En acceptant une statuette au gala des Emmy Awards, dimanche soir, l’actrice Michelle Williams a dénoncé l’inégalité salariale à Hollywood, un discours engagé qui a fait bien des vagues.

Lorsque Michelle Williams a mis la main sur l’Emmy de la meilleure actrice dans une minisérie ou un film télévisuel pour son rôle dans Fosse/Verdon, elle a remercié la chaîne FX et les studios Fox 21 pour leur « soutien complet » et un « salaire équitable ».

Elle lançait ici une flèche à l’équipe d’All the Money in the World qui l’avait payée beaucoup moins cher que son partenaire de jeu, Mark Wahlberg, en janvier 2018.

Rappelons les faits. Puisqu’ils devaient refaire une partie du tournage, l’actrice aurait reçu moins de 1000 dollars américains pour la dizaine de jours de travail additionnels, alors que l’acteur avait reçu plus de 1,5 million.

Lorsque le scandale a éclaté, Mark Wahlberg a écrit sur les réseaux sociaux qu’il appuyait « à 100 % la lutte pour un salaire équitable » et il avait fait un don de 1,5 million de dollars américains à la campagne Time’s Up, qui lutte contre les inégalités.

La chercheuse Eve-Lyne Couturier, de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), est sidérée par l’écart salarial qu’il y a eu entre les deux artistes et lève son chapeau à la star hollywoodienne, qui a choisi d’en parler ouvertement, et même d’en faire un cheval de bataille.

Puisque c’est une actrice reconnue et de talent, elle a la possibilité d’avoir ce courage-là, une possibilité que beaucoup d’acteurs et actrices ne peuvent pas avoir.

Eve-Lyne Couturier, experte en inégalités de rémunération entre les femmes et les hommes

Sur la scène des Emmys à Los Angeles, Michelle Williams a ajouté : « Je vois ce prix comme une reconnaissance de ce que ça peut faire lorsque nous avons confiance en une femme, qui connaît ses besoins et se sent assez en sécurité pour les exprimer. Quand j’ai demandé plus de cours de danse, j’ai entendu oui. Plus de cours de chant, oui. Une perruque différente, de fausses dents, oui », a-t-elle expliqué.

« Pour mes patrons, ça demande plus de travail, plus d’argent, mais ils n’ont pas prétendu qu’ils savaient mieux que moi ce dont j’avais besoin pour faire mon travail », explique l’actrice de My Week with Marilyn et Blue Valentine.

Dur de revendiquer

La chercheuse Eve-Lyne Couturier affirme que depuis quelques années, il est entre autres suggéré aux femmes de revendiquer elles-mêmes un meilleur salaire, à leur juste valeur. « Mais des études se sont penchées là-dessus et un des problèmes est que les femmes qui font ça sont perçues négativement, elles semblent chialeuses et exigeantes », dit Eve-Lyne Couturier.

Alors comment on fait pour prendre notre place, alors que la société ne nous la laisse pas aussi facilement que si nous avions eu la chance de naître homme et blanc ?

Eve-Lyne Couturier

Michelle Williams a terminé son discours en demandant : « La prochaine fois qu’une femme — et en particulier une femme de couleur, puisqu’elle gagne 52 cents pour chaque dollar gagné par un collègue blanc — vous dira ce dont elle a besoin pour bien faire son travail, écoutez-la. Croyez en elle », a-t-elle ajouté, en affirmant que cette femme les remerciera peut-être un jour pour leur confiance, comme elle le fait pour les producteurs de la minisérie Fosse/Verdon.

Plusieurs personnalités ont applaudi le discours de Michelle Williams sur les réseaux sociaux, dont les actrices Diane Kruger, Jessica Chastain et Reese Witherspoon. « Peut-on donner un Emmy à Michelle Williams pour son discours aux Emmys ? Elle est tellement une inspiration », a gazouillé Witherspoon.

Une campagne au Québec

En 2016, les résultats d’une étude à l’interne de l’Union des artistes (UDA) montraient que l’écart des revenus entre les femmes et les hommes s’était creusé dans la dernière décennie. Un fait loin d’être réjouissant.

Depuis, l’UDA dit travailler fort pour améliorer la situation, mais il n’a pas été possible, hier, d’avoir des données plus récentes.

L’inégalité salariale ne se limite pas qu’aux artistes. D’après le rapport du ministre du Travail sur la mise en œuvre de la Loi sur l’équité salariale au Québec, présenté en mai dernier, « l’écart salarial entre les hommes et les femmes s’est rétréci au fil du temps, mais il n’a pas été supprimé totalement. Il était de 15,8 % en 1997 et de 10,2 % en 2017 ».

La littérature scientifique sur le sujet est sans équivoque : une partie de l’écart salarial est attribuable à la discrimination systémique envers les femmes.

Extrait du rapport du ministre du Travail 2019 sur la mise en œuvre de la Loi sur l’équité salariale

La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a lancé, la semaine dernière, sa nouvelle campagne « L’équité salariale, une démarcher payante » pour que la province poursuive ses efforts en ce sens.

« La campagne est là pour inciter les personnes à s’informer sur leurs droits, en fonction de l’organisation dans laquelle elles travaillent, et de mieux connaître les principes d’équité salariale », explique Anouk Gagné, vice-présidente à l’équité salariale à la CNESST.

La chercheuse Eve-Lyne Couturier conclut : « On s’améliore, c’est sûr. Mais il y a encore beaucoup de travail qu’on doit faire pour avoir une société encore plus équitable sur les revenus des hommes et des femmes. »