Après avoir accepté d'accueillir entre ses murs des comédiens et des membres de l'équipe de production de la télésérie Trauma afin de leur permettre de faire de l'observation, l'hôpital du Sacré-Coeur a décidé de mener une enquête. La raison: une femme affirme s'être littéralement fait bloquer l'accès à la chambre de son conjoint comateux parce des gens travaillant sur l'émission étaient penchés sur son lit.

«Ils sont allés voir un morceau de viande qui était couché sur un lit. C'était un polytraumatisé. Ils voulaient voir celui qui était le plus poqué.» Six mois après ces événements, Louise Labelle en a gros sur le coeur. La peine causée par la perte de son conjoint, Stéphane Slight, a cédé la place à la frustration et surtout à l'incompréhension.

La publication mardi d'un article sur le site internet du Courrier Ahuntsic a fait ressurgir l'affaire. Un groupe qui s'appelle Plus jamais de comédiens dans les hôpitaux a même été formé sur Facebook.

Retour sur les événements. Le 1er juillet dernier, M. Slight, âgé de 42 ans, s'est fait frapper par une voiture alors qu'il roulait à vélo sur le boulevard Curé-Labelle à Mirabel. En raison de la gravité de son état - ses reins, son foie, sa rate et ses intestins ne fonctionnaient plus - l'homme, qui était dans le coma, a été transporté à l'hôpital du Sacré-Coeur, à Montréal.

Il a subi plusieurs opérations et l'une de ses jambes a été coupée à deux reprises. Seuls deux membres de la famille à la fois pouvaient le visiter à raison de cinq minutes par heure.

Or, quelle ne fut pas la stupéfaction de Mme Labelle lorsque, environ une dizaine de jours après l'hospitalisation de son amoureux, des infirmières lui ont bloqué le chemin.

Elle n'a pas pu se rendre auprès de son conjoint. «Ils m'ont bloquée, a-t-elle raconté hier au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse. Ils m'ont dit que je n'avais pas le droit d'y aller parce qu'il y avait des gens à son chevet. De l'entrée, je voyais mon conjoint et quand j'ai vu les comédiens, je me demandais ce qu'ils faisaient là. Là, j'ai paniqué, confie-t-elle. J'avais les jambes molles.»

Mme Labelle dit avoir attendu une dizaine de minutes avant que l'équipe - qui était accompagnée de membres du personnel de l'hôpital - ne quitte les soins intensifs, où se trouvait Stéphane Slight. Par la suite, l'infirmière sur place lui a présenté ses excuses en ajoutant du même souffle qu'on avait oublié de lui en parler.

«On ne m'a jamais demandé la permission, affirme Mme Labelle, mécontente. C'est sûr que ça aurait été non, ajoute-t-elle. Ce n'était pas un animal de cirque.» Son conjoint est décédé trois jours après l'incident. Pour le moment, la femme âgée de 39 ans n'a pas porté plainte contre l'hôpital. Elle envisage toutefois la possibilité de le faire si sa belle-famille approuve l'idée.

Du côté de l'hôpital du Sacré-Coeur, la directrice des soins infirmiers, Johanne Salvail, assure ne pas avoir été mise au parfum de toute cette histoire, avant mardi, jour de la mise en ligne de l'article du Courrier Ahuntsic. «Une enquête est en cours actuellement pour faire la lumière sur les événements», dit-elle.

Mme Salvail ajoute du même souffle que toute visite faite à un patient, qu'il s'agisse d'un reportage ou de la présence d'une équipe de tournage, nécessite l'autorisation de la personne hospitalisée ou de sa famille.

Louise Labelle a-t-elle été avisée? «Ce que je peux vous dire, c'est que je vais faire une enquête et regarder vraiment ce qui s'est passé», répond la directrice des soins infirmiers.

Elle a toutefois refusé de confirmer si des employés de l'hôpital et des comédiens de Trauma se sont bel et bien approchés du lit de M. Slight, comme le relate Mme Labelle.

«Oui, il y a eu des autorisations pour qu'une équipe de tournage rencontre des intervenants, je ne parle pas ici de patients», s'est-elle contentée de dire. Au cours des prochains jours, la commissaire aux plaintes et à la qualité des services entrera en contact avec la famille du défunt.

Pour sa part, Fabienne Larouche, auteure et productrice exécutive de Trauma, diffusée depuis janvier sur les ondes de Radio-Canada, assure ne jamais avoir eu connaissance d'un problème concernant les déplacements des membres de l'équipe dans l'hôpital.

«Nous, on avait trois membres de notre équipe - dont la comédienne Isabel Richer - qui accompagnaient le personnel soignant à titre d'observateurs sous la surveillance d'un infirmier désigné, mentionne-t-elle. Jamais on n'aurait été dans des endroits sans avoir une permission. Je n'accepterais pas ça. Ç'a été fait selon les règles de l'art.»

«On partage la douleur de la famille de M. Slight, ajoute Fabienne Larouche. On ne veut pas ajouter à la peine de Mme Labelle.»