La voix a révélé des artistes plus éclectiques que ceux de Star Académie. Des « enfants du millénaire » bilingues qui ont attendu de gagner en maturité artistique plutôt que de sortir un album rapidement après leur passage à l'émission. Voici trois artistes pour qui l'intégrité passe avant la visibilité: Charlotte Cardin, Matt Holubowski et Geoffroy.

CHARLOTTE CARDIN

APRÈS LA VOIX

La veille de notre entrevue, Charlotte Cardin concluait une série de quatre jours en studio pour enregistrer son premier album (un EP ou un LP, c'est à déterminer) qui sortira à l'automne.

Nous avons rencontré la mannequin et chanteuse dans les bureaux-studios de Cult Nation, situés dans un loft du Mile End. Plus de trois ans ont passé depuis sa participation à la finale de La voix dans l'équipe de Marie Mai.

Toute cette aventure était imprévue pour la jeune femme, même si elle avait pris des cours de chant pendant plus de 10 ans.

Un soir, un ami de la famille lui a dit que les auditions d'un concours avaient lieu le lendemain. Charlotte, alors âgée de 17 ans, hésitait à y participer parce qu'elle avait des devoirs à faire.

Elle a tenté sa chance... et on connaît la suite de son audition à l'aveugle réussie avec la chanson You Know I'm No Good d'Amy Winehouse.

Après la finale remportée par Valérie Carpentier, Charlotte Cardin a fait preuve de pragmatisme. « Je voulais finir mon cégep tout en trouvant mon style. »

PRENDRE SON TEMPS

Entre deux trimestres au cégep, Charlotte Cardin a passé du temps à Paris, à Londres et à New York pour écrire de la musique et enchaîner des contrats de mannequinat. Constat: « Le monde de la mode n'est pas pour moi. »

Entre-temps, elle a fait la rencontre de son futur imprésario, Jason Brando.

Charlotte Cardin a sorti en juillet 2015 un premier extrait en anglais, Big Boy, suivi en novembre d'un autre en français, Les échardes. La semaine dernière, elle a dévoilé Like It Doesn't Hurt, sur laquelle figure le rappeur Husser de The Posterz.

La musicienne a aussi multiplié les spectacles, notamment dans le cadre du festival-vitrine M pour Montréal.

En mars dernier, elle a fait un premier spectacle de plus d'une heure à guichets fermés à Sherbrooke.

La semaine dernière, elle s'est même produite à Londres et à Paris avec son bassiste Mathieu Sénéchal et son batteur Benjamin Courcy. Sa série de spectacles se poursuit dans une dizaine de villes du Québec avec des détours à Toronto et New York.

Charlotte Cardin sait où elle s'en va. « Cela fait tellement longtemps qu'on planifie la stratégie. »

« La voix, c'est commencer à l'envers, dit-elle. Les costumes, la mise en scène, trois millions de personnes qui t'écoutent. Là, le défi est de remplir une salle de 100 personnes. C'est ça, être musicien. Mais le niveau de stress est atténué à cause de celui vécu à La voix. »

PROCHAINE ÉTAPE

Charlotte Cardin est excitée à l'idée de se produire à Osheaga. « Je capotais quand mon gérant me l'a appris. J'aime aller au festival. J'y ai découvert plein d'artistes. »

Fait rare, son imprésario réalise son album. « C'est particulier, mais Jason réalise de la musique pour des publicités depuis plusieurs années. Il a une bonne oreille. »

Sortie à l'automne, disait-on.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Charlotte Cardin

MATT HOLUBOWSKI

APRÈS LA VOIX

Dix mois ont passé depuis que nous avons rencontré Matt Holubowski en prévision de ses spectacles au Festival de jazz. 

C'est grâce à son album Old Men, sorti sur Bandcamp en juin 2014, que l'auteur-compositeur avait été programmé au Festival de jazz à la Cinquième Salle de la Place des Arts. Mais avec sa participation à la finale de La voix, il a fallu ajouter une supplémentaire... au Métropolis!

« Le plus gros show de ma vie. C'était presque trop gros pour moi. Je pense que ça manquait de rodage » , dit Matt Holubowski.

À l'automne dernier, le chanteur a signé un contrat avec l'étiquette Audiogram (plutôt qu'avec les Productions J). « J'avais d'autres offres, mais j'ai pris le temps de bien évaluer les choses. »

Son but: « Commencer petit. »

Il faut dire que Matt Holubowski n'envisageait nullement de s'inscrire à La voix. Ce sont des recherchistes de l'émission qui l'ont incité à tenter sa chance aux auditions.

