Jean-Luc Mongrain entamera le dimanche 22 mai sa deuxième saison à Radio-Canada, dans une nouvelle mouture d'un talk-show qu'il coanime désormais avec Marie-Soleil Michon. Déjà dimanche!, qui abordera des questions d'actualité, «sera plus Mongrain», de l'aveu de son animateur.

Marc Cassivi: Je relisais une entrevue que vous m'aviez accordée en 2009. Vous reveniez à TVA, c'est-à-dire à LCN, après 10 ans passées à animer le bulletin d'information de TQS. Vous aviez été courtisé par Radio-Canada à l'époque...

Jean-Luc Mongrain: Oui. Ça a passé à une demi-journée de se conclure.

M.C.: Ç'a été long avant que le mariage soit consommé...

J.-L.M.: Il était consommé ! Mais la mariée a quitté la chambre conjugale. J'ai été approché par la direction de l'information pour animer une quotidienne à RDI. Nous avions une entente. C'était réglé. Mais la direction générale m'a contacté pour que j'anime plutôt un talk-show de fin de soirée à la chaîne principale, après le bulletin de nouvelles. Je leur ai dit que j'étais d'accord, mais que je ne voulais pas me ramasser entre deux chaises. C'est exactement ce qui est arrivé ! Il y a eu des changements à la direction et il n'y avait plus de place pour moi dans la grille.

M.C: L'entente ne tenait plus.

J.-L.M.: Un secret étant une chose que l'on ne dit qu'à une personne à la fois, j'ai reçu un appel de Pierre Karl Péladeau en personne qui m'a dit : « Jean-Luc, tu reviens à la maison ! Tu ne vas pas là ! » Radio-Canada a tardé à réagir. Je n'étais pas venu là pour attendre le train. Je ne suis pas venu au monde en cas de besoin ! Alors je suis parti à LCN.

M.C.: Lorsque vous avez quitté LCN, en 2012, c'était avec une réelle volonté d'arrêter ?

J.-L.M.: Oui. J'ai 42 ans de métier : radio, télé, journaux. Ce ne sont pas les 42 ans qui me pèsent, mais je ne voulais plus travailler au même rythme. Le quotidien, ça ne m'intéresse plus. C'est Dominique Chaloult qui m'a proposé de coanimer avec Pénélope [McQuade], qui a été très généreuse et a accepté. Dans le même décor, c'était un peu ric-rac. Ce sera différent cette année. On m'a dit que ce serait plus mon show, plus « Mongrain », avec une nouvelle coanimatrice.

M.C.: Vous n'aurez plus l'impression de vous greffer à une émission qui existe déjà.

J.-L.M.: Oui. L'an dernier, faire plus « Mongrain », ç'aurait été mal vu. Personne n'y aurait gagné. J'aurais eu l'air du gars qui tasse la jeune. Là, c'est une autre production. Marie-Soleil est informée. Elle connaît les règles. Et j'ai dit à Éric Salvail [le producteur] : « Tu me feras pas danser de claquettes ! »

M.C.: Il a essayé ?

J.-L.M.: Pas du tout ! C'est sa première expérience en affaires publiques.

M.C.: Donc vous sentez que l'émission sera plus à votre image ?

J.-L.M.: Il y a trois sortes d'émissions : celle qu'on veut faire, celle qu'on fait et celle qu'on aurait pu faire. On ne réinvente pas la roue : un talk-show est un talk-show qui ressemble à un talk-show. Ça dure une heure. Il y aura plusieurs invités, qui pourront rester avec nous s'ils sont encore de bonne humeur ! [Rires] Ce sera léger. On n'évitera pas les sujets, mais il ne s'agit pas de sortir de là avec un K.-O.

M.C.: Ça vous convient ? Vous avez déjà été plus bagarreur...

J.-L.M.: Je suis dans la compassion et l'écoute par-dessus les oreilles ! Ce n'est pas un personnage. C'est le dimanche soir, on est en famille, il est 21 h. Demain, on va travailler, la fin de semaine a passé vite...

M.C.: C'est « Déjà dimanche »...

J.-L.M.: C'est un titre que j'ai proposé. Dans ma vie, les titres d'émission, je les ai tous trouvés. L'heure juste, ce n'est pas dans un français châtié, mais ça dit ce que ça a à dire. Mongrain de sel, c'était assez facile...

M.C.: Ce sont des émissions qui ont duré 10 ans. Serez-vous 10 ans à Radio-Canada ?

J.-L.M.: Jusqu'à 75 ans ! Je vais être favorisé par la Régie des rentes...

