(New York) Une minisérie événement de la chaîne américaine HBO fait revivre les heures tragiques de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en 1986, aggravée par le déni de la science et la propagande, des thèmes plus que jamais d’actualité.

Il existe déjà plusieurs longs métrages, documentaires ou fictions, sur le pire accident nucléaire civil de l’humanité, mais le genre-roi du moment, la série, ne s’y était encore jamais attaqué.

HBO, qui diffuse le premier épisode de Chernobyl lundi, a mis sur la table des moyens considérables pour recréer ces heures d’avril 1986, bien supérieurs à ceux de tous les films produits jusqu’ici.

La production a fait détruire un bâtiment gigantesque en Lituanie pour recréer les décombres du réacteur numéro 4, qui explosa en pleine nuit lors d’un test de sécurité.

L’équipe a également pu tourner à la centrale lituanienne d’Ignalina, arrêtée en 2009 et équipée des mêmes réacteurs RBMK que Tchernobyl.

« Cette histoire demande une certaine forme de respect », a expliqué, lors d’une table ronde organisée au festival du film de Tribeca, Craig Mazin, créateur de cette minisérie en cinq épisodes. « Et toute cette attention aux détails […] était dans cet esprit-là », insiste-t-il, car il s’agissait de « raconter l’histoire d’une autre culture ».

Voitures, vêtements, lunettes, tout est là, jusqu’au plus petit accessoire, pour emmener le téléspectateur 33 ans en arrière, dans l’Union soviétique des débuts de la glasnost.

Seule manque la langue, ukrainienne ou russe : tous les acteurs de la série parlent anglais, même s’ils jouent des personnages soviétiques.

Mensonges et aveuglement

Ces dernières années, les séries sont allées si loin dans l’authenticité, de The Americans à L’amie prodigieuse, réalisée en patois napolitain pour HBO, que les attentes ont évolué et tous n’y trouveront peut-être pas leur compte.

Mais si le potentiel narratif est immense, le sujet est aride et la période sombre. Tourner en langue locale aurait peut-être été un obstacle de trop pour toucher le grand public.

« Nous avons essayé d’aller aussi loin que nous pouvions », a justifié le réalisateur Johan Renck, lors de la table ronde. « C’est difficile », a-t-il admis. « C’est piégeux, parce que la langue véhicule la culture dans des proportions considérables, bien sûr. »

« Mais en même temps », a-t-il ajouté, « tout ce que nous pouvions faire, c’était trouver ces petits espaces où on peut espérer que la différence, le côté étranger, soit suffisamment perceptible. »

Et passé l’obstacle de la langue, la dramaturgie est bien là et va au-delà de l’accident. Car s’il s’agit, au premier abord, de raconter le désastre, il est davantage question d’évoquer sa gestion par les autorités.

Les responsables de la centrale ont refusé la vérité scientifique, tout comme les politiques. Certains étaient d’ailleurs prêts, pour préserver le triomphalisme soviétique, à mettre en danger la vie de milliers de leurs compatriotes.

L’URSS n’a annoncé l’incident que 48 heures après l’explosion, alors qu’un nuage radioactif se répandait sur l’Europe, et Mikhaïl Gorbatchev n’est intervenu publiquement que le 14 mai, près de trois semaines plus tard.

Pour Craig Mazin, ce déni de réalité renvoie aux « fake news » et au climatoscepticisme, grands thèmes du moment. « C’est une raison majeure pour laquelle nous avons fait cette série », a-t-il reconnu. « Il y a une guerre en cours contre la vérité. »

L’homme a « une formidable capacité à réparer ses erreurs », mais aussi à « se faire des illusions jusqu’à ce qu’il soit trop tard », dit-il. Et son Chernobyl ne parle pas « des dangers du nucléaire », mais « des mensonges et du danger de l’aveuglement. »