Imaginez-vous assis confortablement dans votre salon en train de regarder sur votre immense écran de télé plasma Contrat d'gars - une webémission disponible sur le site de V - tout en «zappant» de temps à autre du côté de RDS pour suivre en direct le match du Canadien...

Voilà ce que permettent les télévisions connectées, disponibles au Québec depuis environ deux ans. L'arrivée de cette technologie - permettant de regarder ses émissions préférées tout en naviguant et en étant connecté sur la Toile grâce à une entrée réseau intégrée au poste de télévision - inquiète toutefois certaines chaînes spécialisées qui craignent que les téléspectateurs consomment davantage de webémissions au détriment de la programmation télévisuelle régulière et, du coup, cessent de s'abonner au câble.

Pourquoi paieraient-ils une facture salée, gracieuseté de leur câblodistributeur, lorsqu'ils ont accès à du contenu gratuit sur l'internet pouvant être visionné non seulement sur l'ordinateur, mais également sur l'écran de télévision? Résultat: les Historia, RDS ou Canal D de ce monde qui bénéficient de redevances sur chaque abonnement au câble pourraient y perdre au change.

L'inquiétude des chaînes spécialisées semble justifiée puisque, aux États-Unis, selon la firme de recherche SNL Kagan, près de 741 000 clients ont coupé le fil qui les unissait à leur fournisseur de câble au cours du troisième trimestre de cette année. Du jamais vu, chez nos voisins du Sud. Au banc des accusés: la crise économique, des services comme Hulu - qui donnent accès sur le web à des émissions à moindre coût - et les télévisions connectées.

Au Québec, la situation inquiète notamment Astral, propriétaire de plusieurs chaînes spécialisées telles que Canal Vie, Séries+ et Historia. «Notre principale préoccupation, c'est de protéger nos revenus d'abonnement», lance sans détour le président du groupe, Pierre Roy.

En fait, pour le moment, Astral offre du contenu web sur les sites de ses différents canaux que les internautes peuvent visionner sans débourser un seul sou. Or, s'ils ont accès en ligne sur le site de Canal Vie aux meilleurs moments des Airoldi ou encore de Recettes en vedette et qu'ils peuvent visionner ces contenus web en haute définition sur leur téléviseur, les gens continueront-ils à payer pour capter la chaîne?

Selon Pierre Roy, pour pallier le problème, le contenu disponible en ligne devra tôt ou tard avoir un prix. Éventuellement, Astral a donc l'intention de demander aux internautes de s'identifier lorsqu'ils navigueront sur les différents sites de ses chaînes afin de s'assurer que les utilisateurs sont également des abonnés du câble. Autrement dit, un téléspectateur qui refuse de payer pour syntoniser Séries+ à la télévision, par exemple, ne pourra pas non plus avoir accès aux épisodes de Saint-Tropez, sous le soleil ou de City Homicides, deux séries en ligne sur le site. «Il faut que quelqu'un paie pour la programmation, souligne le grand patron d'Astral.»

Les câblodistributeurs

Par ailleurs, si les chaînes spécialisées tentent de trouver des moyens pour éviter une perte de revenu, les fournisseurs de câble comme Bell et Vidéotron risquent-ils eux aussi d'y laisser leur chemise? Selon René Villeneuve, analyste pour le Groupe numérique - spécialiste dans l'élaboration de solutions technologiques - les câblodistributeurs n'y perdront pas au change. Comme ceux-ci fournissent à la fois le service de câble et d'internet, ils devraient en principe voir leurs revenus de câblodistribution diminuer et ceux des services web augmenter. «Les gens vont seulement migrer d'une boîte à l'autre», estime-t-il.

Du côté de Bell, la porte-parole Marie-Ève Francoeur a fait savoir par courriel que «la consommation de contenu vidéo internet depuis un téléviseur sera une tendance complémentaire aux services de télévision traditionnels. En outre, le pourcentage de téléviseurs qui peuvent accéder à l'internet demeure très limité pour l'instant. Par contre, Bell est en bonne position pour capitaliser sur cette tendance au fur et à mesure qu'elle se développera».

Vidéotron a refusé d'accorder une entrevue à La Presse à ce sujet.

Quelques chiffres...

En novembre, le site vtele.ca a presque doublé son nombre de visiteurs par rapport à l'an dernier. Il a enregistré ce mois-ci un total de 600 000 visiteurs uniques - qui ont visionné plus de 2,1 millions de segments vidéo - comparativement à 365 000 pour novembre 2009.

À surveiller...

Le dernier épisode de Temps mort, en ligne sur Tou.tv, sera disponible aujourd'hui, alors que l'ultime capsule de la saison d'En audition avec Simon pourra être visionnée demain.