Une chaîne télévisée destinée aux ados a été vivement critiquée, hier, pour avoir diffusé des astuces afin de réussir ses photos érotiques.

Alors que les corps de police et les autorités mettent continuellement en garde les mineurs contre la création ou la diffusion de photos les montrant nus, VRAK expliquait sur son site et les réseaux sociaux comment « réussir ton sexfie sans ruiner ta réputation ».

Elle promet maintenant de revoir sa « ligne éditoriale ».

« Après les sextos, on dit maintenant bonjour aux sexfies. Ces égoportraits pris à moitié nus sont devenus la nouvelle tendance en matière de jeu érotique. De quoi raviver la flamme dans ton couple ! », commençait l'article, non signé.

« Dévoile ton corps progressivement plutôt que d'envoyer une photo de toi entièrement dénudée. Dessous ou côté de la poitrine (sideboobs), tenue de plus en plus légère, jeux d'ombre et de lumière, vêtements semi-transparents... soi[s] créative ! », continue le texte, écrit uniquement au féminin.

« Irresponsable »

L'article a mis le feu aux poudres sur les réseaux sociaux.

« Cet article est inacceptable, surtout de la part de VRAK dont le public est très jeune ! », a dénoncé la porte-parole libérale en matière d'éducation, Marwah Rizqy. 

« À l'heure où des campagnes de prévention et de sensibilisation à la cyberintimidation se déroulent dans nos écoles, ce billet est irresponsable. »

- Marwah Rizqy, porte-parole libérale en matière d'éducation

Le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, lui a répondu qu'il était « 100 % d'accord » avec elle. « Le meilleur truc pour réussir son "sexfie", c'est de ne pas en faire du tout », a-t-il ajouté.

Vers midi, le texte avait disparu du site de VRAK. Une publication sur Facebook pour en faire la promotion avait aussi été supprimée.

« VRAK vous écoute et est sensible à vos commentaires », a répondu la chaîne à des internautes qui la critiquaient sur Twitter. « Bien que nous visons maintenant un public plus mature, les 18-34 ans, notre dernier article sur les sexfies a soulevé plusieurs questions. Nous avons décidé de le retirer promptement et nous reverrons notre ligne éditoriale. » VRAK, chaîne de Bell Média, vise « les adolescents et les jeunes adultes québécois », explique pourtant l'entreprise sur son propre site internet.

En réponse au courriel de La Presse, l'entreprise a simplement renvoyé cette explication déjà diffusée. « Nous n'avons rien de plus à ajouter pour le moment », a écrit Patrick Tremblay, relationniste.

« Ça leur met de la pression »

La sexologue Myriam Day Asselin, de Tel-jeunes, croit que l'article diffusé par VRAK rame à contresens du bon message à transmettre aux ados au sujet de la sexualité.

« Posséder ou partager une photo à caractère sexuel d'un mineur, c'est de la pornographie juvénile. C'est comme si on banalisait ça, comme si on le glorifiait. »

- La sexologue Myriam Day Asselin, de Tel-jeunes, en entrevue téléphonique

En outre, la lecture d'un texte de ce type peut convaincre certaines adolescentes que la transmission de photos intimes est une étape normale et incontournable d'une relation amoureuse. « S'adresser [aux mineurs] comme si c'était une norme, ça leur met de la pression sur les épaules dans une période où ils sont en découverte d'eux-mêmes. »

Mariette Julien, professeure à l'UQAM et sociologue, s'intéresse au phénomène de l'hypersexualisation des femmes. Elle a expliqué en entrevue que la publication d'un article comme celui de VRAK s'inscrivait dans un contexte où les critères de beauté passent de plus en plus par la « disponibilité sexuelle », le fait pour une femme de se montrer comme une partenaire sexuelle potentielle.

« Il y a toute une image de la femme qui est véhiculée dans la société, notamment à travers le marketing qui vend l'image de la pin-up », a ajouté Mme Julien. « La femme idéale est beaucoup associée à cette image : celle qui est capable d'afficher son attirance pour le sexe. »