Claude Legault est de la distribution de Fatale-Station, la nouvelle série signée Stéphane Bourguignon sur ICI Tou.tv. Avec son complice Pierre-Yves Bernard, l'acteur travaille à l'écriture d'une série pour TVA, en plus d'un projet de BD et de troisième film de Dans une galaxie près de chez vous. Le journaliste Pierre Cayouette publiera à l'automne une biographie autorisée du comédien favori des Québécois. Entrevue en mode introspection.

On t'a moins vu depuis un certain temps. Tu as pris une pause?

Quand j'ai fini de tourner 19-2 en 2014, j'avais envie de lever le pied pour voir si ce que je faisais était encore ce que j'aimais faire. Je me suis même demandé si je n'en avais pas fait assez, si je ne devrais pas faire autre chose...

Une vraie remise en question...

Mais pas en déprimant. Je trouve ça drôle de me faire interviewer par des journalistes qui me disent: «Heille, on te voit partout! Tu es dans tous les films!» Relisez vos notes! Ça fait six ans que j'ai pas été au cinéma. J'ai eu un deuxième rôle dans Pee-Wee 3D. C'est tout. J'ai accepté des rôles dans des films qui n'ont pas été financés. Et refusé des rôles dans des films qui ont été tournés. J'en ai refusé pas mal. Je recommence à dire oui. Il faut y aller avec son âge aussi. J'ai 53 ans. Je peux encore jouer des rôles de gars de 45 ans, mais pas de gars de 30 ans qui courent comme des lièvres. J'ai décliné des rôles parce que j'étais fatigué aussi. Quand Galaxie a décollé, ça faisait déjà 15 ans que je travaillais comme un fou pour que ça marche. Après, je n'ai jamais arrêté. Quand tu écris en même temps que tu joues, c'est une double job. Je me suis demandé si c'était la vie que je voulais mener dans la cinquantaine.

Les chiffres ronds font réfléchir...

J'ai besoin d'avoir très envie d'un projet, et d'y travailler comme un malade pour que ce soit bon. Ça m'a freiné dans les deux dernières années parce que je n'avais pas cette énergie-là. Mon énergie revient, mais j'ai pas envie de faire de l'usine à saucisses pendant les 10 prochaines années. Avoir un dimanche libre pour regarder le football, ça fait du bien. Je suis une éponge quand je travaille dans le bonheur, mais aussi dans un environnement malsain. J'ai refusé des projets où j'aurais pu faire beaucoup d'argent, mais où j'avais le potentiel d'être malheureux. Je ne suis pas à l'argent à ce point-là! D'autres ont plus peur que moi que je perde ma place. Si je perds ma place, au pire, je vais écrire. Je me suis toujours dit que lorsqu'on sera tanné de me voir la face, j'écrirai des séries ou des films pour d'autres.

Est-ce que tu as pris une pause parce que tu craignais la surexposition? Je me souviens d'une chronique, il y a six ou sept ans, où j'écrivais qu'on te voyait beaucoup au cinéma, et qu'on voyait souvent les mêmes visages...

On a tous cette peur-là. Je l'ai un peu. Tu tournes des films et ils sortent tous en même temps. Ou tu as une petite participation dans un film qu'on vend comme si tu avais le rôle principal. J'ai eu des rôles dans des séries qui ont frappé fort: 19-2, Minuit le soir... Mais je n'ai pas pris du recul parce que je me trouvais trop présent. Je ne suis pas cave: je le sais que je me fais offrir des rôles parce que je peux les faire, mais aussi parce que je suis connu et que j'ai «un nom». C'est normal. Quand on a reproché à Rémy Girard d'être trop présent, ça m'a choqué. C'est comme les amateurs de hockey qui huaient Guy Lafleur à la fin de sa carrière. Il faut avoir la mémoire courte! Rémy Girard, c'est notre Philippe Noiret. Il mérite notre respect. C'est sûr qu'il y a un danger de surexposition au Québec parce que c'est petit. Mais il y a aussi un danger à crier à la surexposition. Les acteurs ont besoin de travailler. Ils ne vont pas se recycler dans la boulangerie! Cela dit, je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il faut un équilibre entre les acteurs connus et moins connus. C'est comme dans une équipe de hockey.

Il faut qu'il y ait un équilibre et une diversité...

