À la fin du deuxième épisode de Cerebrum, la nouvelle série de Richard Blaimert (Les hauts et les bas de Sophie Paquin, Nouvelle adresse, Hubert et Fanny), je n’avais qu’une idée en tête : connaître la suite. J’en doutais pourtant à la moitié du premier épisode. J’y reviendrai…

Cerebrum, thriller psychologique qui explore différentes facettes de la santé mentale, sera offerte dès demain sur Tou.Tv Extra. Ça tombe bien : cette série de 10 épisodes, riche autant en revirements qu’en non-dits, me semble tout indiquée pour une séance de « binge watching » (comme on dit en Scandinavie). La date de diffusion à la télévision de Radio-Canada n’a du reste pas encore été fixée, semble-t-il.

Cerebrum, qui exploite les codes du suspense et de la série policière, met en scène Christine Beaulieu dans le rôle d’une enquêteuse à l’unité des crimes majeurs de la Sûreté du Québec, Simone Vallier, chargée d’élucider la disparition d’une psychologue, Anne Beaulieu (Evelyne de la Chenelière). Le mari de cette dernière, Henri Lacombe (Claude Legault), est un psychiatre de renom. Ils ont deux adolescents, William (Henri Picard), 17 ans, et Marine (Marianne Verville), 19 ans, en froid avec sa mère.

PHOTO FABIEN GAÉTAN, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Henri Picard, Evelyne de la Chenelière, Claude Legault et Marianne Verville dans Cerebrum

Lorsqu’Anne ne se présente pas à l’heure dite au rendez-vous qu’elle a donné à Henri le matin même, avec insistance, au restaurant où ils ont leurs habitudes, son mari ne tarde pas à appeler la police. C’est lui qui, d’ordinaire, arrive en retard. Jamais elle. Elle devait d’ailleurs lui annoncer quelque chose. Mais quoi ?

C’est sur des questions en suspens que le scénario de Richard Blaimert prend son envol. Anne est-elle partie de son plein gré ? Quelqu’un pourrait-il lui en vouloir ? Un patient ? Ou encore un patient d’Henri, un homme médiatisé qui n’a pas que des alliés ? « Toutes les pierres seront retournées », promet l’agente Vallier, visiblement exaspérée par les contraintes du secret professionnel des spécialistes de la santé.

Richard Blaimert s’amuse à brouiller les pistes, avec énormément de flair et de doigté, en faisant vibrer les cordes sensibles de l’émotion avec tout autant d’efficacité, mais sans sombrer dans l’excès de pathos. 

Il installe un univers dont on souhaite mieux cerner les contours et les zones d’ombre, grâce à un scénario habilement construit. Sa réalisation sobre – il a réalisé les quatre premiers et le dernier épisodes, les autres ayant été confiés au cinéaste Guy Édoin – met juste ce qu’il faut d’insistance sur les points d’orgue du récit. Et la musique énigmatique de Jean-Phi Goncalves est à l’avenant.

Pour interpréter cette partition anxiogène, autour du duo de tête de Christine Beaulieu et Claude Legault, excellents, on retrouve de nombreux acteurs de talent (à commencer par Henri Picard, l’un des plus doués de sa génération) : Jean-Simon Leduc, Olivier Gervais-Courchesne, Marie-Chantal Perron, Ludivine Reding, Jacynthe René, Évelyne Rompré, Gabriel Sabourin, Linda Sorgini, Sonia Vachon, Karl Walcott, Antoine Desrochers, Maxime Dumontier, et bien d’autres.

Malheureusement – j’en arrive au bémol évoqué au début de cette chronique –, le premier épisode compte son lot de couacs : une réplique qui semble ici plaquée, une colère qui manque là de subtilité, un trait d’humour qui s’arrime mal au ton dramatique de l’ensemble. Arrive Éléonore Loiselle, dans la peau d’une jeune patiente anorexique, livrant un monologue époustouflant de vérité, et l’on remarque d’autant plus le contraste avec le jeu parfois moins naturel de certains de ses camarades.

Ce sont pourtant, je le répète, d’excellents acteurs ayant l’occasion de se mettre en valeur. Un ensemble choral d’une très grande qualité. Ces ruptures de ton sont-elles à mettre sur le compte de la vitesse à laquelle on doit désormais tourner les téléséries québécoises ? 

Toujours est-il qu’au bout de 20 minutes, j’ai craint le décrochage. Heureusement, Richard Blaimert manie depuis longtemps, avec un talent hors du commun, l’art du ressort dramatique. J’ai tenu bon, malgré mes réserves, et je ne l’ai pas regretté.

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Christine Beaulieu et Olivier Gervais-Courchesne dans Cerebrum

Dès le deuxième épisode, plus fluide, mieux défini, j’étais hameçonné. Et j’ai très envie de découvrir la suite des évènements. Pas seulement pour élucider le mystère qui plane, ni les secrets ou les sentiments de culpabilité qui semblent tourmenter les personnages principaux, mais pour mieux saisir le drame humain, forcément émouvant, de personnages secondaires, hypothéqués ou fragiles.

Afin de mieux comprendre les enjeux et le travail des professionnels de la santé mentale, et pour s’assurer de la crédibilité et de la vraisemblance de son récit, Richard Blaimert s’est d’ailleurs entouré de conseillers/spécialistes. « Mais ça reste de la télévision, alors tout se peut ! » prévient l’auteur-réalisateur, rencontré en marge de la projection de presse, hier matin.

Blaimert a particulièrement hâte que le public découvre le dernier épisode de cette première saison de Cerebrum, dont la suite – qui n’a pas encore été confirmée – est déjà à l’étape de l’écriture. « J’essaie d’écrire quelque chose d’honnête, d’humain, de touchant, de bouleversant », dit l’auteur, qui souhaite avant tout « que les gens vivent de grandes émotions ». Pari relevé. Vous aurez été avertis : préparez vos mouchoirs !