Elles n'avaient pas tenu de rôles réguliers à la télé depuis une dizaine d'années. Et elles nous avaient manqué. Pour leur grand retour, deux premiers rôles: Sophie Lorain dans Au secours de Béatrice et Macha Grenon dans Nouvelle adresse, deux séries très attendues à l'automne. Retrouvailles avec des actrices chéries du public.

Sophie la tenace

Quand Fortier s'est arrêté en 2004, Sophie Lorain brillait au sommet. En moins de 10 ans, le public lui avait décerné 10 trophées Artis au Gala MetroStar, dont 4 comme personnalité féminine. Et pourtant, cette année-là, elle a choisi de disparaître de nos télés pour se consacrer à la réalisation, dont elle avait eu la piqûre avec Fortier, puis à la scénarisation.

Derrière la caméra, elle a enchaîné Un homme mort, Nos étés, La galère, en plus d'incursions au cinéma avec Les grandes chaleurs et La petite reine, tout récemment. Mais durant tout ce temps, plus de Sophie Lorain dans nos télés.

Pour rallumer la flamme du jeu, il a fallu Avant que mon coeur bascule, le dernier film de Sébastien Rose, et maintenant, Au secours de Béatrice, un projet qu'elle chérissait depuis de nombreuses années, et qui finira par voir le jour le mercredi 10 septembre à 20h, à TVA, contre

Les enfants de la télé.

L'histoire, inspirée du roman Les mardis de Béatrice de Francine Tougas, est celle d'une urgentologue qui carbure à la performance, incapable d'admettre ses faiblesses, et qui se résigne à suivre une thérapie.

«J'avais lu le roman de Francine, sorti il y a 10 ans, et je l'avais contactée pour parler d'une adaptation. À l'époque, des shows de psys comme In Treatment (En thérapie), il n'y en avait pas. En ce sens, Francine a été très audacieuse», considère Sophie Lorain, qui n'a jamais cessé de croire au projet.

Tenace, elle a travaillé avec l'auteure, allant de diffuseur en diffuseur, se butant chaque fois à des refus. Jusqu'à ce que TVA dise oui, ce qui l'a contrainte à renoncer à Nouvelle adresse, dont elle venait de réaliser la première saison.

Son conjoint à la réalisation

Sophie Lorain, qui a pris l'habitude de diriger les autres en tant que réalisatrice, n'a eu aucune difficulté à recevoir les directives d'un autre. Surtout que cet autre allait être son conjoint, Alexis Durand-Brault, qui coréalise la série avec Pierre Houle.

«Je suis bien contente de me faire diriger. Je n'ai pas envie de porter cette responsabilité-là en plus de celle du jeu; ça me suffit amplement. Le jeu, c'est une forme d'abandon, de confiance, de recherche, c'est déjà assez préoccupant comme ça. Pas besoin de me soucier du travail de l'autre », assure-t-elle.

L'actrice passe de psychologue dans Fortier à patiente dans cette nouvelle série. Pour décrire Béatrice Clément, qui l'habite déjà depuis un bon moment, elle cite l'exemple du Schtroumpf grognon, et souligne son entêtement et sa mauvaise foi. «Pour des raisons qu'elle ne s'explique pas, elle commence à connaître des problèmes de santé. Elle est incapable de mettre le doigt dessus, et ça l'affole. Elle se conduit comme une très mauvaise patiente, qui ne reconnaît pas chez elle des signes de crise de panique, qu'elle décèlerait très rapidement chez ses patients.»

À contrecoeur, l'urgentologue finit par consulter un psy, Monsieur P, joué par Gabriel Arcand, un homme bon, affable, résolu à ouvrir les yeux de sa patiente. Un travail de longue haleine. «J'avais lu quelque part que ça prenait 10 ans avant d'arrêter de faire du déni et d'aller consulter quand les choses n'allaient pas bien. Pour vous dire à quel point il y a de

la résistance.»

Le mal du siècle

La série devrait trouver écho chez plusieurs personnes. Parce que des Béatrice, il y en a partout. «Des secrets de famille, des problèmes de couple, de relations de travail, on en a tous, à différents degrés, croit Sophie Lorain. Nos réactions sont parfois programmées par nos mauvaises habitudes, nos traumatismes, notre éducation, notre culture. C'est dur de défaire les noeuds, mais c'est important [de le faire]

pour évoluer.»

Et d'où proviennent ces noeuds résistants, sinon du climat familial ou de l'enfance? Béatrice traîne pour sa part une relation houleuse avec son père, aussi médecin, joué par Robert Lalonde.

Pour la déstabiliser encore plus, l'auteure lui a envoyé dans les pattes un charmant résident (Pierre-Luc Brillant), beaucoup plus jeune qu'elle, et auquel elle résiste. Fort heureusement, ils seront plusieurs à veiller sur elle, dont sa tante et meilleure amie Gin (Linda Sorgini) et son ex-mari Benoît (Gabriel Sabourin), avec qui elle entretient de bons rapports. Tout ne peut pas aller mal.

«Au secours de Béatrice n'est pas Trauma, précise Sophie Lorain, bien qu'on y passe beaucoup de temps aux urgences. Autour d'elle, son équipe devra subir les aléas de ses changements d'humeur.»

