Édith Cochrane, la nouvelle coanimatrice des Enfants de la télé, est née deux fois. La première fois, c'était à Amos, à la fin d'août 1977, l'aînée des deux filles de Robert Cochrane, psychoéducateur, et de Madeleine Paré, éducatrice spécialisée.

La deuxième fois, c'était 25 ans plus tard, à la Ligue nationale d'improvisation. Cette année-là, la LNI fêtait ses 25 ans, comme Édith, qui venait d'être recrutée en catastrophe après le désistement de Mélanie Maynard.

Prof suppléante dans une commission scolaire de Montréal, elle faisait de l'impro depuis des années, en Abitibi, à Repentigny, à l'UQAM et à la LIM (Ligue d'impro de Montréal). Mais l'appel de la LNI a tout bousculé. Subitement, la parfaite inconnue accédait aux ligues majeures aux côtés de vedettes comme Claude Legault, Charles Lafortune et Martine Francke. Et dire qu'elle n'avait rien demandé!

Ce soir-là, à la fin de son premier match, le hasard lui a balancé entre les dents une impro de 16 minutes. À la LNI, les impros aussi longues sont rarissimes. L'équipe d'Édith a émis une plainte discrète pour la pauvre recrue. Comment allait-elle s'en tirer? Mal, c'était évident. Il fut décidé qu'on volerait à son secours au bout de deux minutes. Seize minutes plus tard, pourtant, la blonde enfant était encore sur la patinoire, heureuse et à l'aise comme un poisson dans l'eau. C'est elle qui a remporté la première étoile de la soirée, remise par nul autre que... André Robitaille, son futur coanimateur aux Enfants de la télé.

Née sous une bonne étoile? Fort probablement. Mais, surtout, née pour faire un métier qu'elle n'a pas choisi, qu'elle n'a même pas courtisé, et qui semblait l'attendre au détour en se frottant les mains.

Un parcours atypique

De la terrasse du resto de la rue Bernard, je vois Édith Cochrane garer sa grosse camionnette familiale en soupirant et en s'ennuyant de son vélo, qu'elle ne quitte pratiquement jamais, sauf ce midi. Elle porte des vêtements mous de fille qui vient d'aller se faire masser: jupe crème ample, t-shirt blanc, lunettes de vue Ray-Ban et cheveux attachés en choucroute blonde et mousseuse.

D'entrée de jeu, j'essaie de connaître ses goûts en télé. Je ne veux pas m'éterniser sur le sujet. Juste ouvrir une petite parenthèse. Mais avec Édith Cochrane, une conteuse née, les parenthèses s'ouvrent et empruntent toutes sortes de détours avant de consentir à se fermer. Je découvre qu'en grandissant à La Sarre, en Abitibi, la petite Édith n'était pas une vraie enfant de la télé, au sens où elle passait plus de temps à jouer dehors que vissée devant la boîte noire dans le salon.

Mais ce qui la distingue et la définit, ce ne sont pas ses habitudes télévisuelles. C'est son parcours atypique nourri par aucune velléité artistique. Non pas que la culture chez les Cochrane n'était pas valorisée. Elle l'était. Ses parents adoraient le cinéma, fréquentaient assidûment le FFM des premières années. Son père avait même tenté, jeune, d'être admis à l'École nationale de théâtre, sans succès. Il reste que sa petite Édith ne rêvait pas de devenir actrice, chanteuse ou animatrice, comme, disons, Véro. Question de nature et de tempérament. Édith Cochrane n'est pas une solitaire ni une égocentrique qui ne veut vivre que sous les feux de la rampe. C'est une fille de gang, une collaboratrice, une fille d'équipe.

Elle n'a pas étudié en théâtre mais en enseignement du français et de l'histoire à l'UQAM. Elle n'est pas un produit des écoles de théâtre, comme la plupart de ses camarades de jeu. Son seul regret, ce n'est pas son manque de formation. C'est de ne pas appartenir à une cohorte.

Petite, le seul élan qu'elle a éprouvé, c'était pour l'impro.

«Je me souviens avoir vu les premiers matchs de la LNI diffusés à Télé-Québec. J'avais 10, 12 ans. Je vivais encore en Abitibi. C'est la seule fois où j'ai senti l'appel. Je voyais les joueurs improviser et je me disais que j'étais capable de faire comme eux. J'étais attirée par le jeu, mais pas comme métier. Comme hobby.»

