiments. Car, on s’entend : l’excès de réconfort ou de termes « doudous », ça tape sur le chou.

En même temps, pas question non plus de mener des entrevues corsées ou de pousser des gags super décapants. Les téléspectateurs recherchent du bien-être à la télé, de l’évasion douce, pas des malaises ou de la confrontation. Ça reviendra assez vite.

Les animateurs de talk-show à la télé québécoise ont dû adapter leur ton et leur style habituels pour se coller à la situation exceptionnelle d’aujourd’hui, qui a chaviré toutes nos habitudes, même les plus banales, genre nous rendre à l’épicerie.

Être chaleureux sans être téteux. Passer de l’info pertinente dans une atmosphère détendue. Et rigoler sans banaliser la crise que vivent les Québécois. C’est loin d’être simple de trouver ce ton juste et le bon équilibre entre le futile et l’utile.

Mais la transition entre l’ancienne télé et la nouvelle télé post-COVID-19 se passe très bien. Même que cette télévision de brousse, bricolée avec les moyens du bord, sans artifice, montre une bienveillance et une profondeur qui réchauffent le cœur.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Jean-Philippe Wauthier (à gauche) est à la barre de Bonsoir bonsoir !

On sent les Guy A. Lepage, Jean-Philippe Wauthier, Marie-Soleil Dion et Fabien Cloutier plus près de nous, moins déconnectés de la réalité de la « classe moyenne ordinaire », qui en arrache actuellement.

À l’écran, bye bye le maquillage élaboré, les tenues pailletées, et place à l’authenticité et aux cheveux décoiffés. Les vedettes, souvent préoccupées par leur image publique, ne rechignent plus à s’exposer à des éclairages approximatifs – et à un son robotisé – en direct de leur salon.

Notre rôle de téléspectateur est de faire preuve d’indulgence. Arrêtez d’écrire à artiste X ou à comédienne Y qu’il ou qu’elle a l’air « du yable à tévé », c’est stupide. 

Bien sûr que le son coupe parfois pendant une entrevue Skype et que le cadrage manque de précision. Il y a des choses pires que ça dans l’actualité (voir le film d’horreur du CHSLD Herron, à Dorval).

La semaine dernière, au lendemain de la première de Ça va bien aller, à TVA, Fabien Cloutier a même dû préciser qu’il ne se trouvait pas devant un décor, mais bien dans une vraie forêt, chez lui, à la campagne. Les gens à la maison pensaient qu’il leur mentait. Donnez-lui un « break », en bon français.

Dites-vous que TVA a concocté l’émission quotidienne Ça va bien aller en moins de 10 jours. Tout le travail s’exécute à distance, ce qui implique une coordination du tonnerre. Alors, oui, ça se peut qu’il reste des ajustements à apporter.

IMAGE TIRÉE DE L’ÉMISSION

Fabien Cloutier dans Ça va bien aller

J’aime beaucoup le mélange d’humour et de compassion de Marie-Soleil Dion, bien installée dans sa cuisine avec son amoureux, Loulou, qui vaque à ses tâches domestiques en arrière-plan. La vie continue, le chaos familial aussi. Fabien Cloutier, un gars tellement drôle et brillant, pourrait se permettre plus de folie dans ses interventions.

Pour les curieux, sachez que la tasse à café « J’te trippe dessus » de Marie-Soleil Dion, toujours déposée près de son ordinateur, est une création québécoise de Oui Manon (ouimanon.com). J’en possède une sur laquelle c’est écrit « Gère-toé, criss », gentil rappel à l’ordre quotidien qui me fait du bien. « Gère-toé » Hugo, seigneur !

Chez Bonsoir bonsoir !, à Radio-Canada, les entrevues durent plus longtemps, et les invités cabotinent moins. Direct à l’essentiel, avec empathie et rigolade.

Dans le décor des Poilus, Jean-Philippe Wauthier nous présente aussi d’adorables capsules « Un café avec nos aînés », de même que des recommandations culturelles avant de nous glisser sous la couette.

Depuis le retour en ondes du talk-show estival de la société d’État, nous avons eu droit à de jolis moments, comme le poème de Kim Thúy, le récital de piano du joueur de tennis Félix Auger-Aliassime ainsi que la prestation de l’Orchestre métropolitain. Pas paresseux ce contenu.

Le dimanche soir, la formule épurée de Tout le monde en parle nous ramène également à la base, soit nous parler dans le blanc des yeux, tous ensemble, sans public qui crie, dans un mélange de sérieux et de légèreté. 

J’aime bien la retransmission en direct, qui nous donne l’impression de pouvoir nous réunir en groupe en respectant les règles de distanciation.

Même les chefs d’antenne des chaînes d’infos en continu incorporent des éléments moins « factuels » à leur couverture du coronavirus, question d’alléger l’atmosphère, sans pour autant minimiser la gravité de la pandémie.

Je pense notamment à la complicité entre Patrice Roy et Sébastien Bovet, à Radio-Canada, qui ont débattu des qualités du jambon à l’ananas quelques minutes avant un point de presse de François Legault.

C’était extra sympathique. Merci d’être là et de dévoiler, parfois, votre petit givrage sucré en ondes.

En passant, comme Sébastien Bovet, je déteste le jambon à l’ananas. Peut-être que la recette secrète de Patrice Roy nous ferait changer d’idée ?