Portraits de trois artistes de la télévision issus de la diversité.

Kadidja Haïdara - Auteure

Âge: 33 ans

Réalisations: Les Béliers (2011), Quart de vie (2014), Le chalet (saison 1-2, 2015-2016)

Distinctions: Deux nominations aux prix Gémeaux pour Les Béliers, lauréate du prix Gémeaux du meilleur texte jeunesse pour Le chalet (2015)

D'origine malienne et québécoise, Kadidja Haïdara a «toujours voulu écrire pour la télé». Mais pas de n'importe quelle façon. Pour elle, inclure des comédiens issus de la diversité dans ses projets est primordial.

Pourquoi la diversité est-elle importante pour toi?

«Ma job, c'est de créer sous forme de fiction la réalité de notre société. Et quand je regarde notre société, c'est pas vrai que tout le monde a la face blanche. Quand j'étais jeune, comme fille mulâtre, je ne me voyais pas [à l'écran]. Et je sais qu'il y a plein de jeunes qui ne se voient pas non plus à la télé ; ils me le disent quand je passe dans les écoles. Les histoires qu'on raconte sont fictives, mais on les raconte pour le public et il a le droit de se voir à l'écran.»

Est-il difficile d'inclure la diversité dans les émissions?

«C'est vraiment important pour moi et, à force de voir des comédiens en audition, je peux les amener dans les projets. Les producteurs savent que je suis la tannante avec ces affaires-là. Il a fallu que je me batte au début pour avoir de la couleur dans mes castings. J'entends souvent dire qu'il n'y a pas d'acteurs issus de la diversité au Québec, mais c'est juste que les productions doivent débourser pour aller les chercher. Ça coûte plus cher, alors je dois faire valoir mon point de vue. Je vais continuer à tenir mon bout et je suis toujours contente de m'être battue pour ça.»

Comment faire changer les choses?

«Les jeunes sont vraiment allumés, mais ne s'inscrivent pas en théâtre parce que ça coûte beaucoup d'argent et ils n'ont pas l'impression qu'il va y avoir du travail pour eux en sortant. Il faut aussi leur parler de ces jobs qu'ils ne connaissent pas - preneur de son, par exemple. Plus il va y avoir des gens de la diversité dans le milieu, plus on va le sentir, parce que c'est nous qui créons ce qui se passe à l'écran. Tout le monde devrait y mettre un peu du sien, mais c'est encore difficile de sensibiliser les gens.»

Mehdi Bousaidan - Humoriste, comédien, scénariste

Âge: 25 ans

Réalisations: Med (2015), auteur-scénariste pour Lol :-), chroniqueur à Cap sur l'été!, La soirée est (encore) jeune, spectacle d'humour Julien Lacroix et Mehdi Bousaidan (2017)

Distinctions: Finaliste à En route vers mon premier gala (2014)

Né à Alger, en Algérie, arrivé au Québec à l'âge de 5 ans, Mehdi a obtenu son diplôme de l'École nationale de l'humour en 2013. En tant que comédien, il espère devenir un modèle pour les plus jeunes en multipliant les apparitions au petit écran.

As-tu toujours voulu faire de la télé?

«Je ne savais pas par quel chemin passer, mais j'ai toujours su que ça allait arriver éventuellement dans mon cheminement. Quand j'étais jeune, il y avait Rachid Badouri pour qui ça marchait et je me suis dit: "Hey, je peux être arabe et bien fonctionner dans le show-business au Québec." Je me suis dit qu'il y a un avenir possible là-dedans.»

Quelle importance tes origines ont-elles eue dans ta carrière?

«Les premiers rôles ethniques, il n'y en a pas beaucoup au Québec. On ne peut pas échapper à nos origines et en même temps, je ne veux pas les fuir non plus. Mon objectif, c'est qu'il y ait de plus en plus de représentants. Je suis content d'être d'une autre communauté culturelle et ethnique parce que je veux qu'à un moment, on ne voit plus ça, que la télé devienne plus homogène, qu'on élimine les espèces d'archétypes du Noir, de l'Arabe, à la télé.»

Es-tu optimiste de voir les choses changer?

«Je pense qu'on peut s'en sortir. Il faut que les diffuseurs ouvrent leurs portes et là, les jeunes vont regarder la télé et avoir des modèles à suivre. Il faut qu'on arrête de stigmatiser, de tout mettre dans de petites cases. Ton talent, ce n'est pas une question d'origines. Il y a énormément de talent au Québec et je ne vois pas pourquoi on devrait brimer ça.»

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Mehdi Bousaidan, humoriste

Karl Walcott - Comédien

Âge: 26 ans

Réalisations: Les Béliers (2011), Le chalet (depuis 2015), X-Men (2016), Sur-Vie (2016)

Né au Québec, d'un père barbadien et d'une mère croate, Karl Walcott est entré dans le milieu artistique en tant que mannequin, avant d'obtenir son premier grand rôle dans l'émission Les Béliers, en 2011. Ses origines n'ont pas porté préjudice à sa carrière, une chance qu'il considère presque unique dans le milieu.

Comment es-tu devenu comédien?

«J'ai toujours voulu faire ça, c'était mon rêve d'enfance. L'école, ça ne marchait pas. Je n'étais pas heureux. Je suis allé dans une agence et j'ai dit que je voulais être comédien. Ils m'ont pris comme mannequin et, un an après, j'ai eu le rôle principal pour Les Béliers [série créée par Kadidja Haïdara]. Les difficultés que j'ai dans mon métier, ce sont les mêmes que pour tous les autres acteurs. Mais je sais que pour moi, ça a commencé par mon look, parce que je suis métis aux yeux verts. Après, j'ai pris des formations, j'ai fait ce que j'avais à faire. Mais j'ai vu des acteurs de la diversité qui ne le vivent pas comme moi, pour qui c'est vraiment difficile.»

Comment amener plus de diversité dans les émissions jeunesse, selon toi?

«Il faudrait initier les jeunes dès le secondaire, avec un cours obligatoire qui leur explique les métiers artistiques. Avoir su que ces métiers-là s'offraient à moi et que j'étais peut-être bon, je me serais lancé plus tôt. Il y a beaucoup de jeunes qui ne se trouvent pas bons à l'école, qui ne se sentent pas à leur place. Mais s'ils avaient tenté l'art dramatique ou d'autres cours du genre, ça aurait pu changer beaucoup de choses. Si tout le monde savait c'est quoi le sentiment quand tu joues et toute l'adrénaline que tu ressens, ils n'auraient pas les mêmes a priori.»

Penses-tu que les choses peuvent changer pour le mieux?

«C'est possible, j'en suis la preuve vivante. Souvent, c'est arrivé qu'on modifie un texte pour que le personnage me convienne mieux, parce qu'à l'audition, c'est moi qui le faisais vivre le mieux. C'est cool de pouvoir vivre ça dans notre industrie. C'est une des seules choses dont j'avais peur pour ma carrière, qu'on continue à engager juste des comédiens blancs. Parce que ça voudrait dire que moi aussi, je vais prendre le bord. Mais je pense vraiment que si tu as du talent, ils vont te trouver, peu importe ton origine.»

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Karl Walcott, comédien