« La voix m'a ouvert au monde francophone », souligne le fils d'un père d'origine polonaise et d'une mère québécoise qui a grandi dans un foyer bilingue de Hudson.

PRENDRE SON TEMPS

« L'après-Voix a été assez turbulent avec les offres de labels et les articles sur moi, confie Matt Holubowski. J'ai gagné la loterie de l'emploi, mais c'était important pour moi de tout comprendre. Pourquoi Untel veut [me mettre sous contrat], et pourquoi les choses se font soi-disant comme ça. »

Après un voyage en Amérique latine, Matt Holubowski a trouvé comment concilier son intégrité avec sa volonté de gagner sa vie avec sa six cordes.

Matt Holubowski est en licence avec Audiogram. En d'autres mots, il paie pour la production de son album qui sera ensuite vendu et distribué par le prestigieux label. « C'est moi qui choisis tout. Cela me donne une liberté artistique complète. »

PROCHAINE ÉTAPE

L'auteur-compositeur a une banque de nouvelles chansons. Révolue, sa « période Bob Dylan » de l'album Old Men. Holubowski a envie de mélodies et d'arrangements plus complexes tissés en équipe avec d'autres musiciens, mais réalisés par son ami et fidèle collaborateur Connor Seidel. « Nous commençons le studio à la fin mai dans le fin fond des bois à Saint-Zénon », annonce-t-il.

En studio, Matt Holubowski sera entouré de Stéphane Bergeron (Karkwa) à la batterie, de Marc-André Landry à la basse et de Simon Angell (Thus Owls, Patrick Watson) à la guitare.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Matt Holubowski

GEOFFROY

APRÈS LA VOIX

Deux jours après notre entrevue, Geoffroy devait assurer la première partie de Coeur de pirate au Métropolis.

Ce stress, Geoffroy (qui a retranché son nom de famille Sauvé) l'a vécu souvent depuis la sortie de son EP Soaked in Gold en novembre dernier. L'auteur-compositeur-interprète s'est produit en première partie de Milk & Bone au Corona et avant Alex Nevsky à Laval.

Nous avons rencontré Geoffroy dans un café de l'avenue du Mont-Royal, pendant son heure de lunch. « Je travaille pour la boîte PremiumBeat, qui recrute des réalisateurs pour de la musique de films et de pubs en ligne », explique-t-il.

Geoffroy bosse dans cette boîte depuis six mois. « J'ai eu mon contrat avec Bonsound en même temps. »

Bonsound? La maison de disque de Radio Radio, Lisa LeBlanc, Dead Obies et Safia Nolin.

PRENDRE SON TEMPS

Avant La voix, Geoffroy a étudié en gestion à l'Université McGill. Il a voyagé, travaillé pour l'étiquette Analekta, puis il a fait une maîtrise en gestion des arts au campus espagnol de l'Université Berkeley.

À l'époque, il faisait déjà des spectacles guitare et voix, et il animait des soirées comme DJ. Le Montréalais travaillait pour le festival Juste pour rire quand il a entendu parler de La voix.

« C'était une joke! Les auditions avaient lieu à l'hôtel des Gouverneurs, tout près du quartier général de Juste pour rire. Un ami m'a lancé un défi et j'y suis allé entre deux pauses », raconte Geoffroy.

Des mois plus tard, Geoffroy a reçu un appel des Productions J. Vous connaissez la suite? Il a d'abord été recruté par Louis-Jean Cormier pour finalement se retrouver dans l'équipe de Marc Dupré et s'incliner lors des Chants de bataille.

En novembre dernier, Geoffroy a sorti un EP électro intitulé Soaked in Gold et réalisé par Max-Antoine Gendron qui met en valeur sa voix chaude. Le premier extrait, You Say, s'est retrouvé sur la compilation à l'échelle mondiale du magazine Elle.

PROCHAINE ÉTAPE

Pour son premier album complet officiel, qui sortira à la fin de l'automne, Geoffroy compte travailler avec plusieurs réalisateurs, mais il désire peaufiner ses habiletés comme beatmaker. « Le fait de composer sur un ordinateur t'amène à des sonorités plus atmosphériques et entraînantes. »

Geoffroy vient de collaborer avec Laurence Nerbonne. Il compte aussi retrouver en studio Max-Antoine Gendron, et y inviter Gabriel Gagnon (Milk & Bone). « J'ai 28 ans, mais il ne faut pas se presser, surtout que j'ai un plan B et que ma musique n'est pas une business. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Geoffroy