Le hobby a fini par devenir une activité sérieuse à laquelle elle s'est mise à consacrer autant de temps qu'à ses études et à son travail dans l'enseignement. L'appel de la LNI a fini par faire fondre ses dernières réserves relativement au métier. «C'est comme si la LNI m'avait cueillie et propulsée dans le métier sans que j'aie rien à faire, sinon suivre le mouvement.»

C'est grâce à la LNI qu'elle a voyagé en Norvège et en Haïti. Grâce à la LNI qu'elle a passé une audition pour le Sketch Show et qu'elle y a obtenu ses premiers rôles, avant d'incarner Sandra dans Les Invincibles, Madeleine dans Rumeurs, Louise dans Caméra Café et Édith Cochrane dans Tout sur moi.

Premiers pas au théâtre

En 2005, chez Duceppe, Denis Bouchard lui a offert son premier rôle au théâtre: le rôle de Louison dans Appelez-moi Stéphane. L'actrice raconte son émoi, mais aussi ses complexes lorsqu'elle s'est retrouvée sur scène avec des acteurs chevronnés.

«Je me souviens avoir avoué à Diane Lavallée, que j'admirais plus que tout, que je ne me sentais pas à la hauteur parce que je n'avais pas été formée dans une grande école. Diane m'a dit d'arrêter ça tout de suite. De ne plus penser à ma formation ou à ma non-formation. Elle non plus n'a pas étudié dans les écoles et ça ne l'a jamais empêchée de faire son métier et d'être la formidable actrice qu'elle est.»

Édith Cochrane ne pensait jamais qu'elle se retrouverait à coanimer une émission grand public comme Les enfants de la télé. D'ailleurs, quand on lui a proposé de passer une audition pour remplacer Véro, elle a dit non. Trop gros. Trop difficile. Trop affolant. Elle ne se voyait vraiment pas dans la chaise ou dans les souliers de Véro. Son agente et, surtout, son chum, Emmanuel Bilodeau, l'ont convaincue de passer l'audition malgré tout, mais d'y aller avec un sourire en coin, sans penser que cela porterait à conséquence.

Le siège de la folle du logis

Ce jour-là, ils étaient cinq à tenter leur chance. Édith s'est superbement bien entendue avec Antoine Bertrand, qui lui a glissé à la fin de l'audition qu'il la voyait à sa place à lui. Elle a rigolé. Quelques jours plus tard, elle ne rigolait plus. Les producteurs de l'émission venaient de lui offrir le siège du fou du roi, ou peut-être devrait-on dire le siège de la folle du logis. Édith Cochrane a pris une grande respiration. Tout cela l'énervait énormément, mais comment refuser une telle offre?

«Finalement, petit bout par petit bout, morceau par morceau, j'ai accepté l'idée que j'allais coanimer Les Enfants. Et le vertige que j'ai éprouvé aux premiers jours de ma décision a fini par disparaître. Aujourd'hui, je suis vraiment ravie d'avoir été choisie et de travailler avec André Robitaille, avec qui je m'entends super bien. Après tout, c'est quand même lui qui m'a remis ma première étoile à la LNI.»

Les enfants de la télé reviennent en ondes mercredi prochain, mais le tandem a déjà enregistré huit émissions, dont une du tonnerre avec les Denis Drolet, Michel Girouard et nulle autre que Véro.

Édith Cochrane s'est débarrassée de l'oreillette fichée dans son oreille, qui la déconcentrait. Elle a appris à lancer la remarque pertinente ou impertinente au bon moment, à se taire quand il faut et à trouver un juste équilibre entre les textes écrits qu'on lui soumet et ses propres improvisations. Bref, une fois de plus, elle a sauté sur la glace avec son sens de l'humour et son sens de l'observation et s'est mise à patiner comme si elle avait fait ça toute sa vie.

Cinq émissions marquantes

> Passe-partout, l'émission phare et formatrice de sa génération.

> Chambres en ville, un téléroman qu'Édith Cochrane suivait religieusement.

> Le dessin animé Les mystérieuses cités d'or. Ce qui réjouit Édith la maman, c'est qu'à l'école, les jours de pluie, son fils de 6 ans regarde le même dessin animé qu'elle à son âge.

> Les matchs de la LNI à Télé-Québec, qui lui ont donné le goût de se lancer en impro.

> Six Feet Under. La première série américaine pour laquelle elle a eu un véritable coup de coeur et qu'elle a regardée en rafale.