L'originalité de la programmation des chaînes de télévision est en péril. C'est du moins le message lancé hier par le président du conseil d'administration de l'Association des producteurs de film et de télévision du Québec (APFTQ), André Provencher, très inquiet devant l'incertitude qui entoure la mise en place du Fonds des médias du Canada.

Dès l'automne prochain, des créations originales comme Aveux ou Yamaska risquent de laisser plus de place à des concepts étrangers adaptés à la sauce québécoise, comme Tout le monde en parle ou Le banquier, considérés comme des valeurs sûres et des générateurs de cotes d'écoute.

Si le nouveau Fonds des médias (qui remplacera en avril le Fonds canadien de télévision) accorde une place prépondérante aux cotes d'écoute - comme plusieurs producteurs le craignent -, la saison 2010-2011 en souffrira, croit André Provencher,

M. Provencher, également président de La Presse Télé, a partagé ses inquiétudes à l'occasion d'un discours prononcé hier devant l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision. «Le rapport BBM pour la semaine du 28 septembre au 4 octobre 2009 montrait que près de la moitié des émissions québécoises parmi les 10 premières étaient en fait des émissions basées sur des idées et des formats étrangers», a-t-il déclaré.

«En subordonnant l'allocation des fonds strictement à la cote d'écoute et en renforçant ce critère-là, on va inciter les diffuseurs à aller vers les valeurs sûres, a-t-il ajouté à l'issue de son allocution. Les formats qui ont été éprouvés dans d'autres marchés représentent un élément de risque moins grand. Il y aura moins d'espace de création.»

Les producteurs ne sauront pas avant le mois de mars selon quels critères les émissions seront subventionnées par le nouveau Fonds des médias. Cette incertitude risque de compromettre plusieurs projets prévus pour l'automne et la grille horaire de septembre prochain pourrait contenir beaucoup moins de nouveautés que cette année, a souligné M. Provencher.

«Les émissions qui doivent être en ondes au mois de septembre ont besoin d'un cycle de production un peu plus long que quatre mois et demi, a précisé pour sa part la directrice générale de l'APFTQ, Claire Samson. Cette année, nous devrons faire face à un retard de deux mois sur un échéancier traditionnel.»

M. Provencher a abondé dans son sens: «S'approvisionner avec des nouveaux produits financés par le Fonds des médias et les installer dans la grille d'automne représenteront à mon avis beaucoup de problèmes et de défis pour les chaînes.» Également présent à la rencontre d'hier, André Dupuy, producteur chez Pixcom (Aveux) se montre plus optimiste et a encore espoir que les nouvelles règles établies tiendront compte des préoccupations des producteurs. «Il nous manque encore trop d'éléments», a-t-il dit.

Par ailleurs, l'APFTQ et le Regroupement des producteurs multimédia (RPM) ont décidé d'unir leur voix en formant un comité chargé d'étudier les enjeux liés au financement de la production indépendante en télévision et en multimédia. Les deux associations, qui représentent environ 200 sociétés, souhaitent aussi faire entendre leur point de vue sur les nouvelles règles qui régiront le Fonds des médias du Canada.