Ça frappe dès les premières images : un lieutenant à l’allure négligée, mal coiffé, un peu débonnaire, taciturne, maladroit, aux méthodes saugrenues, aimant les mots d’esprit, mais surtout dont on ne se méfie pas assez et qui devient rapidement envahissant. Ne manque qu’un chien et un imperméable. Non, je ne parle pas de Columbo, mais bien de l’antihéros de la série Edgar, offerte sur Crave depuis mercredi.

Incarné par le Québécois Éric Robidoux (le crosseur de dindons Kevin Fontaine dans Faits divers), Edgar Aquin vit dans une roulotte, se fait regarder de travers par ses collègues, et relève davantage de la caricature que de la réalité. Ça donne une série policière sur le ton de la comédie, qui s’adresse à toute la famille. Lisse et sans malice.

Fait exceptionnel : la série a été tournée au Manitoba, une première pour une œuvre de fiction francophone au pays. Lancés au début d’août, mais appuyés par très peu de promotion, les quatre épisodes offerts pour l’instant ont été tournés avant la pandémie, en plein hiver, avant qu’on reprenne le tournage des quatre derniers le 13 août prochain.

Chaque épisode raconte une nouvelle enquête. Comme dans Columbo, tout commence par le crime, avant qu’Edgar Aquin s’en mêle pour trouver le coupable. Aucun détail ne lui échappe, et surtout, pas toujours besoin de preuves contre le tueur, juste des intuitions, pour lui faire cracher le morceau.

Sincèrement, ce n’est pas de la grande télé, mais je ne me suis pas emmerdé non plus. Tout est dans le plaisir de voir Aquin coincer le meurtrier.

Heureusement qu’il peut se fier à son instinct, parce qu’on a des enquêtes bien minces ici, pour ne pas dire bâclées. Ça se résout un peu simplement à mon goût. Il faut dire que les criminels font des erreurs de juniors. Bref, la résolution des crimes n’a pas la subtilité d’un Columbo.

PHOTO FOURNIE PAR CRAVE

Denis Bouchard incarne Henri Douglas, ancien détenu qui reprend du service en dérobant des diamants précieux.

Dans le rôle-titre, Éric Robidoux sauve bien souvent la mise et rend son personnage attachant. Au premier épisode, Denis Bouchard incarne Henri Douglas, ancien détenu qui reprend du service en dérobant des diamants précieux. Ses motivations sont louables : payer les traitements de chimio de son petit-fils adoré. Mais la manière d’y parvenir n’en demeure pas moins criminelle. J’ai préféré le deuxième épisode, sur le monde du jeu. Dans le rôle d’une as de poker qui élimine le seul capable de la surpasser, Rachel Graton, comme toujours, est excellente. Comme dans Faits divers, elle incarne la folie meurtrière avec un sadisme irrésistible. Vous verrez aussi Paul Doucet jouer un aveugle, les yeux fermés, qui en voit beaucoup plus que ce qu’on pourrait croire.

Comme c’est souvent dans le cas dans les séries francophones produites hors Québec, le niveau de jeu des acteurs est inégal. Les comédiens québécois, qui héritent des rôles principaux, côtoient des collègues franco-manitobains qui n’ont pas forcément l’expérience de la caméra. On le sent dans les accents, mais aussi dans la crédibilité de certaines répliques. Ça peut agacer. On se réjouit par contre de voir des contrées qu’on ne voit que dans les rares reportages des Prairies aux nouvelles.

Jim Donovan, qui a tourné Le siège et Le clan en Acadie, partage la réalisation avec Danielle Sturk, elle-même de Winnipeg. Alexandre Laferrière, de l’équipe d’auteurs de la série File d’attente, tournée à Québec, et scénariste du très beau film Félix et Meira, signe les textes d’Edgar, coproduite par Zone 3 au Québec et Manito Média au Manitoba.

La basse-ville racontée

Ce n’est pas parce qu’on pense connaître une ville qu’on la connaît véritablement. Si vous aimez autant que moi la série Kébec à Télé-Québec, vous risquez de vous intéresser à Basse-ville, série documentaire de trois demi-heures que j’ai vu apparaître par hasard sur Fibe TV1, offerte uniquement sur Bell Télé Fibe. De fort beaux portraits pleins d’humanité, brossés par des amoureux des quartiers Saint-Sauveur, Limoilou et Saint-Roch.

Rien de didactique, mais une incursion réelle avec les propriétaires de commerces de proximité, bien ancrés dans leur quartier, des acteurs importants de la vie communautaire ou des rappeurs de Limoilou.

Dans chacune des émissions, l’historien Réjean Lemoine retrace les origines des lieux et rappelle que Saint-Sauveur est né du déménagement des ouvriers de Saint-Roch, après le grand incendie de 1845. « Si vous voulez gagner une élection, si vous voulez gagner votre point de vue, vous devez avoir les gens de Saint-Sauveur de votre côté », affirme l’historien sur ce quartier historiquement grouillant d’activité sociale, économique et politique. Il rappelle aussi que le lieu ne payait pas de mine avant les années 80. « Entrer à Québec par le boulevard Charest, c’était entrer par le hangar, on voyait tout ce qu’il y avait de moins beau, de plus laid, de plus décrépi à Québec. » On fait aussi état du long passage à vide de Limoilou, quartier le plus multiethnique de Québec, avant sa réjouissante revitalisation.

Il se peut que les images de citoyens agglutinés, au marché ou dans les rues, vous donnent les bleus de cette période prépandémie. Ou alors vous donnent espoir qu’on y reviendra le plus tôt possible. Pour l’instant, seuls les deux premiers épisodes (Saint-Sauveur et Limoilou) sont offerts. À souhaiter que les nombreuses fermetures de commerces n’en fassent pas trop vite une série périmée.