Un court communiqué de presse a ébranlé la grande tour de Radio-Canada, jeudi, un peu avant l'heure du midi et quelques heures avant le long congé de la Saint-Jean-Baptiste. Le grand patron des services français de Radio-Canada, Sylvain Lafrance, y annonçait son départ prévu pour le 21 octobre après les festivités des 75 ans de la société d'État.

La grande question que le monde médiatique se posait était simple: pourquoi? Car Radio-Canada se porte plutôt bien. Il n'y a pas eu de lock-out depuis quelques années, Tou.tv remporte un franc succès, la Première Chaîne se bat avec agilité contre les stations commerciales, Espace Musique vient d'inaugurer sa nouvelle plateforme web et la grille télé de la SRC a atteint un bel équilibre.

Pourquoi partir, alors? «Cela fait une couple de mois que j'y pense. Après 13 ans comme vice-président à Radio-Canada, si je voulais faire autre chose, c'était le temps de sortir, et il faut savoir partir quand ça va bien. J'ai eu une monocarrière à Radio-Canada», a répondu Sylvain Lafrance, en entrevue à La Presse.

Le grand patron de la portion francophone de Radio-Canada met ainsi fin à un parcours de 33 ans chez le diffuseur public, où il a débuté comme reporter en 1978 à la salle de rédaction de la radio d'Ottawa.

Sylvain Lafrance affirme vouloir faire autre chose et jure ne pas savoir où il atterrira dans quatre mois. «Je n'ai rien d'arrêté. J'ai l'intention de faire des choses, dans ce milieu-là ou pas. Je sais que l'on m'imagine dans les médias, mais j'ai d'autres passions. J'ai déjà pensé à l'entrepreneuriat. J'aime mieux laisser toutes les options ouvertes», résume-t-il.

Sont-ce les salaires beaucoup plus alléchants du secteur privé qui l'attirent? Non, dit-il. S'est-il rendu compte qu'il ne décrocherait jamais le travail de PDG de Radio-Canada, poste qu'occupe présentement Hubert Lacroix? Non plus. «Je ne veux pas nécessairement avoir un plus gros job. Je suis un passionné du service public. Mon coeur est au service public, mais ma tête me dit qu'il est temps de partir. C'est une décision rationnelle», ajoute Sylvain Lafrance.

On peut aussi se demander si Hubert Lacroix et Sylvain Lafrance s'entendaient bien. Y a-t-il eu des conflits entre ces deux hommes de pouvoir? Mystère.

Récemment, Sylvain Lafrance, 55 ans, a été mêlé à une chicane très publique avec le grand patron de Quebecor, Pierre Karl Péladeau, dont il a qualifié le comportement de voyou. La poursuite en diffamation de 700 000$ intentée par Quebecor s'est finalement réglée à l'amiable, avec des excuses publiques de Sylvain Lafrance à la clé. Faut-il y voir un lien avec sa démission? «Aucun rapport. Radio-Canada m'a toujours soutenu (dans le procès de Quebecor)», affirme-t-il.

Évidemment, la course au successeur de Sylvain Lafrance est déjà lancée. Et c'est parti pour une nouvelle vague de rumeurs dans la grande tour du boulevard René-Lévesque.