La participation d'une chanteuse expérimentée comme Sylvie Desgroseilliers à l'émission La voix dit quelque chose sur la cruauté du métier. Elle nous explique en toute franchise pourquoi elle a tenté sa chance et ce qu'elle espère retirer de l'aventure.

Ça ressemble un peu au documentaire oscarisé À deux pas de la gloire de Morgan Neville, qui raconte les carrières de ces femmes choristes à la voix incroyable qui sont restées dans l'ombre des vedettes. Et pourtant, Sylvie Desgroseilliers est plus qu'une simple choriste, elle a deux albums solos à son compteur, et une importante expérience de scène, au Festival de jazz et à Nuits d'Afrique, en Europe, dans des revues musicales...

Il faut beaucoup d'humilité, et de lucidité, aussi, pour participer, avec un tel CV, à un concours comme La voix. Sans oublier le risque d'humiliation, plus immense que pour un débutant, de ne pas être choisie. Mais les quatre coachs se sont retournés dimanche soir, et les téléspectateurs ont pu voir toute l'émotion dans le visage de Sylvie Desgroseilliers, qui chantait le grand classique Amazing Grace, une pièce exigeante, certainement pas faite pour tout le monde.

Métier difficile

Alors pourquoi La voix? Parce que le téléphone ne sonne plus. Parce qu'il n'y a pas une chanson au succès potentiel qui s'est faufilée dans les radios. 

«C'est un concours de circonstances, explique-t-elle. Cet été, j'ai eu plusieurs spectacles d'annulés, on ne me rappelait pas. Ça fait longtemps que je fais ce métier, et je me demandais pourquoi ça ne marchait plus, pourquoi je n'avais pas de contrats. Les gens m'ont vue souvent, j'ai fait des trucs hallucinants, mais c'était toujours avec quelqu'un d'autre, c'était comme choriste, ou en duo, ou dans des groupes. Je me démarquais, mais je faisais partie d'un tout, ça n'a jamais été plus loin que ça. Alors une amie m'a suggéré d'aller à La voix, parce que c'est ce qu'on fait aujourd'hui.»

Oui, elle le confirme, le métier est difficile, pour tout le monde. Elle a peiné à produire son deuxième album (Ensemble, paru en 2009) et pour faire des spectacles. «J'ai toujours été "sur le bord", mais je n'ai pas pu faire un spectacle avec mes chansons à moi, pour que les gens se déplacent pour moi, pour mes mélodies... Je n'ai jamais réussi à entrer dans le milieu artistique en tant que soliste en bonne et due forme.»

Enfin, il faut aborder le sujet de l'âge. Sylvie Desgroseilliers a sorti son premier album homonyme à 40 ans, en 2005. À 50 ans, la voici recrutée par La voix, qui permet de choisir les concurrents sur le seul critère de leur talent. 

Mais la télévision, et le showbiz en général, sont des endroits impitoyables pour les femmes matures. 

«Depuis dimanche, sur les réseaux sociaux, j'ai lu plein de choses comme "elle est trop vieille, elle a eu sa chance, qu'elle laisse la chance à quelqu'un d'autre". Si je les écoutais, je retournerais me rouler en boule dans mon lit. On est dans un monde où vieillir est presque interdit, c'est difficile quand tu es honnête, parce que j'aurais pu refuser de dire mon âge. À 50 ans, on te dit finie, mais on va payer 200$ pour voir les Rolling Stones! Pour moi, les critères en musique, c'est de 15 ans à 115 ans, et je rentre dedans! Je ne vole la place de personne.»

Une grande humilité

De plus, Sylvie Des-groseilliers croit qu'un artiste a besoin, toute sa vie, d'apprendre, soulignant que même les plus grandes stars sont coachées. Beaucoup de gens lui ont dit avoir été émus par sa modestie, elle a même avoué dimanche avoir eu peur que les juges ne se retournent pas, malgré son expérience.

«Je ne pense pas que j'ai fait preuve d'une grande humilité, c'est surtout que je n'ai plus rien à perdre. Après avoir été flushée pour des spectacles, je voulais que les gens voient que j'en vaux la peine. En tout cas, s'ils ne s'étaient pas retournés, j'aurais sérieusement pensé à arrêter ma carrière... J'ai fait vivre des moments stressants à ma famille, parce que je me mettais dans un danger incroyable, mais ils sont à 100% derrière moi. C'est une décision que j'ai prise non sans y avoir bien réfléchi, mais je me suis dit: "Pourquoi je resterais assise chez moi à regarder faire les autres, en critiquant sur Facebook, plutôt que d'y aller? " Je voulais déclencher un moment et j'ai réussi. J'aimerais que ça crée un buzz, que les gens aient envie d'en savoir plus sur moi, m'acceptent à part entière et qu'ils aient le goût de m'entendre.»

Jusqu'où espère-t-elle aller à La voix? «Mais jusqu'au bout! J'ai pas fait tout ça pour ne pas gagner! Je ne m'assois pas sur mes lauriers. "Il n'y a rien d'acquis", ça pourrait être le titre de mon prochain album...»

Pour découvrir Sylvie Desgroseilliers: sylviedesgroseilliers.com