Que vous soyez à Londres, à Aix-en-Provence, à Mexico et même à Miami, impossible pour vous de suivre à distance sur votre ordinateur le dénouement des Rescapés ou encore de Prozac puisque Tou.tv et V bloquent l'accès aux internautes qui sont à l'extérieur des frontières canadiennes. Droits d'auteurs et stratégies de vente obligent.

Ainsi, les téléspectateurs québécois qui ont dû quitter le pays au beau milieu de la présente saison télévisuelle ne savent toujours pas si Mimi, dans La galère, a finalement accouché et si son amour de prêtre, Dominic, aura le courage d'assumer pleinement son rôle de père.

La plupart des dramatiques disponibles sur Tou.tv sont géolocalisées. Impossible donc de les visionner lorsque l'on sort du pays. Par contre, les webséries comme En audition avec Simon ou encore les émissions d'affaires publiques telles que L'épicerie et La facture peuvent être visionnées à partir de n'importe quel ordinateur dans le monde. Sur le site internet de V, l'ensemble des émissions, sauf Contrat d'gars, ne sont pas accessibles pour les internautes de Paris ou Los Angeles.

La raison? «Les ententes avec chacun des producteurs sont faites de cette façon-là, explique Marie Tétreault, porte-parole de Tou.tv. L'entente stipule que l'émission n'est pas disponible en dehors du Canada.» Cette clause apparaît également sur la plupart des contrats conclus entre les producteurs et V.

«On ne peut pas laisser aller un produit comme ça dans le monde, sinon il perdrait de sa valeur marchande à l'international», mentionne Jocelyn Deschênes, président de Sphère médias plus, la boîte qui a produit Les hauts et les bas de Sophie Paquin et Mirador, pour justifier cette décision. Selon lui, si une émission est disponible en France sur l'internet, elle perdra de sa fraîcheur et de son originalité lorsque viendra le temps de tenter de la vendre.

Autre argument en faveur de la géolocalisation: les coûts. Les droits internationaux que devraient payer les producteurs pour permettre une diffusion sur le web aux quatre coins du globe sont assez élevés, explique la productrice des Rescapés, Joanne Forgues. «Dans nos budgets, on tient compte des droits canadiens, dit-elle. Pour les droits internationaux, c'est un autre montant et c'est extrêmement cher.» Rappelons que, pour diffuser une émission en toute légalité sur le web, des accords doivent être conclus afin de s'assurer que les artisans reçoivent leur juste part. En plus des droits musicaux, un cachet déterminé par l'Union des artistes (UDA) doit être versé.

Joanne Forgues, qui travaille pour les Productions Casablanca, ajoute par ailleurs que dans le cas des Rescapés, mettant en vedette Roy Dupuis et Guylaine Tremblay, aucun montant destiné à la diffusion internet en dehors du Canada n'avait été prévu au départ dans le budget puisque, lors du début du tournage des aventures de la famille Boivin, Tou.tv n'était pas encore né. «Quand le site a été mis en ligne, on avait déjà tourné la moitié de la saison.»

Autre point à surveiller: la diffusion des concepts achetés de l'étranger comme Un souper presque parfait, par exemple. «Comme ce ne sont pas des formats originaux, il faut voir avec les ayants droit», explique le producteur de cette téléréalité culinaire diffusée sur V, Guillaume L'Espérance. Ainsi, pour permettre une large diffusion, ceux qui ont conçu l'idée originale de l'émission doivent donner leur aval.

Qui plus est, selon Guillaume L'Espérance, lorsque les diffuseurs paient le gros prix pour obtenir une licence de diffusion d'une émission, ils ne souhaitent pas qu'une autre version du même concept - en provenance de l'étranger - vienne leur faire compétition sur leur propre territoire. «Ça pourrait prêter le flanc aux comparaisons et aux critiques», croit-il.

Compétition dans la webtélé jeunesse

Dans un tout autre registre, une compétition risque peu à peu de naître en webtélé jeunesse. Alors que La Presse annonçait la semaine dernière l'arrivée en ligne - sur le site de Télé-Québec - de Juliette en direct, l'une des premières webémission québécoises destinées aux internautes âgés entre 6 et 8 ans, voilà que Les chroniques de Justin: 12 ans, critique littéraire, une autre production pour les jeunes sera mise en ligne le 1er décembre sur kebweb.tv. Deux fois par semaine, jusqu'au 25 décembre, les internautes pourront faire la connaissance de Justin Robert Marier, jeune garçon âgé de 12 ans, devenu critique littéraire grâce à son insatiable appétit pour la lecture. Au beau milieu de sa chambre à coucher, ce petit rat de bibliothèque s'amusera à faire le résumé de livres et à suggérer des titres aux internautes. À surveiller...