Avec plus de 1 million de téléspectateurs au rendez-vous à chaque épisode, District 31 est la série policière de l'heure au Québec. Pour bon nombre de vrais enquêteurs de police, le sujet est devenu incontournable lors des conversations avec la famille, les amis ou les collègues. La Presse a demandé à certains d'entre eux ce qu'ils pensent de l'émission. Ils en avaient long à dire.

Premier constat : la popularité de la série fournit des références aux enquêteurs qui peinent parfois à expliquer aux gens de l'extérieur ce qu'ils font vraiment au travail.

« Je coache des jeunes au hockey, et ils font l'association », remarque Dominique Côté, commandant des enquêteurs au Centre opérationnel Sud du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

« Ils vont demander : "Toi, dans District 31, tu es lequel ?" C'est en train de marquer l'imaginaire de tout le monde et ça permet d'expliquer notre travail », dit-il.

« Je l'écoute avec mon chum et il pose plein de questions : "Est-ce que c'est de même pour vrai ? Faites-vous ça comme ça ? » Des fois, j'ai l'impression de travailler en l'écoutant, tellement il m'en pose », renchérit Karine Roy, enquêteuse spécialiste des cas d'agression d'enfants, un thème qui a justement été abordé dans District 31.

Son collègue Martin Roberts, spécialiste des gangs de rue, raconte qu'il reçoit parfois des appels de sa mère et de ses soeurs après les épisodes. « Elles me demandent si c'est comme ça que ça se passe », dit-il.

« Faut dire qu'en regardant l'actualité, c'est difficile de dire qui copie qui ! », lance-t-il, en référence aux nombreuses intrigues qui se confondent avec les évènements réels des dernières années : commission d'enquête sur l'écoute électronique, luttes de pouvoir chez certains officiers supérieurs, disparition d'un enfant dans des circonstances qui rappellent l'affaire Cédrika Provencher...

Un réalisme apprécié

Plusieurs policiers disent aimer la série parce que contrairement à d'autres émissions du genre, elle n'est pas trop tirée par les cheveux.

« On reste accrochés parce que c'est très près de la réalité. On n'est pas dans un autre monde », affirme Martin Roberts.

« Ça représente bien ce qu'on vit, même si c'est romancé », confirme Karine Roy.

« C'est sûr que c'est un peu exagéré au niveau de certains dossiers, mais à la base, ça ressemble au travail d'enquêteur : ils sont assis à leur bureau, ils font leurs rapports, ils ne sont pas tout le temps sur la go », renchérit la capitaine Nancy Colagiacomo, ancienne enquêteuse aux enquêtes spécialisées devenue responsable des communications de la police de Longueuil.

Pour elle, le réalisme vient notamment du jeu très efficace des comédiens. « Leur attitude, leur façon de parler est bonne. Quand ils se jouent des tours, comme avec le sèche-mains ou les fleurs livrées au nom d'une fille... ça, c'est quelque chose qu'on risque de voir au bureau », dit-elle en rigolant.

Identification aux personnages

Martin Roberts avoue préférer les personnages dont les dossiers ressemblent aux siens, parce qu'il peut s'identifier à eux. « Comme je suis enquêteur aux crimes de violence, je me rattache plus à un Jeff [Morin, joué par Luc Picard] ou à un Stéphane [l'entrevue a été réalisée avant que ce dernier ne se découvre un fils inconnu fruit d'une romance passée]. Je regarde leurs techniques », dit-il.

Karine Roy, elle, hésite à choisir un favori. « Stéphane [Pouliot, incarné par Sébastien Delorme], je trouve que c'est peut-être lui qui reflète le plus un enquêteur. Il a une notion éthique, il est droit dans ses démarches, il est travaillant. On va voir aussi quelle tangente la nouvelle, Geneviève [Allaire, campée par Christine Beaulieu], va prendre. Bruno [Gagné, interprété par Michel Charette] aussi, c'est un bon enquêteur, il a un côté sensible. Patrick [Bissonnette, joué par Vincent-Guillaume Otis] était bon au début, mais là, sa vie personnelle joue sur son travail. Nous, on aurait été tassés avant d'être rendus là », lance-t-elle.

Impressions de déjà-vu

Certains regardent l'émission avec un vague sentiment de déjà-vu, tant les personnages leur rappellent des gens qu'ils ont côtoyés au travail.

« Stéphane Pouliot est beau, fin, avec un petit côté secret, un petit sourire en coin. Il couchait avec la procureure, il cruisait l'autre fille. Il me fait penser à un ou deux enquêteurs charmeurs que j'ai connus à Longueuil... mais je ne nommerai pas de noms ! », confie Nancy Colagiacomo.

Un autre personnage que plusieurs ont l'impression d'avoir déjà croisé : le commandant du district 31, Daniel Chiasson (Gildor Roy). « C'est sûr qu'on en croise dans notre carrière qui sont protecteurs comme ça », ajoute Karine Roy.

Quelques invraisemblances

Comme c'est la norme lorsque toute catégorie de professionnels voit son travail représenté au cinéma ou à la télévision, les enquêteurs questionnés par La Presse relèvent malgré tout des invraisemblances dans le quotidien de « la gang du 31 ». De petites choses qui les font sourire... ou soupirer.

« La procureure est toujours à leur bureau. Nous, on n'a pas autant de ressources », constate Karine Roy, qui trouve aussi étrange la succession constante de réunions entre les enquêteurs. « On dirait que tout est prétexte à réunion pour eux », souligne-t-elle.

« Le dimanche, quand ils se ramassent tous au bureau, et qu'il y en a un qui explique : "Je n'arrivais pas à dormir, donc je suis venu travailler." Ça, non ! », affirme Nancy Colagiacomo.

Sources d'inspiration

Les personnages de la série peuvent même devenir des sources d'inspiration pour certains policiers. « Le personnage du commandant, pour moi comme jeune cadre, c'est une belle image. Tout le monde veut un Daniel Chiasson comme boss », confie le commandant Dominique Côté.

Il admire la façon dont le personnage se tient en équilibre sur une fine ligne. « Il a autant le côté humain que le côté de loyauté envers l'organisation. Et il est tiraillé entre les deux. Il peut prendre un café avec son monde et parler de leurs problèmes personnels, mais quand c'est le temps de dire "C'est assez !", il est capable. »

Des absents

Presque tous nos interviewés s'entendent pour dire que les grands absents de la série sont les patrouilleurs en uniformes, qu'on ne voit pas beaucoup à l'écran.

« C'est dommage parce que les dossiers emmenés aux enquêtes, ce sont souvent des patrouilleurs qui les ont rédigés. Ils sont très impliqués. Dans la réalité, tout le monde travaille ensemble », explique Nancy Colagiacomo.

« Ils pourraient essayer d'aller chercher plus ce côté-là », propose-t-elle pour la prochaine saison.

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District 31 est diffusé à ICI Radio-Canada Télé du lundi au jeudi, à 19 h

Photo Olivier Pontbriand, La Presse

Martin Roberts, enquêteur spécialiste des gangs de rue au Centre opérationnel Sud du Service de police de la Ville de Montréal