Au milieu des années 90, Benz Antoine songe sérieusement à devenir policier. Il a même reçu une convocation pour l'École nationale de police du Québec. Intéressé par une carrière artistique, il se donne toutefois une dernière chance en se frottant au marché anglophone, à Vancouver. À sa troisième semaine là-bas, il décroche un petit rôle. Depuis, l'interprète de Taylor Joseph dans la télésérie 19-2 multiplie les projets artistiques.

Une des choses que Benz Antoine apprécie le plus de son rôle de Tyler Joseph, policier vivant dans un nuage éthylique dans la télésérie dramatique 19-2, est d'être tout simplement un policier sans grade, un «gars avec un problème».

Entendez par là que Benz Antoine n'a pas le sentiment d'être le Noir de service. Si le réalisateur Daniel Grou (Podz) l'a choisi, c'est pour ses aptitudes artistiques et parce qu'il correspondait au personnage recherché. Un point, c'est tout.

«Dans la même série aux États-Unis, j'aurais été le commandant Gendron (Jean Petitclerc) ou le sergent Houle (Sylvain Marcel), assure le comédien, rencontré la semaine dernière dans un restaurant de l'avenue du Mont-Royal. Tyler ne représente pas une minorité. En lui, Podz cherchait un gars sympathique. La seule condition était que je le joue très québécois. Par exemple, je ne devais pas dire «ici», mais «icitte».»

Né le 22 juin 1972 à Montréal, aîné d'une famille de trois enfants aux racines haïtiennes, Benz Antoine est, du haut de ses 1m92, un monument de gentillesse. Il arrive à l'entrevue vêtu d'un blouson mauve très «équipe sportive», nous serre la main avec chaleur puis s'assoit et se met à parler, généreux de ses mots et de son temps.

Ce qui frappe chez lui, ce n'est pas uniquement son C.V. truffé de dizaines de rôles interprétés au Québec, à Toronto, à Vancouver et à Los Angeles. Non, ce qui impressionne, c'est son intérêt à toucher au plus grand nombre de formes d'art. Rappeur au début de sa carrière, Antoine est aujourd'hui imprésario du groupe Lucas League, dont est membre son frère Gregory. Écrivain et scénariste, il a déjà réalisé un court métrage intitulé One Love, duquel il projette de tirer un long métrage, Adversity, dont il partagera la vedette avec l'acteur montréalais Cas Anvar (Source Code). Il publiera aussi un livre sur les relations hommes-femmes, Mature Love, en février prochain.

«L'écriture m'a aidé à devenir un meilleur acteur, assure-t-il. Lorsque tu écris, tu peux voir toutes les lignes.»

«Benz est un excellent comédien, très polyvalent et qui apporte une belle diversité, dit de lui le producteur Paul Barbeau, ami d'enfance qui a joué au basket-ball avec Antoine dans les rues de Ville Saint-Laurent. Il a une grande ouverture d'esprit et de la sagesse.»

Tous deux ont fait partie d'un groupe de hip-hop qui s'appelait The Freshmen, poursuit Barbeau. «Récemment, Benz et son frère ont collaboré au film Jo pour Jonathan de Maxime Giroux, que j'ai produit. Ils ont fait la musique de deux scènes.»

Tyler fait tourner les têtes

Au Québec, Benz Antoine a d'abord été vu dans un petit rôle de policier dans Omertà, la loi du silence en 1996, puis dans Jasmine, 2 frères, 3 fois rien et Les soeurs Elliott. Il a percé avec son rôle de René Touzin dans Toute la vérité. Les gens ont alors commencé à le reconnaître et à lui exprimer leur appréciation.

Mais l'arrivée de 19-2 a tout chambardé. «C'est le jour et la nuit, rigole-t-il. Lorsque je croise des policiers, ils me demandent si je suis à jeun. J'ai aussi rencontré des gens qui m'ont dit : «Si Tyler arrête de boire, j'arrête aussi.»»

Le comédien aime la vulnérabilité de son personnage. «C'est un défi pour moi de jouer un peu hors de ma zone de confort, dit le comédien. Normalement, dans mes rôles, je suis un gars en contrôle. Pas ici. J'ai dû m'adapter, apprendre à être comme lui, dans le slow motion. Finalement, je trouve ça le fun d'être vulnérable à la télé.»

Cet hiver, Antoine a participé au tournage du film Another Kind of Silence, du réalisateur Santiago Amigorena, dans lequel il interprète Joshua, conjoint de Marie-Josée Croze. Pour la première fois, il incarne le mari d'une femme blanche. «Il faut faire cela. C'est une réalité, mais qu'on voit peu à l'écran. Je trouve cela dommage.»

Bientôt, Benz Antoine s'envolera pour Cuba, où il participera au tournage du film Croix-des-Bouquets de Marie-Ange Barbancourt. Il y jouera Tiboule, un tonton macoute. «Je retourne dans le méchant», s'amuse-t-il à dire, lui qui joue des individus peu fréquentables quand il n'incarne pas des policiers.