La plateforme Disney+ a adopté cette stratégie pour son lancement, en novembre dernier. Un épisode de The Mandalorian par semaine. Pas plus.

PHOTO DISNEY+, REUTERS

Baby Yoda dans The Mandalorian

Apple TV+ a procédé de la même façon pour ses séries phares, dont The Morning Show avec Jennifer Aniston et Reese Witherspoon. Un épisode par semaine. Pas un de plus.

Chez nous, le service Crave de Bell Média a emboîté le pas avec la série québécoise Pour toujours, plus un jour en l’offrant au compte-gouttes.

Même Netflix, qui a démoli le modèle télévisuel traditionnel en offrant ses émissions en blocs complets, a commencé à reculer. Les téléréalités The Circle et Rhythm + Flow ont récemment été mises en ligne à coups de quelques épisodes – et non dans leur entièreté.

La rafale, qui a éradiqué toute forme de patience chez le consommateur, perd des plumes, notamment pour des raisons économiques. Avec les mois d’essais gratuits offerts par ces géants, un téléphage pouvait dévorer le dernier chapitre de House of Cards en un week-end, pour ensuite résilier son abonnement et butiner ailleurs.

En étirant la diffusion de leurs séries sur deux ou trois mois, les Disney+ et Apple TV+ tentent de freiner ce magasinage populaire. Ils espèrent aussi que les clients souscriront à leur service et qu’ils oublieront les 10 $ qui passent mensuellement sur leur carte de crédit. Ça nous arrive tous, il faut l’avouer.

Autant j’adore m’enfiler Sex Education 2 en une soirée, autant j’aime le vieux modèle à la semaine, qui redonne de l’espace à l’anticipation et qui nous permet de ressusciter les discussions de machine à café.

Avec la rafale, parler d’une série en groupe est devenu impossible. Chut, je suis juste rendu au troisième épisode ! Tais-toi, Hugo, tu vas encore dévoiler le punch !

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Pier-Luc Funk dans Fragile

Par exemple, une série comme Fragile (disponible sur l’Extra d’ICI Tou.tv) se savoure infiniment mieux à un rythme hebdomadaire. Pour qu’elle nous imprègne, nous habite et nous fasse réfléchir.

En me goinfrant des 10 épisodes de Fragile, j’ai eu l’impression de gaspiller trop vite de l’excellent matériel. Comme un affamé qui engloutirait le repas d’un grand chef international en moins de cinq minutes. Burp !

Il y a d’autres productions comme Homeland, La faille ou Victor Lessard à qui la rafale va franchement mieux. C’est du suspense, ça roule, allez, un autre épisode, on veut connaître le dénouement.

La tactique de Netflix de tout déverser d’une traite commence à s’user. Ses séries, pourtant très bonnes, ont une durée de vie de plus en plus limitée. En une semaine, elles disparaissent de la conversation. Et on passe à une autre. Et à une autre, comme un enfant qui n’a pas fini de déballer son cadeau de Noël et qui en réclame déjà un nouveau.

Il serait peut-être temps que l’on réévalue notre façon de se gaver de télévision. Un verre de champagne, ça ne se cale pas, ça se déguste à la gorgée, non ?

Bernard Derome, de 1970 à 2020 !

Depuis 10 jours, la dernière pub de Loto-Québec pour célébrer les 50 ans de sa « Loterie Mensuelle » suscite un déluge de questions. Comment le Bernard Derome de 1970 arrive-t-il à nous parler comme s’il vivait aujourd’hui, en 2020 ? Vraiment, c’est bluffant.

« Bonsoir, mesdames et messieurs. Ici Bernard Derome de 1970. Eh oui. Et voici votre bulletin de nouvelles de 2020. »

La gestuelle, la voix, le costume brun, la manipulation du crayon, les cheveux, le sourire de la fin et la posture de l’ex-chef d’antenne de Radio-Canada : tout a été reproduit avec un souci maniaque du détail. Comme si une machine avait reculé dans le temps de 50 ans.

Cette publicité est un hypertrucage – un deepfake, en bon français – qui a nécessité trois mois de travail pour l’agence publicitaire Sid Lee.

Après avoir analysé des heures et des heures d’archives, il a d’abord fallu trouver un comédien qui avait la même carrure que celle de Bernard Derome en 1970. « Nous en avons vu une vingtaine. Il fallait que cet acteur ait les mêmes épaules, la même grosseur de cou et la même forme de visage que Bernard Derome en 1970 », explique le directeur de création exécutif chez Sid Lee, Alex Bernier.

L’heureux élu a été déniché : Samuel Décary, 24 ans, fraîchement diplômé de l’École nationale de théâtre. En décembre, Samuel Décary a enregistré une première version de la pub sous la supervision de Pierre Verville, qui parodie Bernard Derome depuis des dizaines d’années.

Le vrai Bernard Derome se trouvait également en studio pour distiller des trucs au jeune comédien. Puis un ordinateur a ajouté le visage – et seulement le visage – de Bernard Derome de 1970 à l’acteur d’aujourd’hui. Ce procédé informatique a pris, à lui seul, un mois.

Il restait à placer la voix du lecteur de nouvelles. Nouvelle ronde d’auditions. « Les gars étaient bons, mais ils avaient tous l’air d’imiter quelqu’un qui imite quelqu’un », rappelle le publicitaire Alex Bernier.

Solution ? Demander à Bernard Derome de lire le texte. La voix de la pub de Loto-Québec est donc la véritable voix de l’ancien présentateur du Téléjournal, qui n’a même pas été retouchée pour la rajeunir. Elle a ensuite été parfaitement synchronisée avec les mouvements de lèvres du comédien pour compléter l’illusion.

Dernier secret de plateau : cette pub a été réalisée par Julien Hurteau, derrière la caméra de Passe-Partout, mais que l’on voit aussi en policier dans 5e Rang, où il essaie très fort de soutirer des informations à Kim (Catherine Brunet). Voilà, vous savez tout.