Pier-Luc Funk coanimera avec Sarah-Jeanne Labrosse, le 15 décembre, la première soirée MAMMOUTH à Télé-Québec, célébrant des personnalités inspirantes pour les jeunes. L'ancien enfant-acteur de 23 ans, plus jeune lauréat du prix Gémeaux du meilleur premier rôle dans une série dramatique annuelle (Mémoires vives), sera de retour avec la bande de SNL Québec, pour un seul soir, le 6 janvier, à ICI Radio-Canada Télé.

Tu fais de la comédie et du drame, tu as joué des gentils et des méchants, à la télé et dans le cinéma indépendant. On sent chez toi une volonté de ne pas être étiqueté. Il y en a aussi plusieurs qui voient en toi le prochain Patrice L'Ecuyer...

Ouais... C'est surtout faire de la scène qui me fait triper. Animer un show comme Les échangistes, recevoir des gens et ouvrir des portes, c'est moins ça. C'est un peu égoïste, mais ce que j'aime, c'est avoir le follow spot sur moi ! C'est là que je me sens efficace et que je performe. Si l'animation se présente, ce sera une nouvelle corde à mon arc. Mais dans ma tête, je suis comédien. C'est ce que je veux faire dans la vie.

Je viens de croiser Sarah-Jeanne [Labrosse] et je lui ai demandé de me suggérer une question pour toi. Elle m'a répondu: «Quand vas-tu prendre une journée de congé?» C'est le corollaire de refuser d'être étiqueté? Ne jamais arrêter de travailler?

Des fois, il faut prendre des débarques pour apprendre. Je suis en train de jouer avec l'élastique en ce moment! Pour savoir jusqu'où je peux le tirer avant qu'il me pète dans la face. Ça fait partie du jeu. Il faut surtout refuser les projets moins tripants. Aller faire une conférence dans une école secondaire pour parler de ta passion, je comprends que c'est le fun pour les jeunes, mais il faut peut-être aussi dormir des fois! Il faut savoir gérer sa vie. Je travaille tellement, parfois, que je rentre chez moi à 11 heures 30 du soir et que je dois me coucher parce que je travaille le lendemain matin. Par moments, je ne suis que ça: le travail. Je ne suis plus moi.

Il n'y a plus de Pier-Luc, le jeune homme de 23 ans...

Oui. Quand est-ce que je vois mes amis? Ils se tannent de m'appeler ou de me texter parce que neuf fois sur dix, je ne suis pas disponible! Il faut que j'apprenne à mieux gérer ça. Aussi, je suis devenu récemment un oncle. Ça remet les choses en perspective. Je veux être là pour mon neveu. Je travaille avec mes amis: Jean-Carl Boucher, Simon Pigeon... Comme ça, on passe du temps ensemble! Il faut que je me fasse plus de place. Je suis en train d'apprendre. Je suis en train de devenir un adulte. Même si j'ai dû devenir un adulte assez rapidement. Tu ne peux pas être un enfant turbulent, sur Tactik [série de Télé-Québec], par exemple, quand tu tournes 12 scènes en une journée. Ça m'a toujours fait chier de ne pas pouvoir être l'enfant que j'étais. Il y a une partie de moi qui est encore dans l'enfance. Je suis une espèce de yin et de yang de choses refoulées!

Tu es à la fois un jeune vieux et un vieux jeune. Il y a beaucoup d'inconvénients à sentir que l'on vieillit prématurément comme ça?

J'étais dans un bar récemment avec des gens de mon âge et je ne me sentais pas à la même place que les autres. Nos enjeux de vie n'étaient pas les mêmes. J'étais avec une fille qui se demandait ce qu'elle voulait faire dans la vie. Moi, je le sais depuis que j'ai 12 ans! La prochaine étape, c'est peut-être de fonder une famille ! J'essaie de me fouetter à être un peu rebelle. Il faut que je prenne le temps de sortir et de voir du monde. Il faut que je le prévoie dans mon horaire. Je ne peux pas croire que dans ma vie, me trouver une blonde est devenu un projet. Il faut que je mette du temps là-dessus! Pour trouver la bonne personne. Mes objectifs ne peuvent pas seulement être professionnels.

Animer un projet comme MAMMOUTH, c'est aussi être un modèle pour les jeunes. Est-ce que ça vient avec une pression d'être à la hauteur?

