Même si, a priori, il ne fait pas partie de son «public cible», notre journaliste Marc-André Lussier regarde très souvent l'émission de Marina Orsini lors de sa rediffusion en fin de soirée. Rencontre entre l'animatrice et un admirateur plutôt inattendu...

Étant maniaque des chaînes d'infos en continu américaines, j'ai découvert ton émission en zappant un soir de trop grand stress - les nouvelles sont souvent très inquiétantes, ces temps-ci - et je m'y suis arrêté. Il y a un côté apaisant dans la bienveillance qu'on y trouve, dans ta façon d'accueillir les gens aussi. À cette heure de diffusion, je vois ton émission comme un rempart au tumulte du monde. Et ton célèbre «Bonjour! Installez-vous!» me met en joie!

Ha ha! C'est un beau compliment, je trouve! Tout cela relève pour moi d'un vrai plaisir. Il n'y a rien de fabriqué dans cette attitude, je suis comme ça dans la vie. Mes dix années de radio m'ont amenée à cette façon d'animer une émission de télévision, très proche des gens. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu faire ça. À l'adolescence, j'ai aussi beaucoup observé ma mère pendant qu'elle donnait des cours de «perfectionnement féminin», où elle enseignait tous les aspects de l'art de vivre. Je crois que j'étais prédestinée!

Ton émission s'inscrit dans le créneau des émissions de jour, qui ont souvent tendance à être regardées d'un peu haut. Est-elle reconnue à sa juste valeur, d'après toi?

Hum... Probablement pas. Les gens ont tendance à croire qu'à cause de l'heure de diffusion de l'émission - 9 h 30 le matin -, personne n'est au poste. C'est vraiment une fausse impression, car le public est au rendez-vous: il nous regarde le matin, le soir, ou il nous enregistre *. J'avoue qu'au début - nous en sommes maintenant à la troisième saison -, ma hantise était qu'on ait du mal à trouver du public en studio. On accueille de 55 à 65 personnes à chaque émission et je voulais qu'il y ait des gens de tous les âges, défaire le mythe selon lequel il n'y a que des personnes âgées et des gens qui disposent de beaucoup de temps qui assistent à ces émissions. On tournait le soir et la fin de semaine pour être certains d'avoir une diversité dans le public, mais nous n'avons plus besoin de faire ça maintenant. On a même des listes d'attente!

Des gars aussi?

Bien sûr! Mais je pense que les gars sont peut-être plus gênés de dire qu'ils regardent une «émission de madames», pour employer un cliché. Mais si tu savais le nombre de messages qu'on reçoit de la part d'hommes de tous les âges, autant les jeunes que les plus mûrs. D'ailleurs, je trouve formidable que tu dises publiquement être fan de l'émission!

Vous «gâtez» souvent le public en studio en lui donnant des produits en lien avec les sujets dont vous parlez dans l'émission. Y a-t-il un danger de tomber dans le placement de produits?

Une émission de service va forcément parler de produits. Il est évident que ça peut parfois devenir un peu délicat, car je ne veux surtout pas que l'émission se transforme en infopublicité non plus. En même temps, j'estime qu'on a le droit de gâter notre monde, d'autant que j'adore mettre en valeur les produits d'ici.

Le titre de ton émission est Marina. Dans un monde où la reconnaissance des marques est devenue très importante, as-tu l'impression d'en être une?

Pas vraiment. Je suis peut-être une marque par la force des choses, car, logiquement - et concrètement, oui, c'est vrai - , cette émission part de moi à la base. Mais je ne le ressens pas comme ça. Marina, c'est quand même toute une équipe.

Le public te connaît depuis plus de 30 ans et il s'est visiblement développé une grande complicité entre lui et toi au fil des ans. Cela dit, on a l'impression que tu es plus que jamais à ta place, sur ton «X». Comment trouver le bon dosage dans cette proximité? As-tu parfois le sentiment de dévoiler beaucoup de toi-même?

Je fais beaucoup attention à ça. Au Québec, on est quand même choyés, car les gens respectent bien la vie privée des personnalités publiques. Je dirais que les liens qu'on développe ici sont de nature plus familiale, comme si on était une grande famille, en fait. Dans le cadre de l'émission, à partir du moment où je suis à l'aise avec un sujet, tout vient naturellement et je peux glisser quelque chose de plus personnel, de façon spontanée. C'est une question de dosage. Comme je suis aussi productrice au contenu - ça veut dire que je mets mon nez partout -, on ne traite pas de sujets qui ne suscitent pas mon intérêt non plus. Je ne veux rien forcer.

Serais-tu l'Oprah Winfrey du Québec?

Ha ha! Non, pas du tout. C'est une femme que j'admire beaucoup, que j'ai beaucoup regardée, que je regarde encore maintenant, et qui m'inspire. Comme d'autres animatrices, d'ailleurs: Christiane Charette, Marie-France Bazzo, Catherine Perrin, Marie-Louise Arsenault, toutes des femmes brillantes, intelligentes, intéressantes et, surtout, intéressées! C'est probablement la plus belle qualité qu'on puisse avoir.

Qu'est-ce qui explique le succès de ton émission, d'après toi?

Difficile de dire pourquoi ça marche ou ça ne marche pas. Le fait est que, pour nous, la couleur a été donnée dès la première émission, grâce à une équipe dont nous avons choisi les collaborateurs un à un. On est peut-être arrivés au bon moment aussi.

Ce succès a aussi beaucoup à voir avec toi, non?

J'aime le monde et je crois que les gens sentent que mon affection pour eux est authentique. Je ne voudrais pas être ailleurs. La proximité avec les gens, dont on parlait tout à l'heure, a toujours été là, mais elle se vivait autrement. Aujourd'hui, c'est comme si on récoltait le fruit de toutes ces années de complicité, que les gens peuvent maintenant voir au grand jour, quotidiennement. Et puis, j'aime apprendre et comprendre. Je ne suis pas une journaliste, pas une sociologue, pas une psychologue non plus, mais tout m'intéresse. Je ne suis spécialiste de rien, mais je suis curieuse de tout. Cette curiosité a toujours été un moteur pour moi.

As-tu l'impression que ton émission fait du bien aux gens?

On ne change pas le monde, on n'invente rien, mais on apporte quand même aux gens quelque chose d'important, je crois. Tu sais, la phrase que je dis toujours à la fin? «N'oubliez pas de sourire à quelqu'un»? On m'en parle beaucoup, tout comme des phrases inscrites au tableau: La vita è bella, et tout ça. On en a besoin, surtout en ce moment. Qui n'aime pas les bouillons de poulet pour l'âme? Qui n'aime pas entendre un bon mot? Moi, c'est mon essence de vie. C'est ce qui me porte. S'il n'en tient qu'à moi, cette émission restera là longtemps. Tout le monde est heureux d'y être et nous nous sommes tous choisis mutuellement.

Je serai au poste.

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* Selon des chiffres fournis par Radio-Canada couvrant la période entre le 11 et le 29 septembre, 71 000 spectateurs regardent l'émission le matin à 9 h 30 (9% de part de marché); 77 000 le soir à 23 h (10% de part de marché).

Marina est diffusée du lundi au jeudi à 9 h 30, à ICI Radio-Canada Télé; en rediffusion à 23 h.