C’est aussi clair que l’eau de la piscine hors terre du moustachu Serge Paquette (Patrice Robitaille). Les fans des Invincibles et de Série noire se régaleront de la nouvelle série de leurs créateurs, François Létourneau et Jean-François Rivard, C’est comme ça que je t’aime, qui jouit d’un buzz incroyable – et mérité – depuis sa sortie à la Berlinale, la semaine dernière.

J’ai adoré les deux épisodes présentés aux journalistes mercredi matin. C’est drôle, grinçant et intelligent comme un film des frères Coen et ça incorpore plusieurs références à des grands du cinéma (Tarantino, Scorsese, notamment), sans toutefois que la série sombre dans le pastiche et l’enfilade d’emprunts. Boni pour les mordus : il y a même un gag de pH (salutations à Guy Nadon, ici) !

Les 10 épisodes de C’est comme ça que je t’aime apparaîtront vendredi dans l’Extra de Tou.TV, avec une diffusion à la télé prévue la saison prochaine.

Avec une vieille chanson de Mike Brant en toile de fond, d’où le titre de cet audacieux projet tragicomique, Létourneau (scénario) et Rivard (réalisation) nous téléportent dans un univers à la Breaking Bad, où les crimes perpétrés par les personnages s’ancrent dans une détresse conjugale profonde.

L’histoire, rapidement. Deux couples à la dérive sont voisins à Sainte-Foy, à l’été 1974. Il y a Serge (Patrice Robitaille) et Micheline (Karine Gonthier-Hyndman), parents de deux jeunes enfants. Lui, un gros macho conservateur, gère le Sears de Place Laurier. Elle, féministe en quête d’émancipation, enseigne à l’Université Laval. Ils ne baisent presque plus et se trompent allègrement.

Quelques bungalows plus loin, nous rencontrons Gaétan (François Létourneau) et sa femme Huguette (Marilyn Castonguay), qui porte leur deuxième rejeton. Conseiller du conseiller politique de Robert Bourassa, aussi bien dire un rond-de-cuir, Gaétan est une vraie tête à claques, tandis qu’Huguette, femme au foyer et vendeuse de produits Avon, déteste secrètement son mari.

Surveillez-la, la douce Huguette. C’est elle, le pivot de cette excellente série avec son « œil du tigre ». Mais ne brûlons pas de punch, ici.

Reprenons. Les problèmes matrimoniaux de Serge, Micheline, Gaétan et Huguette leur explosent en plein visage après qu’ils ont déposé leur marmaille au camp d’été. Pendant ces trois semaines sans enfants, ils se retrouvent seuls, confrontés au vide total de leurs relations.

C’est l’ennui domestique et leurs insatisfactions qui poussent le quatuor à s’improviser gangsters d’une façon que je ne divulgâcherai pas. Et cette plongée dans la violence (il y aura plusieurs cadavres) déterminera si les couples cassés survivront à la crise. Très présente, la musique de film noir accentue habilement les tensions qui divisent ces banlieusards désespérés.

Les quatre acteurs principaux de la série sont épatants, capables de passer d’une scène hyper intense à une autre burlesque sans qu’il y ait de décalage. Parce que oui, on rigole beaucoup, malgré l’âpreté du sujet de départ.

Cet univers riche imaginé par François Létourneau regorge d’observations fines, de répliques comiques et de malaises révélateurs. C’est brillant comme écriture.

Dans la distribution de C’est comme ça que je t’aime, vous reconnaîtrez des acteurs fétiches de François Létourneau et Jean-François Rivard, dont Patrick Drolet (le curé Mario) et Rémi-Pierre Paquin (le syndicaliste René).

PHOTO FOURNIE PAR ICI RADIO-CANADA

Rémi-Pierre Paquin dans C’est comme ça que je t’aime

À l’instar de Fragile, C’est comme ça que je t’aime démarre en nous montrant la fin. Les cadavres des quatre caïds de Sainte-Foy flottent dans une piscine. Leurs « exploits » nous sont racontés par un faux journaliste retraité du Soleil, à la manière d’une docusérie de true crime.

Il faut saluer l’inventivité de la réalisation et la qualité de la reconstitution historique de 1974. Les chemises en rayonne, les palettes de brun, orangé et caca d’oie, les voitures d’époque, les bouteilles de bière biberon, la typographie, les cendriers en verre, les paquets de Craven A (tout le monde fume), aucun détail n’a été négligé.

Notre œil s’accroche inévitablement aux accessoires vintage, sans toutefois que cela nous distraie de la trame du récit. Dans les dialogues, ça jase des lutteurs Dino Bravo et Gino Brito, des épiceries Steinberg, du restaurant Marie-Antoinette, de la Superfrancofête ou du Castor bricoleur.

Bien hâte maintenant de déguster les huit autres épisodes de C’est comme ça que je t’aime pour vérifier si le calibre du produit se maintient jusqu’à la fin.

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