Oui... mais je ne le veux pas. Je n'ai pas demandé de devenir un modèle. Ce n'était pas un objectif. C'est arrivé. Je conduis mon propre bateau et si tu as envie d'embarquer dans le bateau, t'es le bienvenu. Je ne suis pas une mauvaise personne, mais je ne m'empêcherai pas de faire ce que je veux dans la vie parce que je suis un modèle pour des jeunes. Je sens surtout la pression d'être moi-même et de ne pas oublier qui je suis. Je ne voudrais pas comme modèle quelqu'un qui agit pour me faire plaisir. Muhammad Ali est une de mes idoles parce qu'il ne disait pas des choses pour faire plaisir aux gens. Il s'est tenu debout et il a dit ce qu'il pensait. C'est ça que j'admire.

Tu ne t'empêcheras pas de faire le party avec tes amis un samedi soir dans un bar parce que ça risque d'être mal perçu par des plus jeunes...

Si un jeune me voit en train de prendre un verre avec mes amis: bienvenue dans la réalité! On est dans un temps où l'on protège beaucoup les jeunes. Nous, on regardait Dans une galaxie près de chez vous ; Brad se faisait crisser une volée à chaque épisode et il y avait Capitaine qui fourrait avec Valence. On n'est pas devenus débiles pour autant! Aujourd'hui, tu veux qu'il y ait un coup de poing dans une émission jeunesse? Bonne chance! Attache ta tuque ! Si je fais des mauvais coups, je ne mettrai pas ça sur Instagram. Mais je ne me cacherai pas derrière un masque.

Tu parles de ta génération. Je me demande si elle sera différente des autres alors qu'on parle d'inconduite sexuelle, de consentement, de harcèlement sexuel et psychologique. J'ai l'impression que grâce à vous, les modèles vont changer. On ne fera plus les choses de la même façon. Tu sens ça?

Oui, vraiment. Sans être un porte-parole de ma génération, je me demande ce qu'on va faire pour être différents. Je pense qu'il est vraiment temps que l'on dénonce ces comportements. Dans la génération de mes parents, on disait: «Ce qui est arrivé avec mononcle, dis-le pas parce que ça va faire un frette dans la famille!» Mais ce n'est pas juste une affaire de génération. La société au complet doit changer. Notre génération a son rôle à jouer dans le fait de banaliser la différence : faire tomber le racisme, combattre l'homophobie, voir différemment les genres sexuels. C'est notre défi.

Il y a des tabous qui tombent. Il y a à peine 20 ans, alors que j'avais ton âge, je ne connaissais aucune femme autour de moi qui affichait ouvertement son homosexualité. Aujourd'hui, j'en connais plusieurs, des jeunes et des moins jeunes.

Je pense que ma génération a à coeur de ne pas reproduire les erreurs des générations passées. On dénonce plus spontanément certaines choses.

Même si l'intimidation est un phénomène encore bien présent...

Clairement. Moi aussi, j'en ai vécu, de l'intimidation. Je ne veux pas que ça me définisse. Il y aura toujours des enfants qui vont être méchants. Mais la plupart vont comprendre qu'ils ont blessé des gens et apprendre de leurs erreurs, je crois.

Tu as été intimidé parce que tu étais enfant-acteur?

Tu apprends vraiment qui sont tes vrais amis ! À l'école, il y a eu de l'intimidation de gens qui m'appelaient «Tactik Boy» et qui disaient que c'était de la «marde», mon émission. Mais il y avait aussi les «cools» qui se sont mis tout d'un coup à me parler, et j'ai trouvé ça dégueulasse qu'ils s'intéressent à moi juste parce qu'ils m'avaient vu à la télé. Dans les films jeunesse, souvent, le jeune qui est rendu cool abandonne ses vrais amis pour la gang de cools. Je n'ai jamais fait ça!

Tu as déjà parlé publiquement de tes angoisses. Il y a certainement quelque chose d'angoissant à commencer très tôt dans ce métier et espérer durer. En sachant que ce n'est pas le lot de tous...

Oui, ça m'a beaucoup angoissé. J'ai commencé à faire de l'anxiété au secondaire, alors que je travaillais tout en essayant de passer mes cours. Personne ne va toujours bien dans la vie. Mais je le gère et j'en suis conscient. C'est important de prendre soin de soi. J'ai souvent fait le clown pour masquer mes angoisses. Ce qui m'a stressé beaucoup, c'est d'entendre depuis que je suis jeune sur les plateaux que ça ne durerait pas. Ma peur d'être étiqueté et mis dans une boîte vient de là. On n'a pas arrêté de me dire que je me ferais appeler Samuel Langevin [son personnage de Tactik] pour le restant de mes jours!