Le réalisateur de Big Little Lies, Jean-Marc Vallée, le dit régulièrement: ses oeuvres ne seraient pas les mêmes sans la collaboration de Fake Studio, qui travaille conjointement avec lui depuis C.R.A.Z.Y.

Les fidèles de la minisérie primée de HBO se souviendront du fameux café Blue Blues, où les personnages incarnés par Nicole Kidman, Reese Witherspoon, Shailene Woodley et Laura Dern se retrouvent régulièrement pour discuter. Cet endroit charmant au bord de l'océan est une des conceptions de Fake Studio. 

Oui, ce commerce a été créé de toutes pièces par l'entreprise de Marc Côté, ce qui a permis à l'équipe de tournage de réaliser les scènes dans un studio de Los Angeles. Fake Studio a ajouté des effets visuels pour créer une ambiance de ville côtière.

«Économiquement, les producteurs avaient avantage à choisir cette option. Parce que sinon, il aurait fallu transporter les actrices jusqu'à Monterey [en Californie] et elles auraient demandé de revenir le week-end à Los Angeles pour voir leurs enfants. Ce qui fait beaucoup de voyagement», indique-t-il.

«En plus, le Blue Blues s'inspire d'un vrai café à Monterey, mais le vrai est trop petit, trop étroit pour qu'on y tourne. Une des solutions était de démolir le café et de le rebâtir. Tout ça coûte vraiment plus cher que ce que je pouvais proposer», explique le président de Fake Studio, dont l'équipe est en lice dans la catégorie du meilleur montage pour une série dramatique à la télévision aux American Cinema Editors pour Big Little Lies.

Concrétiser la vision de Vallée

Dès l'amorce d'un projet, Jean-Marc Vallée explique à Marc Côté l'oeuvre qu'il a en tête. Ce dernier se donne ensuite comme mission de mettre au point les technologies pour que la vision du cinéaste soit réalisée, et ce, peu importe le budget de la production.

«Tu veux qu'une fille apparaisse dans le miroir? O.K., pas de trouble. Tu veux que le carrousel à New York se retrouve sur le bord de la plage dans une autre ville [comme dans Demolition]? O.K., ça va être complexe, mais on va le faire.»

«On offre une liberté à Jean-Marc, résume Marc Côté. Il travaille sans éclairage, caméra à l'épaule. Les comédiens peuvent improviser, prendre possession de l'espace. Après, on s'occupe d'améliorer l'éclairage, les couleurs, les lieux, d'ajouter des choses ou d'en enlever.»

Le diplômé en robotique ne veut pas à tout prix mettre des effets numériques partout. Il est même le premier à avancer que si le cinéaste peut tourner dans le vrai lieu, avec un paysage réel, il n'y a pas de questions à se poser.

«Si tu peux te permettre d'aller à Paris pour tourner autour de la tour Eiffel, vas-y! Mais si, à un moment, tu es limité dans le budget, peut-être que ça ne vaut pas la peine de dépenser tout cet argent-là», dit Marc Côté.

Comme autre exemple dans Big Little Lies, il raconte qu'une scène où Jane Chapman (Shailene Woodley) utilise un fusil près d'une falaise aurait coûté beaucoup plus cher si l'arme à feu avait été réelle, puisqu'ils tournaient sur un terrain gouvernemental. L'actrice avait ainsi une arme en plastique entre les mains et l'équipe de Fake Studio a créé un coup de feu.

Jamais sans Fake Studio

En 2014, le film Dallas Buyers Club a créé la surprise à Hollywood: avec un budget minuscule, le long métrage de Jean-Marc Vallée a remporté trois Oscars, dont ceux du meilleur acteur (Matthew McConaughey) et du meilleur acteur de soutien (Jared Leto).

L'année suivante, Reese Witherspoon était en lice pour l'Oscar de la meilleure actrice et Laura Dern pour celui de la meilleure actrice de soutien dans le film indépendant Wild, réalisé lui aussi par Vallée.

«Je ne pense pas que ses films auraient la même magie sans nous. Je suis le parachute à la créativité de Jean-Marc. C'est lui, le grand manitou. Il arrive avec ses idées folles et nous lui permettons d'y arriver.»

D'ailleurs, Jean-Marc Vallée a confié qu'il ne réalise aucun projet télévisuel ou cinématographique sans son équipe montréalaise: «Je ramène toujours la postproduction à Montréal, avait-il souligné en entrevue à La Presse alors qu'il préparait Big Little Lies. Tout le montage, la colorisation, les effets visuels, le son et le mixage, ça se fait ici, avec des Québécois. C'est une condition sine qua non que je fais aux producteurs.»

Fake Studio travaille d'ailleurs en ce moment à la postproduction de la minisérie Sharp Objects, qui sera aussi diffusée à HBO et réalisée par Jean-Marc Vallée. Reste que la boîte montréalaise ne travaille pas uniquement avec le cinéaste de Café de Flore. Elle devrait notamment plancher sur la deuxième saison de Big Little Lies, qui sera réalisée par Andrea Arnold (American Honey, Fish Tank).

«Andrea n'a pas encore la compréhension de notre travail. C'est comme Jean-Marc en 2004. Et ça, ça m'excite! J'ai quelqu'un qui a la sensibilité de Jean-Marc, mais qui est mal à l'aise face aux effets, tout en étant curieuse. Je suis comme un enfant devant elle! Je vais pouvoir lui transmettre ce savoir-là pour qu'elle puisse ensuite l'utiliser pour créer. J'adore ça!», conclut Marc Côté, qui souhaite que sa boîte prenne de l'expansion, «mais lentement, sans pression».