Survivante et en sursis depuis huit ans, Johanne Fontaine a terminé son long combat contre le cancer. La comédienne s'est éteinte hier après-midi, doucement chez elle à Montréal, entourée de son conjoint et de sa famille... le jour de l'anniversaire de son fils, Raphaël Joubert-Fontaine. À 63 ans, elle avait survécu à trois cancers et à plusieurs épreuves. En affrontant toujours la souffrance avec franchise et lucidité.

«Même si elle nous avait annoncé qu'elle était en fin de vie, la nouvelle du décès de Johanne Fontaine me happe de plein fouet», écrit l'animatrice de Deux filles le matin, Marie-Claude Barrette, sur sa page Facebook. «Cette guerrière, cette combattante, cette grande dame nous aura donné une leçon de courage hors du commun.»

Son ultime acte de courage a été son apparition à l'avant-première du Gala des prix Gémeaux, le 16 septembre dernier. Johanne Fontaine a aussi ému les téléspectateurs qui ont pu la voir accepter son trophée dans une vidéo tournée à l'avance, en raison de sa maladie. L'Académie lui a alors remis un prix pour le meilleur rôle de soutien féminin - série dramatique pour sa performance dans L'imposteur: la suite.

«Je suis contente que Johanne ait enfin pu tenir un Gémeaux dans ses mains. C'était tellement important pour elle que le milieu reconnaisse son talent d'actrice», témoigne Isabelle Maréchal, son amie.

La passion du jeu

Johanne Fontaine a étudié en jeu à l'Option théâtre du collège Lionel-Groulx, à Sainte-Thérèse. Au cours des années 80 et 90, la comédienne a tenu plusieurs rôles à la télévision, notamment dans À plein temps, Ent'Cadieux, ZAP et Réseaux. Plus récemment, on l'a vue dans 30 vies, Les invincibles et Ruptures.

Passionnée de théâtre, elle a longtemps fait partie, comme joueuse et entraîneuse, de la Ligue nationale d'improvisation (LNI). Elle a d'ailleurs été intronisée au Temple de la renommée de la LNI en 2004. «C'est Johanne qui m'a recruté dans son équipe, voilà 20 ans, dit le directeur artistique de la LNI, François-Étienne Paré. Johanne a été une de nos têtes d'affiche pendant 40 ans. Elle a marqué la LNI par son jeu, son énergie, son implication. Elle a même cosigné un manifeste des filles-joueuses de la LNI. Celles-ci désiraient changer certaines règles. Pour résumer, les joueuses avaient l'impression d'être des "intruses" dans un jeu créé par et pour des hommes.»

Intensément femme

Féministe, Johanne Fontaine l'a été «un peu sur le tard», nous dit Isabelle Maréchal. Mais avec conviction et intensité, comme dans toutes ses autres luttes. En 1986, Johanne Fontaine était l'une des deux comédiennes, avec Diane Jules, qui avaient accepté de jouer un rôle dans le Tribunal populaire organisé par la Coalition québécoise pour le droit à l'avortement libre et gratuit.

«Lorsqu'elle se fâchait, Johanne montait toujours au front. Elle ne lâchait pas. Une vraie conquérante qui se battait pour les femmes et contre les injustices. Je l'appelais ma belle guerrière en crinoline», se souvient Maréchal.

L'animatrice a rencontré sa grande amie sur le plateau des Copines d'abord en 1998. Parmi toutes les copines - Pénélope McQuade, Marie-Soleil Michon, Geneviève St-Germain... -, Fontaine est la seule à avoir collaboré à l'émission de Canal Vie durant les cinq années de sa diffusion. «C'était une femme attachante, vibrante, généreuse et dotée d'une force peu commune», témoigne Isabelle Maréchal qui l'a suivie durant sa maladie pour le documentaire Johanne Fontaine - Accro à la vie, en 2015.

La fin de la bataille

Depuis quelques années, Johanne Fontaine avait pris l'habitude d'afficher chaque lundi sur sa page Facebook une vidéo en direct, baptisée «le coucou du lundi». En août dernier, elle est apparue pâle et affaiblie, les bras nus et décharnés. D'une voix lente, elle a annoncé que son cancer avait «gagné» et qu'elle était désormais en fin de vie. Ensuite, il y a eu l'apparition aux Gémeaux, puis un silence qui s'est brisé dans la grisaille d'un après-midi pluvieux. 

«Durant toute sa maladie, elle restait active, mais depuis son Gémeaux, j'ai senti que la flamme avait disparu de son regard», explique Isabelle Maréchal.

«La courageuse Johanne Fontaine vient de nous quitter. Elle nous a donné de réelles leçons de vie. Sa résilience nous inspire tout comme son combat contre le cancer», a écrit Marguerite Blais sur Twitter. La députée de la CAQ souligne aussi le travail de Fontaine comme conférencière et motivatrice. À la fin de sa vie, ses conférences étaient fort courues.

Marie-Soleil Michon a écrit sur Facebook: «Je garderai toujours précieusement dans mon coeur le souvenir de tes éclats de rire, tes yeux espiègles et ta façon unique de virevolter! Ta joie de vivre était si intense.»

Déesse de la danse

Avant de partir, la comédienne a participé, avec Marcel Leboeuf, à l'émission Les dieux de la danse. «Je suis tellement heureux d'avoir pu danser avec Johanne. Avant de mourir, ç'a été son plus grand bonheur», dit le comédien et son complice de longue date à la LNI.

«Johanne a été cette année notre participante la plus motivée, la plus volontaire et certainement la plus inspirante aux Dieux de la danse», a confié l'animateur Jean-Philippe Wauthier. 

«On a rarement vu quelqu'un danser dans un plus grand bonheur que Johanne.»

Avec l'autorisation de Fontaine, l'émission sera diffusée plus tard cet automne. 

En janvier dernier, l'actrice s'était confiée au micro de Catherine Perrin, à ICI Première, sur sa façon de se sentir vivante, malgré sa condition, en aidant les autres. «J'ai toujours dit qu'on ne meurt qu'une fois; alors je vais mourir avec panache!»

Johanne Fontaine à la LNI

Joueuse et entraîneuse

- Elle a été active 11 saisons entre 1979 et 2016: 5 en tant que joueuse et 6 en tant que coach.

- Membre du Temple de la renommée (2004)

Joueuse

- 5 saisons de la Coupe Charade entre 1979 et 1984

- 2 championnats de saison (1979, 1980)

- 4 participations au match des étoiles (dont 3 comme entraîneuse)

- 3 tournées internationales

Entraîneuse

- 6 saisons

- 3 Coupes Charade (1991, 1995-1996 et 1999)

Photo fournie par la LNI

Une photo de Johanne Fontaine utilisée pour la campagne publicitaire soulignant les 40 ans de la LNI