Une nouvelle génération d'auteures prend d'assaut le petit écran cette année et expose sans compromis ses préoccupations, défauts et aspirations. Bienvenue chez les nouvelles trentenaires qui ont de la gueule!

Leur génération

KIM: «Je pense que nous sommes une génération déçue. On a grandi en se faisant dire que tout était possible pour une fille, que nous étions les égales des hommes et on découvre, adulte, que ce n'est pas tout à fait ça, que c'est plus sournois. Et on est chacune chez soi à penser que c'est nous, le problème.»

MARIE-ANDRÉE: «Je ne peux pas parler pour ma génération. Mais je pense qu'on a le goût de parler de ce qu'on connaît et de ce qu'on vit. Il y a une volonté chez moi de présenter autre chose - entre guillemets -, de montrer d'autres sortes de gens. Les originaux, les gens différents, ça va rester dans mes préoccupations toute ma vie. Il n'y a pas juste une façon d'être humain.»

ÉMILIE: «Si on parle de ma génération, j'ai envie de crier que je ne suis pas folle. Avec ce qu'on vit, parfois, on a toutes les raisons de l'être. C'est normal et ça ne fait pas de nous des gens inadéquats. J'ai besoin de ressentir quelque chose de moins froid que mon écran bleuté. Depuis que j'ai réalisé que je pouvais apaiser les gens avec mes histoires, les faire rire de leurs bavures et leur faire sentir qu'ils peuvent se pardonner, je me suis découvert une vraie passion pour l'écriture.»

Qu'avez-vous vraiment voulu écrire?

KIM: «Je me suis reconnue dans ce qu'écrivait Simone de Beauvoir, et j'ai constaté que si nous vivons des réalités différentes, nous avons encore les mêmes questionnements. On est encore des Simone. On a critiqué la superwoman des années 80, mais on est deux fois pire! On veut être belle sur Instagram, on veut une belle maison décorée, on veut faire tous les trucs de Trois fois par jour, avoir des enfants, une carrière... J'en peux plus! J'avais l'impression de ne pas voir ma réalité [à l'écran] et j'avais le goût de rendre hommage à mes amies qui ont des problèmes que personne ne comprend parce qu'on ne les voit nulle part.»

MARIE-ANDRÉE: «Trop raconte l'histoire de deux soeurs dont l'une est atteinte d'un trouble bipolaire. Mon mandat en tant qu'auteure est de rendre ça crédible et vrai, sans évacuer le côté pas très drôle de ça, histoire de respecter les gens qui le vivent. L'idée était aussi de mettre en opposition nos problèmes et ceux du personnage. On se rend compte qu'on est tous le fou du voisin, selon les périodes de nos vies.»

ÉMILIE: «Quand j'ai commencé à écrire Mon ex à moi, je le faisais pour moi. Je voulais voir une série qui me représentait à la télé, qui exposait mes insécurités, mes dilemmes, mes frustrations, mes névroses. Ma propre thérapie par le rire. Puis j'ai constaté l'impact positif et concret que la série avait dans la vie des téléspectateurs, et je me suis mise à penser à eux aussi. Je voulais qu'ils se sentent moins seuls à vivre des montagnes russes. Car une fois la purge faite, on doit se trouver une autre raison d'écrire. Si on ne le fait plus uniquement pour soi, on le fait pour les autres.»

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Après le succès de la série Mon ex à moi, Émilie Fanning lancera son roman Mon chum à moi... avant d'être mon ex.

De quoi la télé québécoise a-t-elle besoin?

KIM: «Je pense que le défi des auteurs de ma génération, et des médias en général, c'est qu'on arrête d'être divisés. On devrait décloisonner. On prêche les convertis ou on polarise. Les personnages de ma série sont féminins, mais je parle des femmes et des hommes. Tout le monde regardait Les invincibles, pas juste les hommes. On l'a connu, le malaise masculin des trentenaires; on en a parlé ad nauseam! Et je pense que les gars entre 18 et 35 ans sont plus ouverts; ils ont regardé Girls

MARIE-ANDRÉE: «En fiction, je suis contente qu'il y ait plus de réalisatrices, mais il pourrait y en avoir encore plus. Il nous manque une série avec un pool d'auteurs chevronnés, comme Richard Blaimert ou Isabelle Langlois, comme ce qu'on fait aux États-Unis. Je serais preneuse! Et il faudrait oser la série de genre. C'est désolant que Série noire n'ait pas eu le succès qu'il mérite. J'espère que le public se remette de la fin de Yamaska [rires] et qu'il puisse s'attacher à quelque chose qui lui ressemble moins.»

ÉMILIE: «Ce qui manque à la télé au Québec, c'est une diversité culturelle. Il y a vraiment un culte de la vedette ici et c'est difficile de faire de la place aux acteurs moins connus et de minorités visibles. Je regarde beaucoup de télé américaine, surtout les shows de Shonda Rhimes, dont je suis fan: la diversité tapisse ses séries. Et, venant de l'Université Concordia, mes amis viennent de partout. Au Québec, ça nous manque beaucoup et c'est en grande partie une responsabilité de l'auteur d'écrire de bons rôles pour eux.»

Leur rentrée

Kim Lévesque Lizotte signe Les Simone, qui entre en ondes mercredi prochain, 21 h 30, à Radio-Canada.

Marie-Andrée Labbé signe les séries Trop (à venir sur l'Extra d'ICI Tou.tv) et Lourd (à VRAK.TV) dès le 4 octobre.

Émilie Fanning signe la série Mon ex à moi à Séries +. Son roman Mon chum à moi... avant d'être mon ex, sort aux éditions Libre Expression le 21 septembre.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Marie-Andrée Labbé signe les séries Trop (à venir sur l'Extra d'ICI Tou.tv) et Lourd (à VRAK.TV).