(New York) Michael va-t-il obtenir la garde de Wiley ? Les peines de cœur de Sasha vont-elles la mener à la dépendance ? Sonny va-t-il s’en prendre à Julian ? Autant de questions brûlantes qui vont rester en suspens durant plusieurs semaines, au grand désespoir des fans de la série General Hospital, doyenne de la télévision américaine, qui arrive jeudi au bout de ses nouveaux épisodes.

Rediffusions le vendredi, longs flashbacks insérés dans les nouveaux épisodes, la production du téléroman de la chaîne ABC a eu beau jouer d’artifices pour retarder l’échéance, elle arrive au bout de ses réserves, pour la première fois depuis ses débuts, en 1963, après 14 588 épisodes.

Amour, gloire et beauté (The Bold and the Beautiful) et Les feux de l’amour (The Young and the Restless) avaient déjà rendu les armes le 23 avril.

Seul Des jours et des vies (Days of our Lives) tient encore debout, avec plusieurs mois d’épisodes en boîte, pour tenir jusqu’à l’automne.

« Je regarde la série depuis que j’ai 8 ou 9 ans », explique Tiana Jones, qui en a aujourd’hui 29 et habite le quartier Queens, à New York. « Donc, ne plus avoir cette partie importante de ma vie, c’est dur ».

« C’est une habitude quotidienne [...] une heure à moi », dit Donna Walsh Costello, 65 ans, qui regarde General Hospital depuis le début.

Sollicitée par l’AFP, ABC n’a donné aucune information sur la date possible de reprise du tournage de la série qui a vu passer Demi Moore ou Ricky Martin.

General Hospital, qui en est à sa 58e saison, réunit encore quotidiennement un peu plus de deux millions de téléspectateurs. La série a même tiré son épingle du jeu ces dernières semaines, se rapprochant de la tête des téléromans américains, occupée par Les feux de l’amour depuis plus de 30 ans.

Pour Mary Sue Price, qui a été scénariste sur la série de la fin des années 1990 à 2011, sa longévité s’explique, pour partie, par « sa longue tradition d’histoires fortes » et sa capacité à conserver à l’écran des personnages depuis trois ou quatre décennies.

Dans les épisodes diffusés cette semaine apparaissait Kin Shriner, arrivé en 1977 à Port Charles, ville imaginaire de l’État de New York où se déroule l’histoire, dans le rôle de Scott Baldwin. « Il y a quelque chose de rassurant là-dedans », dit-elle.

Les téléromans « offrent de la constance dans un monde qui n’en a pas toujours », souligne Michael Maloney, du site spécialisé Soap Hub.

Rester viable

Quatre des huit grands téléromans américains ont disparu depuis 2009, dans un paysage ultraconcurrentiel où la télévision traditionnelle perd irrésistiblement du terrain.

General Hospital a réduit ses coûts de 30 % en dix ans, expliquait en 2018 Dominick Nuzzi, vice-président d’ABC, au magazine Variety, principalement en passant de 50 à 35 semaines de tournage par an, pour un même nombre d’épisodes. « Tout le monde a fait ce qu’il avait à faire pour que la série reste viable », explique Michael Maloney.

« C’est un genre totalement sous-estimé », regrette Mary Sue Price, qui se rappelle avoir fait régulièrement des semaines de 50, voire 60 heures. « Les gens ne se rendent pas comptent à quel point on travaille dur ».

Donna Walsh Costello redoute une chute d’audience avec les rediffusions. « Il faut qu’ils filment vite quand ça reprendra et passent au moins un ou deux nouveaux épisodes par semaine », pour « maintenir l’attention ».

Mais pour Tiana Jones, le public très féminin, qui a souvent comme elle découvert la série par une mère ou une grand-mère, est l’un des plus fidèles qui soit. Sa mère, qui vit en Géorgie, l’appelle encore régulièrement pour discuter des épisodes.

La perspective de rediffusions ne l’enchantait pas, mais à bien y réfléchir, elle n’est pas contre un petit voyage dans le temps. « S’ils montraient des épisodes des années 70 ou 80, ou des grands épisodes marquants, ce serait super cool », s’enthousiasme-t-elle.

« Je ne vois aucun des téléromans disparaître », parie Michael Maloney. Malgré de nombreuses tentatives de programmation alternative sur cette case du milieu d’après-midi par les chaînes américaines, « rien ne marche aussi bien ».