M.C.: Radio-Canada est arrivée tard dans votre carrière...

J.-L.M.: Ce n'est pas arrivé tard. C'est arrivé quand ç'a été possible. Parce que j'ai toujours signé des contrats d'exclusivité. Je suis très fier de voir que les gens qui travaillaient avec moi à TQS sont maintenant à TVA ou Radio-Canada, alors qu'on nous regardait un peu de haut à l'époque. Le p'tit chihuahua qui est toujours après le « cuff » du pantalon, ce n'est pas un gros chien, mais il est fatigant. Si tu le brasses trop, il ne sera pas gentil. On a eu les succès qu'on a connus et on a introduit un nouveau genre dans la façon de faire des nouvelles.

M.C.: La nouvelle commentée par le chef d'antenne. Ce qui n'aurait pas été possible à Radio-Canada, où l'on tient au concept de l'objectivité journalistique.

J.-L.M.: On fait faire l'opinion par les autres : les « ex », les commentateurs de l'extérieur. TVA l'a fait avec Claude Charron. Puis Sophie [Thibault] avec tous ses collaborateurs, dans une formule qui n'a pas marché.

M.C.: Les fameux cônes orange...

J.-L.M.: Oui. C'est habillé différemment, mais c'est essentiellement la même chose.

M.C.: Est-ce qu'il y a une hypocrisie, d'après vous, à procéder ainsi ?

J.-L.M.: « Au nom de la sacro-sainte objectivité », je ne crois pas à ça. Dans le choix de l'image, le choix des mots, la virgule, les points de suspension, il y a un choix éditorial. Le public, les gens n'en ont rien à cirer, de l'objectivité. Je crois en cette intelligence populaire.

M.C.: Est-ce que le regard de la profession sur vous a évolué depuis toutes ces années ?

J.-L.M.: [Rires] À cette question, j'ai toujours répondu la même chose : l'étiquette sur une boîte de conserve sert à rassurer celui qui la regarde. Ce qui est dans la boîte de conserve se fiche carrément de l'étiquette qu'on lui met.

M.C.: Les étiquettes qu'on vous a collées ne vous ont jamais dérangé ?

J.-L.M.: S'il avait fallu ! Je suis venu au monde à une époque où on ne rentrait pas à la maison de l'école avec un casque sur la tête. On n'était pas surprotégés. Je m'appelle Mongrain. Ça te donne une idée de la cour d'école... J'ai appris vite à me faire de la corne sur l'ego.

M.C.: Vous disiez qu'à une époque, on vous regardait un peu de haut à Radio-Canada. Aviez-vous des aspirations radio-canadiennes ?

J.-L.M.: Je suis sûr qu'un gars qui fait son cours de pilote de ligne espère travailler pour Air France ou Air Canada. Il ne pense pas en premier à Air Transat ou à Air Inuit, c'est sûr. Mais il est pilote. C'est ça, l'essentiel.

M.C.: Des gens qui vous connaissent disent qu'il y a un décalage entre le justicier populaire que vous avez incarné et la personne, plus cultivée, que vous êtes en privé. C'est vrai ?

J.-L.M.: Je ne sais pas si je suis un être cultivé. Je suis intéressé à apprendre. Je pense avoir une culture générale assez large, sans aucune prétention. Mais on ne m'a pas engagé pour révéler ce que je sais. Ce n'est d'aucun intérêt. Tu connais Ray Kroc, le fondateur de McDonald's ? Je ne pense pas qu'il mangeait des trios Big Mac souvent à la maison...

M.C.: Vous avez quand même le sens du spectacle...

J.-L.M.: C'est-à-dire que j'ai compris une chose : la capacité des gens à rester attentifs est faible. Il faut qu'il se passe quelque chose, à l'intérieur de trois minutes. Il faut qu'il y ait un regard, une mimique, quelque chose. C'est vrai quand je parle à mes enfants, et c'est vrai dans un souper avec des amis. Ça n'a pas besoin d'être plate pour être intéressant !

M.C.: Avez-vous l'impression que la greffe a pris avec Radio-Canada ?

J.-L.M.: Un pilote automobile, qu'il coure pour Ferrari ou pour McLaren, relève le même défi, sur la même piste, avec la même intention de finir la course. Les écuries, je les ai toutes faites. L'émission la plus fantastique que j'ai animée, c'est Les commissions Mongrain à Télé-Québec. Tout ça est arrivé par accident. Je n'avais pas de plan de carrière. Je n'en ai pas davantage aujourd'hui ! On n'est pas plus important que la chaise qu'on occupe, dans le fond.