Deux Québécois commencent à faire leur place sur le marché international des effets visuels. Jean-François Ferland et Sébastien Chartier signent les effets visuels du tout dernier épisode de Tout sur moi, qui promet une surprise de taille aux téléspectateurs, mercredi soir.

La fin de la télésérie a des airs de Lost avec son écrasement d'avion et ce sont les deux Québécois de Châteauguay qui l'ont simulé sur leurs ordinateurs. Pour des effets plus vrais que nature.

Pour rencontrer les deux partenaires d'Alchemy 24 (A24), il faut traverser un joli jardin parsemé de jouets d'enfants, frapper à une porte d'arrière-cour et descendre... dans le sous-sol d'une maison privée - celle de Jean-François et Catherine Nadeau, sa conjointe salariée d'A24 -, à Châteauguay.

Explosion de ponts, 3D, raz-de-marée, tempête de neige, meurtre, etc. C'est sur leurs ordinateurs dernier cri, équipés de logiciels performants, qu'ont aussi été réalisés les effets numériques de Kin, le prochain film de l'Autrichien Stefan Ruzowitzky (qui a reçu l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2008 pour The Counterfeiters (Les Faussaires), avec Olivia Wilde, Eric Bana et Sissy Spacek.

Montée en puissance

Les deux jeunes hommes travaillent également sur des courts métrages comme The Spill du Canadien Hugh John Murray, lauréat d'un prix Gémeaux en 2005, et ils ont produit les effets visuels d'un film d'auteur lituanien (Vanishing Waves) ... Un bon mélange, selon eux.

«On ne veut pas juste des miettes de films américains. Nous, on veut aussi travailler sur des films québécois», explique Jean-François. Les créations québécoises et canadiennes ont justement tendance à accroître l'utilisation d'effets visuels jusqu'ici souvent cantonnés aux films américains.

Tout a commencé par des piges que les deux trentenaires faisaient chez eux la nuit alors qu'ils travaillaient le jour comme directeur artistique, pour Jean-François, et directeur d'un département d'effets spéciaux, pour Sébastien. Ils se sont rendu compte qu'il y avait moyen d'en vivre.

Ils ont donc quitté leur emploi au cours de la dernière année pour se lancer dans l'aventure d'Alchemy 24. Depuis, les contrats pleuvent avec des budgets allant de 5000$ à 600 000$. Beaucoup d'interrogations et quelques regards inquiets se posent sur les deux professionnels qui entrent dans la cour des grands.

«On commence à faire peur», estiment les deux complices, qui souhaiteraient travailler en bonne complémentarité avec leurs concurrents afin de «faire briller les pixels au Québec».

«En nous tenant ainsi devant les majors américaines, nous pourrions augmenter le volume de production au Québec et ainsi créer et maintenir des emplois chez nous», estime Jean-François Ferland.

Virage

Outre le talent des deux partenaires, leur stratégie semble payante: des coûts de production minimes, pas de loyer, le recours à des pigistes dans les moments intenses de travail. C'est au prix de nombreuses nuits blanches que Jean-François, responsable du côté artistique, et Sébastien, fort en technique, se sont fait connaître.

Mais les limites de l'exercice sont atteintes: les commandes sont désormais trop importantes. Les deux partenaires doivent négocier un virage qui les enthousiasme tout autant qu'il leur fait peur. A24 va emménager dans un studio à Lachine et s'apprête à embaucher une dizaine de personnes.

Le duo qui se plaisait à travailler dans une ambiance informelle et familiale dans son sous-sol chaleureux va devoir s'habituer à un studio professionnel, à avoir son nom sur la sonnette et à ne plus passer par le jardin pour aller travailler.