Le comédien, metteur en scène et auteur André Montmorency, l'homme qui nous a donné des personnages aussi variés et colorés que Friponneau, Christian Lalancette et Monsieur Jourdain, est mort.

Né le 30 mai 1939 à Montréal, André Montmorency avait 77 ans.

Le comédien, dont la fin de carrière a été marquée de quelques passages difficiles et qui manifestait ouvertement une certaine détresse à se voir vieillir, était malade depuis un moment. Le dimanche 15 mai dernier, les médias rapportaient qu'il avait été admis à l'hôpital Notre-Dame, souffrant d'une succession de trois pleurésies.

«Son état semble se dégrader de jour en jour», affirmait, le samedi 14 mai, le journaliste artistique Roger Sylvain sur sa page Facebook.

La carrière de M. Montmorency s'amorce durant la seconde moitié des années 1950 alors qu'il donne la réplique à Guy Godin dans l'émission radiophonique Pipandor. Puis, on le voit une première fois à la télévision dans l'émission Le Survenant où il incarne Dollard.

Son premier grand rôle, Montmorency le vivra à travers Friponneau, souriant personnage au costume et à la casquette jaunes de la télésérie pour enfants La Ribouldingue (1967-1971). D'abord intégrée dans l'émission La boîte à surprises, la série devient par la suite autonome.

Dans une entrevue accordée au magazine Fugues en 2012, Montmorency indiquait s'en faire encore parler. «Les filles m'arrêtent pour me dire qu'elles étaient amoureuses de moi. Et des gars m'avouent que j'ai été leur fantasme!», lance-t-il alors.

Ouvertement gai, André Montmorency a interprété des rôles d'homosexuels très tôt dans sa carrière. Ainsi en 1974, il incarne Sandra dans le long métrage Il était une fois dans l'Est. Campé dans le milieu des travestis de la rue Saint-Laurent, le film d'André Brassard met en scène plusieurs personnages du théâtre de Michel Tremblay.

Quelques années plus tard, de 1979 à 1982, il devient Christian Lalancette, coiffeur homosexuel exubérant dont l'éternel patois «Souffrance» résonne entre les murs du restaurant de la télésérie Chez Denise écrit par Denise Filiatrault.

Éclectique, Montmorency saura toucher à tout, entrer dans la peau de toutes sortes de personnages. Dans les émissions pour enfants, il aura aussi été la voix du chat Belzébuth dans Grujot et Délicat. Il jouera au cinéma dans Parlez-nous d'amour, Ding et Dong: le film, Histoires d'hiver et, plus récemment, Mars et Avril de Martin Villeneuve. Il fera quelques Bye Bye! et sera de plusieurs séries télévisées telles Le Parc des braves, L'amour avec un grand A, Urgences, Rira bien (qui lui vaut un Gémeau), Le retour ou encore Paparazzi.

L'animation? Oui, il connaissait avec la série Sortie gaie diffusée durant cinq ans à Canal Vie. Le doublage? Encore oui, puisqu'il en fera plus d'une centaine, notamment Horace Slughorn dans les films Harry Potter, Bootstrap Bill dans Pirates des Caraïbes ou Karl dans L'exorciste.

Théâtre

Reconnaissable à sa bouille et à son franc-parler irremplaçable, Montmorency a très peu défendu de premiers rôles. Il le savait. «Je ne suis pas un grand acteur. Je suis un bon deuxième, c'est tout, dira-t-il en février 2003 dans une longue entrevue à Nathalie Petrowski de La Presse. (...) Moi, finalement, je n'ai été un acteur, un vrai, qu'une fois, dans Le Bourgeois gentilhomme.»

Il faisait bien sûr référence à son personnage de Monsieur Jourdain dans cette pièce de Molière. Il l'interpréta à 139 reprises, selon le site web de son agence, dans plusieurs théâtres au Québec à la fin des années 1980. Le soir du mardi 21 novembre 1989, alors que la pièce de Molière est présentée en première au TNM, Montmorency la joue pour la centième fois.

Quelques jours plus tôt en entrevue à Jean Beaunoyer de La Presse, il affirme: «C'est quand j'ai vu Le Bourgeois gentilhomme pour la première fois à 15 ans que j'ai décidé de faire du théâtre. Quand Guillermo (de Andrea, le metteur en scène) m'a proposé le rôle, je suis tombé dans ses bras et je me suis mis à pleurer en lui disant qu'il venait de réaliser le rêve de ma vie.»

Le théâtre a été au coeur de la carrière de M. Montmorency. Avec la troupe du Rideau Vert, il a participé à de nombreuses pièces et est allé en tournée jusqu'en Europe. Il a joué le rôle principal dans Le roi se meurt de Ionesco. Il a mis en scène des pièces qui ont fait date, notamment À toi pour toujours ta Marie-Lou de Michel Tremblay et Le malade imaginaire de Molière.

Il conserve un moins bon souvenir de son Édouard défendu en 1996 dans une reprise de La duchesse de Langeais de Tremblay. «J'ai haï chaque minute de cette pièce, dit-il dans l'entrevue à Nathalie Petrowski. Endosser tout ce désespoir, savoir que j'allais mourir soûl tous les soirs, me faisait chier royalement.»

On le verra aussi dans quelques pièces à l'opéra. Il signera également quelques ouvrages remarqués tels La revanche du pâté chinois et son autobiographie De la ruelle au boulevard où il évoque son homosexualité. À la sortie de l'ouvrage, en 1992, Montmorency reconnaît que plusieurs acteurs gais n'osent pas faire une telle sortie du placard.

«Les comédiens ne veulent pas en parler parce qu'ils ont peur de perdre des contrats de publicité», dit à La Presse le comédien qui fut durant 13 ans le compagnon de vie de Benoit Marleau (1937-2009) avec qui il a souvent joué.

Faillite

À partir du début des années 2000, les rôles offerts sont moins nombreux. André Montmorency fait beaucoup de doublages. Il se met à la peinture et signe ses toiles Pablo Van Momo, façon de saluer son peintre préféré, Picasso.

Il faut ajouter qu'en 2002, il vend sa maison du Plateau Mont-Royal et va s'installer dans un loft de Pointe-Saint-Charles avant de partir, en 2003, pour New Carlisle en Gaspésie dans l'espoir de fonder un gîte touristique et artistique. Le malheur fond alors sur lui. Car le projet de construction d'un incinérateur à Belledune du côté néo-brunswickois de la Baie des Chaleurs, combiné à l'arnaque d'un partenaire financier le conduit à la faillite.

«Après mes mésaventures en Gaspésie où j'ai tout perdu, je suis allé habiter au Chez nous des artistes. Une mauvaise décision, Je me suis étampé le mot «has been» dans la face en faisant ça», dit-il au magazine Fugues.

Il racontera dans la même entrevue de 2012 combien est lourd le poids de voir ses amis disparaître les uns après les autres. «Tu te lèves un matin, tu as une bonne nouvelle à partager. Tu prends ton téléphone et POW, tu réalises que t'as pu personne à qui parler, à qui annoncer ta bonne nouvelle. Ça, c'est dur.»

Son propos était moins lourd dans son entrevue de février 2003 à La Presse alors qu'il comparait la vie à une grosse semaine de vacances avec ces mots comme conclusion: «Puis un jour, tu embarques dans l'avion de retour. Pas pour mourir, pour revenir à ton point d'origine. Moi, je sais que je vais embarquer dans l'avion sereinement en me disant que les vacances sont finies, c'est tout.»