La Canadienne Moira Walley-Beckett s'est fait un nom à Hollywood grâce à sa plume. On lui doit entre autres l'épisode Ozymandias de Breaking Bad qui a remporté un Emmy et qui est considéré par plusieurs comme le meilleur épisode de série télé de tous les temps, rien de moins. Changement de registre complet avec Anne, une série dont l'action se déroule à l'Île-du-Prince-Édouard au XIXe siècle, un classique revisité qui est présenté sur ICI ARTV depuis samedi soir et dont une deuxième saison vient d'être annoncée. Entrevue.

Comment est née l'idée de faire la série Anne ?

D'abord, j'avais dévoré les livres à l'âge de 13 ans, j'étais complètement accro à cette histoire. Quand le roman a été libéré de ses droits et est devenu du domaine public, ma partenaire d'affaires - Miranda de Pencier - et moi nous y sommes intéressées. On trouvait que c'était une histoire qui abordait des thèmes très actuels, une histoire féministe aussi.

Qu'est-ce qui vous a intéressée dans le personnage d'Anne ?

Tout le monde peut s'identifier à elle, peu importe sa couleur, son âge ou ses origines. J'étais aussi intriguée par Marilla et Matthew Cuthbert, le frère et la soeur qui adoptent Anne. Ces personnages ne m'intéressaient pas trop lorsque j'ai lu le roman à 13 ans mais ils ont piqué ma curiosité d'adulte. Je voulais mieux comprendre leur motivation. Au fond, Anne, c'est l'histoire du passage à l'âge adulte pour ces trois personnages.

En quoi l'histoire de cette petite fille qui a vécu à la fin des années 1800 est-elle encore pertinente ?

Anne est une jeune fille brillante qui n'a pas de filtres. Elle est également en avance sur son temps. Même si elle est née à l'époque victorienne, à une période où les enfants devaient se taire, elle ne s'impose pas de limites. Elle parle tout le temps, pose sans cesse des questions importantes et se demande pourquoi les filles ne feraient pas la même chose que les garçons. Elle veut que les choses changent et pouvoir faire la même chose qu'eux. Elle est en quelque sorte une féministe accidentelle.

L'histoire d'Anne, c'est aussi celle d'une petite fille qui vient d'ailleurs. Pouvez-vous nous en parler davantage ?

L'histoire d'Anne parle beaucoup des préjugés que l'on a à l'endroit des gens qui viennent d'ailleurs. Je trouvais intéressant d'aborder ce thème à l'ère de Donald Trump. Anne, c'est la quintessence de l'histoire de l'étranger. À l'époque, un orphelin était l'équivalent d'un délinquant, c'était l'enfant dont personne ne voulait. Le fait que Lucy Maud Montgomery lui ait donné des cheveux roux n'est pas innocent : à l'époque, les cheveux roux étaient associés aux classes inférieures. Et dans la mythologie, les êtres maléfiques avaient les cheveux roux. Je trouvais que tout cela avait un écho avec ce qui se passe dans l'actualité aujourd'hui.

Comment passe-t-on de Breaking Bad à Anne ?

Comme scénariste, je suis toujours attirée par des personnages qui cachent des secrets, des blessures profondes. J'aime les survivants. Les êtres qui ont des mécanismes de défense me fascinent. Le personnage d'Anne est comme ça : vulnérable, avec une faible estime d'elle-même qu'elle cache derrière son babillage et son positivisme. En cela, elle est aussi très « canadienne ».

En plus d'avoir écrit et produit des épisodes de Breaking Bad, vous avez écrit la série Flesh and Bone ainsi que quelques épisodes de la série Pan Am. Quels sont les ingrédients d'une bonne série, à votre avis ?

Pour moi, ce sont les personnages qui comptent avant tout. Ils doivent avoir de la profondeur, représenter quelque chose à mes yeux, avoir un sens. Et ils doivent avoir un impact dans le monde. C'est le coeur et l'âme de séries comme Breaking Bad et Flesh and Bone, et c'est la même chose avec Anne.

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CBC et Netflix ont annoncé jeudi que la série reviendra pour une deuxième saison en 2018.

photo Ursula Coyote, fournie par AMC

Bryan Cranston dans l'épisode Ozymandias de Breaking Bad