Le faites-vous ? Moi, tout le temps. C’est une compulsion qui tire sur la passion. Dès que j’entre dans une série historique comme Chernobyl, je pénètre aussi dans un vortex de « vérification des faits », tel un journaliste de Radio-Canada pendant une campagne électorale.

En plein milieu d’un épisode, clic, le bouton pause s’enfonce. Est-ce que Diatlov a vraiment été aussi con dans la nuit de l’explosion du réacteur nucléaire ? OK Google, trouve-moi toutes les infos disponibles sur cet ingénieur fou, ça presse !

Un épisode d’une heure de Chernobyl se regarde en 90 minutes, avec tous ces arrêts pour comparer des images d’époque de la centrale éventrée ou pour vérifier comment fonctionne un dosimètre soviétique.

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Jharrel Jerome (Korey Wise) dans When They See Us

La minisérie When They See Us (Dans leur regard, en version française) de Netflix ne compte que quatre épisodes, mais prévoyez plusieurs heures supplémentaires pour « wikipédier » chacun des protagonistes de cette histoire vraie et 100 % révoltante, qui a secoué l’Amérique en 1989.

Avertissement : When They See Us, réalisée par la cinéaste Ava DuVernay, ne se consomme pas d’une traite. Chacune des tranches nous choque et nous broie le cœur. Ce qu’ont subi les cinq ados au cœur du récit est abominable, atroce. Rarement ai-je autant sacré et hurlé devant mon téléviseur (en excluant XOXO, bien sûr).

Ces cinq jeunes – quatre Afro-Américains et un Latino, c’est important – ont été faussement accusés d’avoir violé et laissé pour morte une joggeuse blanche de 28 ans dans un boisé de Central Park. L’enquête est polluée du début à la fin par le racisme des policiers, à commencer par la vilaine procureure Linda Fairstein (détestable Felicity Huffman), une femme méprisable, vraiment.

Les aveux filmés des cinq suspects ont été illégalement arrachés à coups de poing et en menaçant leurs parents. Une seule avocate sensée (excellente Vera Farmiga) lève des drapeaux rouges, mais la méchante Linda Fairstein ne desserre pas les mâchoires et expédie les cinq innocents derrière les barreaux.

Note du téléspectateur-recherchiste motivé, ici : la vraie Linda Fairstein, recyclée en populaire auteure de polars, a été virée par son éditeur après la mise en ligne de When They See Us, le 31 mai. Bien fait pour elle. Cette même Linda Fairstein, qui a piloté la division des crimes sexuels de la police de New York, a été la source d’inspiration de la télésérie Law & Order : SVU.

PHOTO KATHERINE MARKS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’auteure et ex-procureure Linda Fairstein

Le quatrième et dernier épisode de la minisérie, le plus dur à visionner, raconte le parcours épouvantable du plus vieux des cinq ados de Central Park. Il a croupi pendant 12 ans en prison et a été jeté au trou pendant presque toute sa peine parce que ses codétenus menaçaient de le tuer.

When They See Us nous montre également les effets dévastateurs de ce fiasco judiciaire sur les familles des victimes, qui vivaient dans le quartier défavorisé de Harlem, rongé par le crack, la violence, la pauvreté et les tensions raciales. C’est une série de grande qualité, qui remportera assurément plusieurs prix.

Selon le Guardian, les succès éclatants de Chernobyl et de When They See Us, basés sur des faits réels, révèlent une nouvelle obsession collective pour la télé « feel-bad », à l’opposé de la télé « feel-good ». C’est vrai qu’on ne s’installe pas devant ces deux productions pour s’aérer le cerveau ou s’évader dans la superficialité.

Il existe un marché important pour des séries de fiction avec du contenu costaud qui, tout en nous faisant vivre des émotions fortes, nous instruisent sur les biais racistes ou le fonctionnement des dictatures communistes. Vivement plus d’émissions de ce type.

CBC largue Demain des hommes

Non, CBC ne diffusera pas l’adaptation en anglais de Demain des hommes, rebaptisée One Game One Dream, me dit-on. Le producteur Richard Goudreau, qui n’a pas rappelé La Presse, n’a pas réuni le financement nécessaire pour faire décoller la télésérie au Canada anglais.

Du côté de la CBC, le verdict est sans appel : « Nous n’irons pas de l’avant avec ce projet », affirme le porte-parole de la chaîne, Chuck Thompson.

Le réalisateur Yves-Christian Fournier, qui a été derrière la caméra pour les 10 épisodes écrits par Guillaume Vigneault, s’est déniché un autre contrat.

Demain des hommes a séduit la critique, mais ses cotes d’écoute décevantes ont torpillé ses chances de survie. Malgré des qualités indéniables, Demain des hommes a été écartée de toutes les catégories les plus prestigieuses du prochain gala des Gémeaux. Peut-on, s’il vous plaît, regarder la reprise vidéo pour essayer de comprendre ce qui s’est passé ?