« Les premières secondes de cet épisode sont choquantes… »

Et comment : les premières secondes, les premières minutes du cinquième épisode de la deuxième saison de M’entends-tu ? sont dures, crues et d’une violence sans nom. Et ce sont les comédiens eux-mêmes qui mettent en garde les téléspectateurs.

« Les premières secondes de cet épisode sont choquantes. Les premiers signes de violence le sont aussi. Écoute-moi. Si tu as peur. Si tu te sens impuissante, impuissant. Si tu veux consulter. Si tu es témoin. Écoute-moi. Tu peux trouver de l’aide. »

Ce n’est pas tous les jours que des comédiens (dont Ève Landry, la Carolanne de M’entends-tu ?, précisément victime de violence conjugale dans la série) s’adressent directement à la caméra, pour avertir les spectateurs de ce qui s’en vient, et surtout les inviter à trouver de l’aide, au besoin. Cet avertissement inusité (en plus du message d’usage du CRTC) précède l’épisode de la deuxième saison de l’émission qui sera télédiffusé le 27 janvier, et qui est déjà en ligne sur le site de Télé-Québec.

Il faut dire que ça n’est pas tous les jours qu’on est plongé aussi réalistement dans une telle scène de violence conjugale, ici réalisée par Charles-Olivier Michaud, et produite par Trio Orange. Pensez coups de poing, yeux tuméfiés et tête dans le fond de la cuvette. Larmes et cris en prime, sur fond d’une douce chanson réconfortante (Quand le temps tournera au beau, interprétée par Renée Claude).

« Il n’a jamais été question de ne pas la montrer [cette scène], cela fait partie de la liberté des auteurs », a commenté mercredi Nicole Tardif, directrice générale des communications de Télé-Québec.

Cela dit, et parce que la scène introduit l’émission, « on jugeait important et pertinent d’aviser les téléspectateurs, enchaîne-t-elle. Mais il n’a jamais été question de ne pas montrer la scène. Parce qu’en travaillant avec SOS Violence conjugale, et toutes les études le prouvent, on sait que montrer peut aider de vraies victimes ».

Montrer, c’est dénoncer.

 Nicole Tardif, directrice générale des communications de Télé-Québec

Si la scène avait été plus subtile, suggestive, moins crue, finalement, « ça n’aurait pas eu la même charge émotive », affirme-t-elle.

Non seulement on avise le téléspectateur, mais le site web de M’entends-tu ? propose une liste de ressources à consulter, au besoin : Tel-jeunes, YWCA, Centraide, Centre des femmes de Montréal et autres SOS Violence conjugale.

Ce dernier organisme, contacté mercredi, se félicite d’ailleurs de la démarche. « Oui, c’est important de montrer jusqu’où cela peut aller, parce que ça n’est pas rare, fait valoir Claudine Thibaudeau, travailleuse sociale et responsable du soutien clinique de SOS Violence conjugale. Au Québec, il y a 20 000 plaintes annuellement pour violence criminelle, et on pense que cela ne représente qu’entre 20 et 30 % de la réalité. Parce que ça n’est pas tout le monde qui subit de la violence qui porte plainte… » Donc oui, insiste-t-elle, « c’est extrêmement important qu’on en parle ».

S’il est impossible de dire si de telles diffusions médiatiques entraînent ou non une recrudescence des demandes d’aide (« On reçoit toujours un déluge d’appels », glisse-t-elle, plus de 29 000 l’an dernier, et déjà près de 31 000 pour cette année, qui se termine le 31 mars), ultimement, elle peut éveiller des gens. « On peut se reconnaître, des proches peuvent mieux comprendre, cela peut même favoriser une remise en question de gens qui utilisent des comportements violents », avance-t-elle. Tant et aussi longtemps que la scène est réaliste, démontrant une emprise au quotidien de cette violence, un certain sentiment d’être pris au piège, la confusion de la victime, et surtout une impression d’impuissance.

Et à cela, les autrices y ont particulièrement bien veillé.

M’entends-tu ? a un traitement vrai, réaliste et cru, et cette scène n’y échappe pas. »

Pascale Renaud-Hébert, coscénariste

Les scénaristes se sont beaucoup questionnées quant à la façon d’aborder cette réalité, à laquelle elles tenaient à s’attaquer. « Parce que ça touche vraiment beaucoup de femmes. Parce que c’est tabou. Et parce que les femmes sont seules, isolées, et qu’on n’en parle pas tant que ça », ajoute Pascale Renaud-Hébert, coscénariste avec Florence Longpré. 

Pour traiter du sujet avec réalisme et surtout franchise, elles ont fait tout un travail de recherche sur le terrain, consultant non seulement des intervenants, mais aussi des femmes victimes de violence conjugale, même des policiers. Les interprètes sont d’ailleurs en contact avec des organismes pour mieux comprendre les enjeux et les cycles de la violence conjugale, « extrêmement complexes » (de la lune de miel à la crise, en passant par les différents degrés de tensions). 

« Quand on a commencé la deuxième saison, poursuit la coscénariste, on s’est demandé : comment on en parle, jusqu’où on va ? On voulait être sûres d’être outillées pour en parler de façon honnête et réaliste. » Résultat ? « On est assez à l’aise avec ce qu’on a fait. »

>Consultez le site de M’entends-tu ?

>Consultez le site de SOS Violence conjugale