Après 15 saisons en ondes, L'auberge du chien noir tire sa révérence en mars prochain. Avant le dernier «coupé!», La Presse a invité Stéphanie Lachance, une «super fan» de 22 ans qui n'a jamais manqué un épisode, à assister mardi dernier à une journée de tournage. Fébrile, la jeune femme de Québec était également aux premières loges d'un moment historique à Radio-Canada, qui met ainsi fin à son dernier téléroman encore produit à l'interne.

À table avec ses idoles

Entre le tournage de deux scènes, Vincent Graton et Josée Deschênes, accompagnés des auteurs Sylvie Lussier et Pierre Poirier, ont dîné avec Stéphanie Lachance, la «super fan» de L'auberge du chien noir. Pendant une heure, ils ont généreusement répondu à ses questions, afin de démystifier les coulisses d'un plateau de tournage.

Stéphanie Lachance: Vos journées de tournage commencent et se terminent à quelle heure?

Josée Deschênes: Normalement, on commence à tourner à 8 h et on termine vers 19 h 30.

Vincent Graton: Mais jeudi [aujourd'hui], pour le tournage de la dernière scène dans le bar de l'auberge, la journée sera beaucoup plus longue. Ça sera vraiment la plus longue journée de l'histoire de l'émission!

Sylvie Lussier: On aura 32 premiers rôles sur le plateau! Pour ce dernier épisode, on a négocié avec la direction un budget planifié en conséquence.

Stéphanie Lachance: Est-ce qu'il y a des comédiens qui sont vraiment là tous les jours de tournage?

Sylvie Lussier: Celui qui a fait le plus de [scènes], c'est Vincent. Ensuite, il y a bien sûr Josée.

Vincent Graton: Je te dirais que les premières années, il y avait moins de personnages et de décors. Quand on recevait nos scènes, il y en avait beaucoup! Maintenant, c'est plus partagé. Donc les gens qui sont là tout le temps, c'est plus rare. Ensuite, la façon dont on travaille allège aussi notre travail. On travaille toujours trois émissions en même temps [...] qu'on tourne dans le désordre. Donc je peux faire toutes les scènes chez Mathilde d'un coup, qui seront ensuite distribuées dans trois épisodes.

Vincent Graton: Toi, Stéphanie, qu'est-ce qui t'a plu dans L'auberge?

Stéphanie Lachance: L'humour. Il y a tout le temps quelque chose qui arrive. Sinon, c'est vraiment l'esprit familial. C'est rassembleur, j'aime ça.

Vincent Graton: C'est vraiment la marque de commerce de Pierre et Sylvie. Ils écrivent des sagas familiales dans lesquelles il y a toujours deux tons. Un ton humoristique et un ton qui est un peu plus humain.

Sylvie Lussier: Faire accepter ça au départ à ceux qui lisent nos textes [a été difficile]. On voulait que nos personnages soient tristes ou heureux. Mais non! Personne n'est si monolithique que ça. Parfois, dans la même phrase, tu vas rire et pleurer.

Josée Deschênes: On se fait souvent dire par les parents que L'auberge est une émission où ils peuvent s'installer avec leurs enfants et être sûrs que ça ne sera pas «heavy». Tout le monde y trouve son compte.

Stéphanie Lachance: Moi, depuis que je suis jeune, c'est avec ma mère que j'écoute ça.

Vincent Graton: C'est rare une émission qui rejoint plusieurs générations.

Pierre Poirier: Et qui rejoint des hommes! Beaucoup d'hommes nous écoutent. Habituellement, l'auditoire d'un téléroman, c'est très féminin, mais L'auberge attire près de 40 % d'hommes.

Hugo Pilon-Larose: Et d'être récurrent pendant 15 ans à la télévision, ça n'arrive pas très souvent. Comment les téléspectateurs vous abordent-ils quand ils vous croisent?

Josée Deschênes: Ils nous appellent par nos noms de personnages. On est Élaine, on est Marc.

Pierre Poirier: Je parlais récemment avec Kim Olivier [l'acteur qui joue le personnage de Luc Trudeau], qui a passé la moitié de sa vie sur L'auberge. C'est quelque chose...

Stéphanie Lachance: C'est vrai, il a mon âge. Il est tellement beau, ça n'a pas de sens! [Tout le monde rit].

Hugo Pilon-Larose: Vivez-vous une sorte de deuil, ces jours-ci?

Josée Deschênes: Hier, en salle de répétition, tout le monde était triste. Kim Olivier, qui observait, les mains dans les poches, dans le coin [l'était particulièrement]. Il se tenait debout et regardait la salle [se vider]. Pour lui, c'est sa vie, cette émission. Il est passé au travers de plein de choses avec nous! Moi, je l'ai vu traverser sa crise d'adolescence, sa première brosse...

Tout le monde en même temps: Ah oui! On s'en souvient de ça!

Josée Deschênes: J'ai un fils qui a environ son âge. Je vivais avec Kim les mêmes choses qu'à la maison. Et c'est vrai, j'ai souvent dit ça en entrevue, je me suis souvent servie des répliques de L'auberge pour régler des conflits avec mon fils.

Hugo Pilon-Larose: Dans la culture québécoise, quel rôle jouent les émissions comme L'auberge?

Sylvie Lussier: Je pense que c'est notre folklore actualisé. C'est toujours difficile de s'auto-examiner, mais les sagas familiales ont toujours existé. Des personnages de fiction auxquels tu t'attaches et que tu aimes, cela plaît aux gens. Les téléromans font partie de ça. C'est une proximité qui est rassurante.

Vincent Graton: C'est comme des petits repères dans nos vies...

Photo Alain Roberge, La Presse