Cet été, des artistes plongent dans leurs souvenirs pour analyser leur première œuvre professionnelle. Aujourd’hui : Mélissa Désormeaux-Poulin

Même si la comédienne Mélissa Désormeaux-Poulin est encore jeune, elle a dû reculer de trois décennies pour raviver les souvenirs du premier rôle important de sa carrière : la petite Marie-Andrée dans Jamais deux sans toi.

Si elle a obtenu le rôle à 7 ans, elle rêvait déjà du métier depuis longtemps. « À 4 ans, je disais à mes parents que je serais comédienne, se souvient-elle. Je les harcelais ! »

Son souhait a été exaucé quand elle a mis le pied sur le plateau du téléroman écrit par Guy Fournier. « C’est une expérience très significative pour moi, car c’est là que j’ai appris mon métier : comment étudier un texte, me positionner par rapport à la caméra, être généreuse envers mes partenaires de jeu. »

Cela dit, quand elle revoit ses performances d’enfant actrice, son regard est critique. « Je me juge constamment, même aujourd’hui. Me regarder n’est pas quelque chose de doux. Je trouve que je jouais de façon plus caricaturale, mais c’était une autre mode de jeu. Avec le temps, tout est devenu plus réaliste. »

N’empêche, elle est aussi capable de tendresse envers ses premiers pas. « Je sais que j’étais petite et je trouve ça beau. Je vois la justesse dans le regard. Je suis sincère. Et, sans prétention, j’ai senti à ce moment-là que j’avais ce qu’il fallait pour faire le métier. J’ai des frissons quand j’en parle. »

Même si elle était convaincue de sa destinée professionnelle, ses parents étaient loin de la laisser aller sans dire un mot.

[Mes parents] étaient craintifs, car je manquais de l’école. Je sentais un regard de fierté de leur part, mais ils étaient très exigeants. Ils n’étaient pas groupies du tout. Tant mieux, ça fait que je suis terre-à-terre.

Mélissa Désormeaux-Poulin

Instinctivement, elle a décidé d’être discrète sur son métier avec ses amis. « J’ai compris assez vite qu’il ne fallait pas trop que j’en parle, parce que ça dérangeait. Mes amis proches étaient contents pour moi, mais ce n’est pas quelque chose dont on parlait beaucoup. C’était tabou. »

Le rêve ultime

Il lui a fallu plusieurs années avant de réaliser son plus grand rêve de jeunesse : jouer dans un film. Une occasion qui s’est présentée en 2006 avec le tournage d’À vos marques… Party !, un film d’ados qu’elle a tourné après une période professionnelle relativement calme. « Quand j’étais enceinte, j’avais fait le deuil de jouer dans un film et je me disais que si ma carrière s’arrêtait là, je deviendrais une maman. » Puis, l’audition est arrivée. « Je n’étais pas motivée du tout ! Je venais d’avoir un bébé trois mois plus tôt. Mais j’ai eu le rôle ! »

Ses expériences cinématographiques (Incendies, Gabrielle, Le trip à trois) ont ensuite transformé son jeu. « C’est devenu plus intérieur. Notre métier est très relié à qui on est. »

Plus tu entres en toi pour vrai, plus tu te comprends et plus tu es curieux des autres, mieux tu joues. En vieillissant, on joue mieux car on connaît mieux l’humain.

Mélissa Désormeaux-Poulin

Elle croit aussi qu’elle s’exprime davantage qu’à ses débuts. « À la base, je suis assez docile sur un plateau, parce que j’avais appris comme ça. Je pensais que mon métier consistait à performer rapidement, sans se remettre en question. J’étais quelqu’un qui voulait plaire et se faire aimer. »

Avec le temps, elle a appris à discuter avec les réalisateurs. « Je vais écouter leurs idées et les essayer, mais si ça ne fonctionne pas ou si je ne suis pas bien, je vais en parler. Ç’a été long avant que je me permette de m’affirmer, sans craindre qu’on ne m’aime pas. Ça a changé entre mes 25 et mes 30 ans. »

Premier enfant

Le déclic s’est opéré quand elle a eu son premier enfant. « Lorsque je suis tombée enceinte, ça a changé ma vision. Avant, je faisais un peu comme si de rien n’était. Mais là, je n’ai pas eu le choix de m’arrêter. Je me suis mise à réfléchir beaucoup plus. »

Quand on lui demande si elle croit que c’était une bonne idée de commencer le métier si jeune, elle répond par l’affirmative. « Je suis chanceuse d’avoir débuté si tôt et je suis fière de ce parcours. J’ai eu un processus plus long pour apprendre à me faire confiance. Ça a fait qui je suis. »

Par contre, quand elle a appris que sa fille Léa voulait faire ses débuts en jeu, elle était sur ses gardes. « C’est quand même un monde d’adultes. J’aime mieux que ma fille reste une enfant. Mais comme son désir est trop fort, je n’ai pas le choix. Je ne peux pas juste la tenir. Heureusement, je pense être une bonne personne qui peut l’accompagner. »

À 13 ans, sa fille fait du doublage et vient tout juste de passer sa première audition. « Ça me fait quelque chose de la voir. Je veux la protéger de ce monde de performance et je veux qu’elle apprenne le métier de la bonne façon. C’est stressant. Je ne suis pas une mère relaxe ! »