Ils « jouent » à la survie en forêt, font des réserves en cas de « bris de normalité » et réapprennent des techniques ancestrales comme tailler des pierres pour en faire des pointes de flèches. Les Primitifs savent aussi manier des armes, au cas où. La série documentaire Les derniers humains fait le portrait de cette « tribu » de survivalistes québécois.

Le jour où la crise de la COVID-19 est devenue une pandémie et qu’il a fallu se terrer à la maison, Mathieu Hébert et Geneviève Lavoie étaient prêts. Ils n’ont pas eu à se ruer à l’épicerie pour acheter de la nourriture ou du papier de toilette. Ils avaient prévu cette éventualité. Ils se préparent depuis des années à faire face au pire : guerre, pandémie, effondrement de la société civile.

« Ça ne nous a pas ébranlés du tout, confirme Mathieu Hébert, qui apparaît comme le chef de la tribu des survivalistes de la série Les derniers humains. Il n’aurait pas fallu que [le virus] soit plus contagieux et plus mortel. On a frôlé, je pense, le moment où on aurait des problèmes d’approvisionnement en nourriture et une augmentation des crimes. »

Ni lui ni sa conjointe, aussi très impliquée dans l’école de survivalisme Les Primitifs, ne se sont réjouis de la pandémie. Il reste que, d’une certaine façon, la réalité confirmait qu’ils avaient raison de se préparer en vue de ce qu’ils appellent un « bris de normalité ». Pas seulement en stockant des pâtes et des pois chiches, mais en s’entraînant à survivre en nature avec presque rien, dans des conditions extrêmes.

Face à l’anxiété

Le terme « survivalisme » évoque d’emblée une forme d’extrémisme, une droite libertaire armée prête à vivre en marge de la société en cas de cataclysme naturel ou politique. C’est d’ailleurs l’image que présente le film de fiction québécois Jusqu’au déclin — visionné des dizaines de millions de fois sur Netflix. C’est aussi ce que présentent des documentaires que le réalisateur des Derniers humains, Christian Lalumière, juge sensationnalistes.

Sans gommer ce qui peut paraître excessif dans le survivalisme, il a d’abord voulu exposer la vision du monde des adeptes qu’il a rencontrés et ce qu’elle dit de notre société.

Les survivalistes sont des gens anxieux à la base. Comme ils ont peur de ce qui peut se passer, ils vont trouver des solutions, comme amasser des stocks.

Christian Lalumière, réalisateur des Derniers humains

« Avec Les Primitifs, ce qui était intéressant, c’est que leur idée n’est pas juste de faire des stocks, mais d’amasser des connaissances », estime le réalisateur.

Les Primitifs, groupe fondé il y a une douzaine d’années, c’est d’abord une école de survie en nature. L’accent est mis sur des choses comme la construction d’abris, la reconnaissance des plantes médicinales ou comestibles et le pistage d’animaux. Ils témoignent d’un attachement et d’une connexion profonds à la nature. La particularité de cette « tribu », c’est toutefois qu’elle insiste sur la transmission et la mise en valeur de techniques ancestrales : partir un feu sans allumettes ni briquet, et même tailler de la pierre.

« Ce ne sont pas des technologies ou des techniques qui sont dépassées, elles fonctionnent encore, fait valoir Mathieu Hébert. Ce n’est pas comme de parler d’un téléphone à roulette. Il est encore possible de chasser à l’arc, de se faire des vêtements avec [des peaux] et de se nourrir [avec l’animal abattu]. C’est une des technologies primaires qui ont fait en sorte que notre civilisation en est arrivée où on en est. » Les maîtriser peut faire la différence entre mourir ou survivre, souligne-t-il.

Un jeu sérieux

D’un épisode à l’autre, on voit donc les défis que se donne le groupe, comme de passer la nuit au sec après s’être immergé dans le fleuve et en être sorti au bord de l’hypothermie, ou encore vivre une semaine comme au temps de la préhistoire. C’est au cours de cette semaine qu’ils ont peaufiné leur technique de taille de pierre pour faire des pointes de flèches ou des couteaux.

« On est des gens sérieux, mais on ne se prend pas au sérieux », dit Mathieu Hébert. L’aspect ludique est important dans la démarche des Primitifs, telle que présentée dans Les derniers humains. Or, la préparation en vue d’un « bris de normalité » est sérieuse : il est aussi question de techniques d’autodéfense — pour réagir à une attaque au couteau, par exemple — et de maniement d’armes.

Christian Lalumière précise que, dans ce groupe, les armes, « ça reste un peu sur le côté ». L’approche est moins paramilitaire que chasseurs-cueilleurs. « On n’enseigne pas ce volet-là », précise Mathieu Hébert, même s’il dit bien aimer les armes à feu. Elles servent à trois choses, selon lui : se nourrir, se protéger, en plus de pouvoir être utilisées comme monnaie d’échange, puisqu’elles « ne perdent pas de valeur en temps difficiles ».

« De tout temps, dans toutes les régions du monde, les humains se sont préparés à faire face à toutes sortes de situations. C’est nouveau, dans le confort de notre modernité, qu’on a juste à aller à l’épicerie ou à cliquer pour obtenir quelque chose, observe Geneviève Lavoie. Le spectre de “bris de normalité” est très grand et ce qui n’est pas normal, c’est de ne pas se préparer. Est-ce nous les étranges ou ceux qui ne se préparent pas ? »

Dès le 4 septembre, 21 h, sur Historia.