(New York) Apple se met au streaming et veut transposer son aura à une plateforme qui comptera parmi sa première vague de séries Dickinson, une lecture très actuelle de la vie de la poétesse américaine Emily Dickinson, avec l’ambition de la faire découvrir à la jeune génération.

Avec sa nouvelle offre par abonnement Apple TV+, lancée officiellement vendredi, le géant à la pomme n’est pas le premier à s’attaquer à ce mythe de la poésie américaine, disparue en 1886.

Récemment, Emily Dickinson, a Quiet Passion (2016) et Wild Night with Emily (2018) s’y sont essayés sur grand écran, sans rencontrer leur public, malgré une critique élogieuse.

Pour séduire plus largement, Apple a pris le contrepied du formalisme habituel des films et séries d’époque.

Avec son Marie-Antoinette (2006) et sa bande-son rock, la réalisatrice Sofia Coppola avait ouvert la voie d’une relecture décomplexée du genre.

Dickinson s’engouffre dans cette voie, avec son langage très moderne, ses mouvements de danse ou ses choix musicaux, de Billie Eilish à Travis Scott.

Le public cible est les adolescents qui connaissent déjà Hailee Steinfeld (22 ans), actrice et chanteuse vue notamment dans la saga Pitch Perfect ou Bumblebee.

« C’est une belle occasion pour les jeunes de découvrir la vie et l’œuvre d’Emily Dickinson sous un jour nouveau, moderne », s’enthousiasme, lors d’une table ronde à New York avec des journalistes, Jane Krakowski, qui joue la mère de la poétesse.

« Si on pouvait traiter toute l’histoire de cette façon », poursuit Jane Krakowski, « je pense que les jeunes adoreraient cette matière à l’école. »

« Histoire contemporaine »

Dans cette démarche, le choix d’Emily Dickinson n’est pas un hasard. Élevée dans les conventions d’une famille bourgeoise de Nouvelle-Angleterre, elle a toujours fait preuve d’un esprit rebelle.

Créatrice de la série, ALENA Smith a voulu proposer le tableau d’une « jeune artiste radicale, en avance sur son temps », qui puisse faire écho aujourd’hui.

« Dans la salle d’écriture (avec les autres auteurs), j’ai expliqué que ce qui n’était pas pertinent aujourd’hui n’avait pas sa place dans la série », dit-elle.

« C’est une histoire incroyablement contemporaine pour les jeunes, celle d’une jeune poétesse à la sexualité fluide (queer), qui se demande où est sa place dans ce monde », s’enthousiasme Anna Baryshnikov, qui joue Lavinia, la sœur d’Emily.

Dickinson s’appuie ainsi beaucoup sur la relation passionnée qu’a entretenue l’héroïne avec Susan Gilbert, dans laquelle beaucoup voient plus que de l’amitié, même s’il n’existe pas de preuve formelle d’une liaison.

Avec son ton facétieux et ses digressions, la série s’attache à restituer la richesse de l’univers intérieur d’Emily Dickinson, et à surmonter la monotonie apparente de son existence.

La poétesse a en effet passé toute sa vie dans la maison familiale, prisonnière d’un quotidien sans relief, et la presque totalité de ses écrits n’a été publiée qu’après sa mort, soit plus de mille poèmes.

L’explosion des plateformes et la demande inextinguible de contenus offrent à des séries atypiques comme Dickinson un champ d’expression nouveau.

« Je suis contente qu’Apple prenne ce vrai risque », explique Anna Baryshnikov au sujet de la plateforme qui ne proposera que des séries originales, « parce que le paysage (de la télévision) est tellement saturé que cela laisse de l’espace pour essayer des choses nouvelles. »

« Je ne pense pas que Dickinson aurait trouvé sa place ailleurs », renchérit Ella Hunt, qui joue Susan.