Séances passionnées de twivage, échanges enflammés sur Facebook, l'arrivée des réseaux sociaux a bouleversé la vie des auteurs de fiction à la télévision. Désormais, ils sont en communication directe avec les téléspectateurs, reçoivent les critiques en temps réel et se font dire parfois brutalement qu'un personnage ou une situation ne passe pas. Que pensent-ils de cette nouvelle réalité? Plaie ou bénédiction? Nous leur avons demandé.

Quand Danielle Trottier a imaginé le personnage de Jeanne dans Unité 9, c'était dans un but bien précis: pousser Marie dans ses derniers retranchements, la faire sortir de ses gonds. Après quelques épisodes, Jeanne devait se fondre tranquillement dans le décor de la prison de Lietteville. Mais voilà que les téléspectateurs se sont pris d'affection pour cette multipoquée manipulatrice, mais attachante.

«Le public l'a trouvée tellement sympathique que j'ai décidé de la garder, confie l'auteure de la populaire série. Cela m'a menée à décrire la vie dans l'aile de sécurité maximum, ce que je n'avais pas prévu au départ.»

Danielle Trottier se dit ravie de l'apparition des réseaux sociaux dans sa vie d'auteure. Le mardi soir, avec sa fille Geneviève, avec qui elle écrit Unité 9, elle s'installe devant son ordinateur pour échanger avec le public.

«Je me charge de Facebook - notre page compte plus de 100 000 abonnés - et Geneviève, de Twitter. Je profite des pauses pour interagir avec le public ou pour répondre à des messages privés. On adore faire ça, c'est comme un dialogue, un échange. Ça nous sort de notre isolement.»

Parfois, dans le flot de commentaires, certains vont droit au coeur. «Une fois, après avoir vu la scène où Élise [Micheline Lanctôt] pleure sur la tombe de ses parents, un homme m'a écrit: «J'ai une bière entre les jambes et je pleure comme un veau.» Ça m'a vraiment touchée.»

Pour Daniel Thibault, coauteur avec Isabelle Pelletier de Mirador et de La vie parfaite, une nouvelle comédie qui prendra l'antenne le 11 septembre à Radio-Canada, les réseaux sociaux sont une réalité avec laquelle il faut composer.

«On ne se le cachera pas, il y a de la promotion là-dedans, observe-t-il. Mais c'est aussi un lieu d'échange. Je viens du milieu de l'humour où on fonctionne à la rétroaction, ajoute celui qui a déjà écrit, entre autres, pour Mario Jean et Martin Matte. Dans une salle de spectacle, tu le sais quand ton gag marche. S'il ne fait pas rire, tu l'enlèves. Cela dit, il ne faut pas que tu croies tout ce que tu lis, car tu vas te tirer une balle dans la tête.»

Un certain décalage

Quand la nouvelle série de Richard Blaimert, Nouvelle adresse, sera présentée à Radio-Canada, en 2014, l'auteur aura pratiquement terminé la rédaction de la seconde saison. Dans son cas, les commentaires sur les réseaux sociaux n'auront pas beaucoup d'impact.

«Je me fie davantage à ceux qui me lisent - scripteurs, réalisateurs, etc. - pour avoir du feedback. Et je dois dire que j'ai une opinion mitigée à propos des séances de twivage, j'aime mieux que les gens regardent ma série. Je me dis que s'ils sont sur Twitter, ils vont en manquer des bouts.»

«Des fois, je me demande comment les téléspectateurs réussissent à faire deux choses à la fois», renchérit Anne Boyer, coauteure de Yamaska avec Michel d'Astous. Mais elle lit tous les commentaires et compte participer aux séances de twivage cette saison.

«Cela dit, c'est fascinant de savoir ce que les gens pensent. Des fois, ça nous remet en question. Mais comme les délais de production sont très longs, on ne peut pas réagir et changer des choses sur-le-champ.»

D'autres fois, il arrive qu'un auteur soit tellement convaincu de son idée que tous les commentaires Facebook de ce monde ne le feront pas broncher.

«Quand Suzanne Clément a décidé de quitter Unité 9, les gens sur les réseaux sociaux étaient unanimes, il fallait que Shandy disparaisse, raconte Danielle Trottier. Ils ne pouvaient pas imaginer quelqu'un d'autre l'interpréter. Mais moi, je connaissais la suite et j'y tenais à ce personnage qui me permettait d'explorer le profil de la multirécidiviste. Si je n'avais pas eu la suite en tête, peut-être aurais-je été influencée, mais là, j'étais à contre-courant de l'opinion exprimée dans les réseaux sociaux.»

Bing bang rentre-dedans

Échange, dialogue, inspiration... C'est à croire que les réseaux sociaux n'ont que des aspects positifs. Or, il suffit de les fréquenter à l'occasion pour constater que les gens peuvent être parfois virulents, pour ne pas dire carrément méchants.

«Habituellement, quand quelqu'un n'aime pas un personnage, c'est contrebalancé par quelqu'un qui l'aime, note Anne Boyer, dont la série Yamaska reprend l'affiche le 9 septembre à TVA. Par contre, quand je lis certains commentaires à propos des acteurs, je suis troublée tellement ça peut être dur.»

Même son de cloche de la part de Richard Blaimert, qui a également signé la série Les hauts et les bas de Sophie Paquin. «Les gens peuvent vraiment être méchants. Moi, quand je vois qu'on démolit une émission, j'ai envie de dire: regardez autre chose.»

«On est perfectionnistes, mais il ne faut pas être une éponge, croit pour sa part Daniel Thibault. Twitter peut être extrêmement cruel. Moi, quand je lis des insultes personnelles ou des commentaires qui ne sont pas articulés, je n'en tiens pas compte.»