«Tout le monde devrait aller consulter une fois de temps en temps. Ce n'est pas nécessaire d'attendre une crise de panique pour le faire», suggère l'actrice.

À méditer!

Dès le mercredi 10 septembre à 20h, à TVA.

Lumineuse Macha

On pourrait la croire triste, affaiblie, fataliste même. Mais non, dans les publicités de Nouvelle adresse, la Nathalie qu'incarne Macha Grenon apparaît sereine, rieuse, optimiste. Lumineuse.

Cette chroniqueuse d'un grand journal, qui élève seule ses trois enfants, est pourtant en pleine rechute d'un cancer, après deux ans de rémission. Malgré sa prémisse, la nouvelle série de Richard Blaimert, auteur des séries Les hauts et les bas de Sophie Paquin et Penthouse 5-0, et coauteur de Cover Girl, ne porte pas tant sur la maladie que sur la vie qui continue. «Il y a quelque chose de vivant là-dedans, de profondément humain. Et ce qui est humain a quelque chose de lumineux», croit Macha Grenon.

«Nous ne sommes pas du tout dans l'urgence de vivre, on est plutôt dans les rapports humains à travers les épreuves», ajoute la comédienne. Quand même, Nathalie y réfléchira à deux fois avant de s'engager amoureusement avec le directeur de l'école de ses filles (Benoît Gouin).

Hormis sa courte performance dans Morte campagne, parodie récurrente des Bobos, Macha Grenon s'est longtemps fait désirer, se tenant loin des plateaux de télévision, sans jamais perdre le goût de jouer, assure-t-elle. «J'ai passé une grande partie de ma vie à travailler beaucoup. J'avais besoin de prendre soin d'autres aspects de ma vie. Je veux garder un équilibre et je ne pense pas que je vais devenir une boulimique de travail.»

Macha Grenon croit qu'elle ne pouvait trouver meilleure alliée que Sophie Lorain, qui a réalisé neuf épisodes de Nouvelle adresse, pour renouer avec la télévision. 

«Je me suis tout de suite sentie bien avec elle. Elle a quelque chose de très honnête, intègre. Elle est directe, une grande qualité de leadership chez un réalisateur. Sophie se dépasse, s'engage à donner le meilleur d'elle-même. Elle aime ses personnages.» Rafaël Ouellet, qui a réalisé trois épisodes de la première saison, a repris le collier avec Louise Archambault pour la seconde.

Chose très rare: on tourne en ce moment la deuxième saison de la série, avant même que la première ne soit entrée en ondes, et sans connaître la réaction de l'auditoire. Une situation dont s'accommode très bien Macha Grenon, habituée au cinéma où le public donne son verdict bien après la fin des tournages.

«À l'époque de Scoop, les médias sociaux n'existaient pas», rappelle-t-elle. Est-ce à dire qu'elle réagira sur le web les soirs de diffusion? N'y comptez pas: elle n'a ni compte Twitter ni Facebook et n'en veut pas. «Je respecte ça; les médias sociaux sont un outil extraordinaire. Mais ça ne me parle pas personnellement. Déjà, je manque de temps pour prendre soin de moi et de mon monde.»

Macha et Macha

Celle qui a été Stéphanie Rousseau dans Scoop durant cinq ans arpente à nouveau la salle de rédaction d'un quotidien réputé dans Nouvelle adresse. Sujet principal de Scoop, le monde journalistique passe ici au second plan. «C'est quand même très présent dans la première saison, à travers son rapport à l'écriture, son éthique journalistique, son rapport à la culture, à son époque.»

Comme ça peut être le cas dans la réalité, l'entourage de Nathalie semble avoir plus de difficulté à envisager l'avenir que la malade elle-même. Notamment ses parents (Muriel Dutil et Pierre Curzi) et ses trois frères et soeurs (Jean-François Pichette, Monia Chokri et Patrick Hivon). 

«Les gens qui se retrouvent à porter un tel fardeau développent une force, parce qu'ils doivent soutenir leur entourage dans ses réactions. Nathalie a cette capacité. C'est près de la vraie vie, pour les témoignages que j'en ai eus.»

Nouvelle adresse, c'est aussi le tandem des deux Macha, Grenon et Limonchik. La complicité que Nathalie entretient avec sa voisine et amie Danielle est essentielle à son équilibre. «J'adore notre duo. Elles ont une immense affection l'une pour l'autre, et il y a ce côté straight man comique qu'apporte Macha. Nathalie est très cartésienne, intellectuelle, morale. Sa chum est libre, elle déborde émotivement. L'interprétation de Macha amène beaucoup de pétillant, de couleur dans

la série.»

L'actrice revient, mais à doses raisonnables. Elle n'a d'ailleurs aucun autre rôle en vue. «Et c'est parfait comme ça. Nouvelle adresse est un projet auquel j'ai envie de me donner entièrement.»

Si la série n'a pas changé sa perception de la maladie et de la mort, elle a certainement modifié son rapport au vieillissement. «Je n'obsédais pas là-dessus, mais vivre avec Nathalie m'a fait réaliser que vieillir, c'est un privilège. On n'est pas dans une société où c'est valorisé. C'est beau de savoir que la vie continue, d'embrasser ce qu'il peut y avoir de plus beau.»