Une grande voix de la radio et de la télévision québécoise s'est éteinte: Serge Bélair a succombé à un cancer de l'oesophage mardi après-midi à l'hôpital Charles-LeMoyne de Longueuil. Il aurait eu 70 ans en octobre.

La voix de Serge Bélair a ouvert l'antenne de Télé-Métropole, le 9 février 1961. L'animatrice Anita Barrière, qui était aussi de la première heure de diffusion, se souvient d'un collègue extrêmement professionnel qui parlait un français impeccable. «Quand John Kennedy est décédé, au pied levé, ils l'ont mis devant la caméra sans aucun texte, avec très peu d'informations. J'étais époustouflée, il était extraordinaire.»

Les deux anciens collègues se sont retrouvés au début de l'été, lors de l'enregistrement de l'émission spéciale du Banquier, diffusée dimanche dernier à l'occasion du 50e anniversaire de TVA. C'était la dernière apparition de M. Bélair à la télévision. «Je l'ai trouvé éteint et amaigri», confie Mme Barrière.

Jean-Pierre Coallier comptait aussi parmi ses collègues à l'ouverture de Télé-Métropole. «Il avait à peine 19 ans. Il m'avait jeté à terre avec sa mémoire exceptionnelle. Moi, ça me prenait des cartes, lui, il regardait son texte une fois et le disait par coeur.»

Serge Bélair a d'ailleurs rencontré Alice Laforge, son épouse depuis plus de 30 ans, sur le plateau de l'émission Jeux d'hommes, qu'animait M. Coallier et où elle était mannequin.

Durant les années qui ont suivi l'entrée en ondes du «canal 10», il a animé plusieurs émissions, dont Croisière, L'union fait la farce, Bon dimanche, À votre service madame, Cherchez le magot et Qui dit vrai?.

Homme de radio, Serge Bélair n'avait que 15 ans lorsqu'il a entrepris sa carrière à CFDA à Victoriaville. Il restera particulièrement identifié à la station CJMS à Montréal, dont il a été le morning man de 1974 à 1985, de même qu'à CKVL, où il a animé Vedettes en direct durant une dizaine d'années.

Danielle Ouimet, qui a coanimé l'émission avec lui, parle d'un homme souriant et jovial, mais aussi passablement anxieux. «C'était un taciturne, très angoissé intérieurement par la peur de l'avenir, la peur d'être oublié.»

Érick Rémy, dont c'était le mentor, a entretenu des rapports privilégiés avec Serge Bélair. «J'ai appris mon métier grâce à lui. Au niveau personnel, il m'a beaucoup aidé dans des moments difficiles de ma vie.»

M. Bélair a été durant plusieurs années la voix des publicités de Brault et Martineau, «là où la qualité n'est pas un obstacle aux bas prix», de même que de la Krazy Glue. «Ça prenait quelqu'un capable de dire un texte qui durait 45 secondes en 30 secondes!» raconte Érick Rémy.

Serge Bélair a aussi frayé avec le monde des affaires. Il a notamment été associé dans une agence de voyages et a dirigé sa propre boîte de production de messages publicitaires. Au cinéma, on l'a vu dans les films Bingo de Jean-Claude Lord et Ça peut pas être l'hiver, on n'a même pas eu d'été de Louise Carré.

Les choses se sont hélas mal terminées entre Télé-Métropole et Serge Bélair, dans les années 70. «Il avait son franc parler», se souvient Anita Barrière. Toutes les personnes interrogées déplorent le traitement accordé à Serge Bélair. «Je regrette amèrement qu'on ne l'ait pas reconnu à sa juste valeur, surtout dans les dernières années», confie Danielle Ouimet.

Serge Bélair aura connu son lot de malheurs, notamment une enfance difficile, en plus de voir une de ses filles noyée dans la piscine familiale, un drame innommable.