En cet âge d'or des téléséries, La Presse décortique chaque semaine une série qui vaut le coup d'oeil. Un suspense politico-policier mexicain produit par Netflix ! Ce guacamole est composé de violence, d'action et de sexe, une sauce narcopolitique dans laquelle nage le Mexique depuis longtemps. Mieux encore, la vedette de la série, Kate del Castillo, est celle-là même qui a permis la rencontre entre Sean Penn et le criminel Joaquín « El Chapo » Guzmán en 2015. ¡ Picante ! comme un jalapeno bien mûr. Avec un soupçon de sous-titres français en option.

L'HISTOIRE

Le président du Mexique Diego Nava (Erik Hayser) est assassiné au moment où sa femme Emilia Urquiza (Kate del Castillo) lui demande le divorce. Elle prend la fuite et est soupçonnée du meurtre, elle, la progressiste notoire, déçue par un époux peu prompt à enrayer la violence endémique au pays. Tout est mis en oeuvre pour la retrouver, alors qu'elle tente, de son côté, de prouver son innocence. L'enquête sur le meurtre du président tend, par ailleurs, à démontrer que la situation est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît.

TOUTE RESSEMBLANCE...

Les producteurs ont choisi plusieurs acteurs en raison de leur physionomie, comme Erik Hayser qui a étudié la gestuelle du président Enrique Peña Nieto afin de lui ressembler encore plus. Idem pour la procureure (Marina de Tavira) enquêtant sur le meurtre du président, qui fait beaucoup penser à la réputée journaliste Carmen Ariestegui. Le scandale de la disparition de 43 étudiants en 2014 trouve écho ici dans l'emprisonnement de 39 militants par l'armée. Invraisemblance ? Pas si l'on en croit le livre de la journaliste Anabel Hernández qui affirme, dans La verdadera noche de Iguala (La vérité sur la nuit d'Iguala), que les militaires ont tué les 43 étudiants sur l'ordre des narcos. 

NETFLIX, BIEN SÛR

Qui d'autre que Netflix pour produire une série télé indépendante - notamment des complaisantes chaînes de télévision mexicaines - qui parle ouvertement des problèmes de violence, d'impunité, de corruption et de politique dans lesquels est embourbée la société mexicaine ? Le récit se déroule principalement entre deux lieux aussi opposés que symboliques de Mexico : Los Pinos (la « Maison-Blanche » mexicaine où ont lieu les réunions du gouvernement) et Tepito (un immense et dangereux marché de contrefaçon en plein centre-ville). Ce manichéisme simpliste représente le principal défaut de la production qui se décline en 15 épisodes.

LE VERDICT

Malgré ses audaces sociopolitiques et ses ressemblances frappantes avec la réalité mexicaine, Ingobernable souffre de plusieurs défauts. Outre la tendance très hollywoodienne à séparer grossièrement bons et méchants et à l'incontournable scène de sexe par épisode, le récit comporte trop d'invraisemblances et de clichés pour obtenir notre adhésion complète. Les spectateurs peu informés de la situation mexicaine y trouveront un résumé intéressant de ce qui ne va pas dans ce pays partenaire de l'ALENA. Les autres pourraient aimer son aspect telenovela de luxe ou les accusations à peine voilées envers les pouvoirs corrompus, ainsi que la présence de la main invisible des États-Unis. Les uns comme les autres constateront, toutefois, que les incompétents réalisateurs ont laissé la tortilla trop longtemps sur le feu. Malgré de bons acteurs, ça craque et c'est fade !

Photo Edgard Garrido, Archives Reuters

Le président du Mexique Enrique Peña Nieto et sa femme Angélica Rivera

Photo fournie par Netflix

La première dame du Mexique Emilia Urquiza (Kate del Castillo) et son mari, le président Diego Nava  (Erik Hayser)