Il a fait découvrir Céline Dion aux Français et reçu sur ses plateaux de télévision trois générations d'artistes québécois partis tenter leur chance dans l'Hexagone. Michel Drucker crie haut et fort son amour pour le Québec depuis 1965, année au cours de laquelle son histoire d'amour avec la Belle Province a pris son envol. Il était donc tout naturel pour l'animateur de mettre sur pied avec Julie Snyder L'été indien, un talk-show à l'image de tout ce qui unit les Québécois et les Français, diffusé des deux côtés de l'Atlantique.

Discuter avec Michel Drucker, c'est un peu comme ouvrir un grand livre d'histoire. De sa rencontre avec René Lévesque, qui n'a pas manqué de souligner son rôle dans la promotion des artistes québécois outre- Atlantique dans ses émissions diffusées sur TVFQ Canal 99 (ancêtre de TV5), à sa visite de l'impressionnant chantier de la Baie James, où il a fait descendre Gilbert Bécaud et son piano, le temps d'une performance, le grand manitou du petit écran français a une mémoire d'éléphant et n'est jamais avare d'anecdotes québécoises. Il n'a, bien sûr, pas manqué d'assister aux Jeux de Montréal en 1976 aux côtés de nul autre que Jean Drapeau.

Le rêve français

Son amour pour le Québec, il l'a en fait cultivé un peu toute sa vie, tentant sans cesse de bâtir des ponts entre la Belle Province et l'Hexagone. C'est pour cette raison qu'il a accepté sans hésiter de collaborer régulièrement à la radio québécoise, notamment à CIEL FM (ancien Rythme FM) et à CKAC comme correspondant parisien à l'émission de Suzanne Lévesque.

«J'étais en direct toutes les semaines par téléphone pour lui raconter l'actualité culturelle de la semaine, surtout ce qui arrivait avec les Québécois qui avaient débarqué en France», précise Michel Drucker.

L'animateur a en effet saisi très vite que pour de nombreux artistes québécois, le rêve n'était pas américain, mais bien français.

Le tout premier chansonnier à attirer son attention est d'ailleurs Félix Leclerc, mais il suivra de près la carrière de nombreux monstres sacrés de la musique québécoise, de Gilles Vigneault à Jean-Pierre Ferland, en passant par Robert Charlebois.

«Avant la rencontre avec Céline Dion qui va être déterminante pour elle comme pour moi, il y a toute la génération Starmania: Diane Dufresne, Claude Dubois, etc. Ç'a été le premier choc franco-québécois», explique Drucker qui a vu défiler sur ses plateaux les diverses moutures du populaire opéra rock de Luc Plamondon et Michel Berger.

Mais qu'est-ce qui plaît autant à Michel Drucker chez les Québécois?

«Ils savent chanter, sont professionnels et ont cette humilité incroyable. Il n'y a qu'une artiste comme Isabelle Boulay pour performer en plein air à - 8 degrés a cappella quand aucun autre chanteur ne veut se produire!», lance-t-il, admiratif. «Il y a au Québec la rigueur américaine. À travers trois générations d'artistes en tout genre, je n'ai jamais vu un Québécois se la péter», s'amuse-t-il.

La fabuleuse histoire de Céline

De toutes les aventures que Michel Drucker a pu vivre avec le Québec, c'est sans l'ombre d'un doute le conte de fées de Céline Dion qui le touche encore le plus aujourd'hui, alors que la jeune chanteuse s'est retrouvée sur le plateau de Champs-Élysées en 1983.

«Céline reste l'événement considérable de ce siècle. C'est à la fois Les misérables et Zola! Je me rappelle très bien. Elle n'osait pas sourire, était habillée de façon sommaire. Les techniciens m'ont demandé qui elle était. J'ai eu cette intuition: je me dis qu'elle avait quelque chose d'incroyable, se rappelle-t-il. La reconnaissance du couple Dion-Angélil me bouleverse encore aujourd'hui.»

«Quand René me dit: "Tu n'imagines pas ce que tu as fait pour Céline", il ne s'imagine pas ce qu'il a fait pour moi. Quand elle vient en France, ses spectacles sont souvent commandités par le plus grand réseau privé, TF1. Mais René fait toujours ajouter à son contrat: "quatre heures réservées à Michel Drucker", même si je suis sur la chaîne concurrente!», s'exclame l'animateur.

L'été indien

C'est d'ailleurs son amitié avec le couple qui a mené Michel Drucker à concrétiser L'été indien.

«Ça faisait longtemps que je voulais faire un tel projet et René m'a suggéré de travailler avec Julie Snyder. Je la connaissais déjà depuis un moment. J'étais tombé sur Le Poing J dans ma chambre d'hôtel au Québec et je me suis dit que c'était incroyable, ce que cette gamine obtenait des Français! Je l'ai invitée à mon émission Tapis rouge. Elle est venue et m'a roulé une pelle devant 5 millions de personnes!», se souvient, amusé, l'animateur qui a donné sa première chance à l'animatrice en France.

Aujourd'hui, c'est sur le même plateau que les deux complices recevront pour une série de quatre émissions de 90 minutes diffusées cet été en France et à l'automne à TVA au Québec, des artistes populaires des deux côtés de l'Atlantique, de l'incontournable Céline Dion aux jeunes monstres sacrés de la nouvelle génération Stromae et Xavier Dolan, en passant par les habitués Patrick Bruel, Garou, Francis Cabrel, Gad Elmaleh et Lynda Lemay, pour ne citer qu'eux.

Pour les besoins du tournage de L'été indien, Michel Drucker collectionne les allers-retours entre Paris et Montréal pour se retrouver tour à tour au milieu des baleines, sur la banquise ou aux Îles-de-la-Madeleine. «Julie ne pensait pas que j'arriverais à suivre son rythme de folie. Mais elle a sous-estimé ma résistance! J'ai 5000 heures de radio et de télé au compteur. Je ne devrais plus être là: 50 ans, c'est quelque chose dans le monde de la télévision. Mais je ne fume pas, je ne bois pas et, surtout, j'ai une passion intacte pour le métier et le goût des gens», conclut Michel Drucker.

Quelques questions

Coup de coeur musical: «Quand j'écoute Beau Dommage, ça me bouleverse. Surtout si je vais sur la banquise! Sinon, Coeur de pirate. Elle a quelque chose qui me touche beaucoup, la petite.»

Coup de coeur cinéma: «Anne Dorval que je rêve de rencontrer et le film Mommy de Xavier Dolan. C'est fou la maîtrise du scénario et la qualité de la réalisation que ce gamin de 25 ans peut avoir.»

Ce qui vous manque le plus quand vous n'êtes pas au Québec: «L'accent, que je trouve charmant, et les Laurentides.»

Ce que vous aimez le moins au Québec: «Les bourrasques de neige au petit matin dans les rues de Montréal en février.»