Comme scénariste, j'y pense beaucoup. Il y a de moins en moins de rôles pour les femmes de plus de 45 ans. Il faut y réfléchir quand on écrit. Aux minorités visibles aussi. Sans déformer ton histoire pour qu'elle devienne un catalogue Sears «politically correct», il faut qu'elle reflète une certaine réalité et une certaine sensibilité pour le monde dans lequel on vit. C'est notre devoir quand on écrit, même si ce n'est pas toujours simple.

Tu es devenu un sex-symbol malgré toi à l'époque de Minuit le soir. Il y a même un compte Twitter «Les fesses de Claude Legault». Est-ce que tu vis mieux avec cette étiquette à 53 ans?

Je n'ai jamais été à l'aise avec cette étiquette-là. Et les gens peuvent être très violents sur les réseaux sociaux à propos de ça. «Bon! Encore une série où il va nous montrer sa graine pis son cul!» Ma carrière ne se résume pas à ma paire de fesses! Mais j'ai fait des entrevues où on me parlait que de ça. Du «tout nu», je vais en faire moins en vieillissant. À moins que ce soit justifié par le scénario. Les étiquettes collent, mais ça me dérange moins aujourd'hui. J'espère vieillir comme Philippe Noiret. Être plus rond, avec des personnages qui ont une bedaine. Il y en a qui vont dire: «Un sex-symbol, lui? Avec son pot de bière et ses poignées d'amour?» Dans notre métier, on est aimés très fort comme on est haïs très fort. Guylaine Tremblay m'avait averti quand j'ai gagné mon premier trophée Artis pour 19-2: «Demain, Claude, va pas lire les médias sociaux, là!» Moi, le cave... On aurait dit que j'avais mitraillé une garderie ou que j'avais mis le feu à un hôpital! Je me suis fait planter, massacrer par des gens écoeurés de me voir. C'était virulent. Ça m'a gâché mon fun. Comme je l'expliquais à une dame à l'épicerie: «J'ai rien demandé, moi! J'ai pas posé ma candidature!» L'année suivante, je te mens pas, j'espérais tellement ne pas l'avoir. Et je l'ai eu... Mais je n'ai pas lu les commentaires! Depuis deux ans, j'essaie de me libérer de ça, pour retenir ce qui me fait triper dans ma job. Des fois, tu comprends pas pourquoi tu manges une volée de bois vert juste parce que tu es connu, mais il faut vivre avec.

Certains t'ont aussi reproché d'avoir fait de l'argent avec les pubs de la CSST. Ça t'a blessé?

Quand on m'a averti que le montant allait être révélé parce que ce sont des fonds publics, je n'y voyais pas de problème. Après, il y a comment tu choisis de sortir l'information, en insistant sur le montant: 750 000 $. Je reconnais qu'il y a une envie d'informer. C'est le travail du journaliste. Mais il y a aussi une envie de créer une polémique. Ç'a duré quatre jours. Monsieur Angélil est mort et on n'en a plus parlé. Mais oui, ça m'a blessé. Je n'ai pas besoin de faire de pub. C'était une campagne sociétale. Je ne te mens pas: au début, il n'a pas été question d'argent. J'étais intéressé par le concept. Ils m'ont approché parce qu'ils pensaient que je pourrais avoir une influence sur le public. Cette influence-là, je l'ai construite en 20 ans, dont peut-être 12 ans avec des salaires de misère. Il y a des années où je n'avais pas assez de sous pour déclarer des impôts. Il faut mettre tout ça dans un contexte. Mais le contexte, pour quelqu'un qui veut te planter, c'est pas très intéressant. Guy A., qui est un ami, m'a dit que si j'avais fait une campagne de pub privée, j'aurais fait ce montant-là par année! C'était pour cinq ans. Mais quand c'est de l'argent public, les gens se sentent autorisés à te planter sans bon sens: «Je paye ce téteux de subventions là avec mes taxes!» Certains matins, tu es moins équipé pour lire ça sur les réseaux sociaux. Au Québec - je le dis avec un clin d'oeil -, les «tartistes» sont devenus l'ennemi public numéro 1 pour certains. Pire que les mafieux, les politiciens véreux, les chefs de multinationales qui nous crossent. Qu'est-ce qu'on a fait de si grave? On attaque la «clique» du Plateau. Je viens de Montréal-Nord! Je n'ai jamais vécu sur le Plateau de toute ma vie!