À mi-parcours de la sixième saison, la pire d’entre toutes, j’ai délaissé le thriller politique Homeland et sa superespionne en téflon, l’increvable Carrie Mathison (époustouflante Claire Danes). La rupture a été difficile, mais l’amour passionnel du début n’y était plus, que voulez-vous. Ça arrive.

Carrie hébergeait alors son collègue amoché Peter Quinn dans le sous-sol de sa maison de Brooklyn et les intrigues stagnaient. Alors que les deux premiers chapitres avaient été d’une qualité exceptionnelle, on se rappelle la saga entourant les intentions du soldat Nicholas Brody (Damian Lewis), Homeland manquait de gaz, telle une mobylette coincée dans un embouteillage à Peshawar.

J’ai également sauté (désolé !) la septième saison de Homeland, durement écorchée par la critique. Mais je ne pouvais pas abandonner ma Carrie adorée — mon Dieu que j’aime ce personnage complexe — pour son chant du cygne, soit la huitième saison de Homeland, qui a pris fin la semaine dernière après 12 épisodes extrêmement bien construits.

Détails techniques, avant de poursuivre. Télé-Québec devait relayer Homeland 8 à l’automne, sauf que le doublage en français, ralenti par la pandémie, ne sera pas prêt à moins d’un miracle. En anglais, les abonnés « premium » du service Crave de Bell Média peuvent déjà tout rattraper.

PHOTO FOURNIE PAR SHOWTIME

Claire Danes dans Homeland

L’épisode final de Homeland 8, qui attache toutes les ficelles pendantes, est un bijou de tension, de trahison et de rédemption. La toute dernière scène m’a fait crier de joie devant mon écran. Aucun divulgâcheur ici, rassurez-vous. Comme un agent double russe, je transmets des signaux que seuls les initiés décoderont, sans bousiller le plaisir des retardataires.

La passation des mystérieux livres, l’échange de sacs à main aux toilettes ou les signaux de lumière, Homeland a renoué avec les techniques d’espionnage de la vieille école.

Et en retournant en Afghanistan pour son ultime mission, Homeland a retrouvé ses frissons et son essence d’origine. Il n’y a rien de plus satisfaisant que de voir Carrie courir dans Kaboul avec son foulard sur la tête et son sac en bandoulière, sachant qu’elle désamorcera une bombe nucléaire ou interceptera un message du chef des talibans dans dix secondes.

Parlons-en, de Carrie, une femme déterminée, brillante et courageuse, mais aussi bornée, instable et impulsive. S’il y en a une qui évolue constamment dans les zones de gris, c’est elle. Carrie ment, manipule et ne s’embête pas avec les lois internationales pour empêcher un attentat terroriste, oh non.

De toute façon, le valeureux et dévoué Saul Berenson (Mandy Patinkin, quel acteur) sera toujours là pour la sortir du pétrin, non ? Attendez de voir comment la relation de confiance, limite tordue, entre Saul et Carrie évoluera dans cet acte final. C’est angoissant à l’extrême.

Héroïne imparfaite, pas toujours rationnelle, Carrie n’a pas été évidente à aimer. De nombreux fans n’ont d’ailleurs pas digéré qu’elle abandonne sa fille Franny, et en confie, bien malgré elle, la garde à sa sœur.

Aux yeux de Carrie, la reine des drones, la prévention d’une troisième guerre mondiale à la frontière pakistano-afghane passe bien avant la maternité. Tout ce qu’elle a accompli dans Homeland, Carrie l’a fait pour la sécurité nationale. Une obsession malsaine, envahissante.

De façon habile et réaliste, Homeland a également démontré comment la bipolarité a été un atout formidable et la plus grande faiblesse de Carrie Mathison.

En phase maniaque, Carrie assemblait les pièces du puzzle à une vitesse effarante. En dépression, Carrie s’effondrait et perdait la carte.

Carrie a passé sept mois dans un asile moscovite, où elle a oublié de grands pans de sa vie. Dans Homeland 8, elle essaie de recomposer sa mémoire. Que s’est-il passé entre elle et l’espion Yevgeny Gromov, la version 2020 de Brody ?

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Claire Danes et Mandy Patinkin dans Homeland

La CIA croit que Carrie a été recrutée par les services secrets russes. Honnêtement, Carrie ne le sait même pas. Sa vie en internement lui revient par bribes. Carrie aurait-elle retourné sa veste en divulguant des informations compromettantes au Kremlin ?

Homeland 8 introduit brièvement un nouveau personnage détestable, incarné par Hugh Dancy, le mari de l’actrice Claire Danes. Il s’appelle John Zabel et porte le titre de conseiller en politique étrangère du président américain. Honnêtement, on a le goût de frapper ce gros douchebag après 30 secondes à l’écran.

Cette huitième saison enlevante de Homeland rachète beaucoup de maladresses, je trouve. Et la fin est une vraie fin, qui scelle tous les destins.

Après huit saisons de bombardements et de seringues remplies de liquide paralysant, il est maintenant temps de dire adieu à cette formidable télésérie. Merci pour tout, Carrie. Merci pour le jazz (Terminal 7, de Tomasz Stanko), merci pour la panoplie de perruques et merci pour le retour de la mode safari-chic !