Pour Martin Matte, ce partenariat avec Netflix est évidemment une sorte de triomphe professionnel. Mais c'est aussi un signe (supplémentaire) que l'industrie de la télévision traditionnelle vit des changements historiques. Il y a quelques années, dit-il, il aurait sorti un DVD après la fin de sa tournée. Et il en aurait vendu les droits à un grand réseau, comme TVA, pour diffusion à heure de grande écoute dans le plus d'écrans plasma possible.

«Je suis très fier de voir Eh la la..! diffusé par Netflix. Mais en même temps, je suis troublé. Netflix est un bulldozer. TVA voulait acheter le spectacle et j'ai fait Les beaux malaises à TVA: ce sont des gens que j'adore, très talentueux. Mais les moins de 30 ans, c'est comme s'ils ne regardaient plus la télé traditionnelle. Netflix, en revanche, est comme une bibliothèque : tu prends ce que tu veux, quand tu veux...» 

Il réfléchit à voix haute, se demande encore combien de temps on pourra diffuser des émissions à heure fixe, à jour fixe... Alors que des acteurs comme Netflix - ICI Tou.tv et illico font la même chose avec certains contenus - mettent tout le contenu d'une série à la disposition des consommateurs, d'un seul coup, pour écoute à volonté, où et quand ils le souhaitent. 

«On l'a vu aux Beaux malaises. Chaque année, la cote d'écoute moyenne baissait et les visionnements hors de la case horaire, par enregistrement, augmentaient chaque année. Les télés gèrent la décroissance.»

Il sait qu'il est l'un des privilégiés, que le succès des Beaux malaises lui a donné à TVA un bel espace créatif. Mais comme tout le monde en télé, il a dû faire plus avec moins que ce que les créateurs d'antan avaient: «Les Bougon avait une fois et demie ce que j'avais... Dix ans avant Les beaux malaises. Tout le monde est pris à la gorge et ça commence à paraître. Les équipes tournent 15, 16 pages de texte par jour. Aux Beaux malaises, nous étions à 8, 10 pages par jour. Si je me fais offrir un jour de faire une suite aux Beaux malaises, mais qu'il faudra tourner 15 pages par jour : ce sera non.» 

Or, dit Martin Matte, Netflix a des moyens immenses. Netflix compte tourner des séries de fiction au Canada, au Québec. Il se demande à quoi ressembleront les séries faites par la télé traditionnelle, en comparaison. 

«On va être en concurrence avec des budgets immenses. On aime dire qu'au Québec, on fait des miracles avec nos petits budgets. C'est vrai. Mais on arrive aux limites des miracles.»