Si vous êtes une mère de famille et que vous regardez religieusement Toc toc toc avec vos enfants, vous êtes considérée, dans le calcul des auditoires, comme étant... un demi-téléspectateur!

Or, si les cotes d'écoute deviennent un critère incontournable pour obtenir l'an prochain l'aide financière provenant du nouveau Fonds des médias du Canada, comme le pensent certains observateurs, les émissions jeunesse risquent d'y perdre au change, craignent plusieurs producteurs qui ont dénoncé la situation hier lors des consultations publiques tenues à Montréal par le Fonds. Bonne nouvelle pour eux: sur ce point, le Fonds se dit ouvert à faire certaines modifications.

«On perd du budget parce que l'auditoire est calculé d'une façon qui nous est défavorable», déplore Carmen Bourassa, conceptrice et productrice de nombreuses émissions destinées aux tout-petits comme Cornemuse, Toc toc toc et Passe-Partout. Une situation que dénoncent également les représentants de l'Alliance pour l'enfant et la télévision ainsi que la présidente de Télé-Québec, Michèle Fortin, tous présents hier à l'occasion des rencontres organisées par le Fonds des médias, visant à consulter l'industrie de la télévision et du documentaire dans le but d'établir les principes directeurs qui entreront en vigueur en mars.

Ainsi, il y a environ un an et demi, le Fonds canadien de la télévision (FCT) - organisme qui finance les projets télévisuels et qui sera remplacé en mars 2010 par le Fonds des médias - a décidé que les téléspectateurs âgés de 18 ans et plus qui regardaient des émissions jeunesse ne compteraient que pour la moitié d'un auditeur dans le calcul des cotes d'écoute.

À l'inverse, un enfant qui suit les intrigues entourant les candidats d'Occupation double - une émission pour adultes - compte pour un téléspectateur à part entière.

«Comme les émissions pour enfants sont, dans nos définitions, pour les gens âgés de 18 ans et moins, on a considéré qu'il était important d'accorder une certaine plus-value à l'auditoire premier: les jeunes», explique le vice-président politiques et relations avec l'industrie du Fonds canadien de télévision, Stéphane Cardin.

Selon lui, en procédant ainsi, le Fonds a l'impression d'avoir une image plus fidèle du public auquel s'adressent les productions jeunesse. Il cite notamment en exemple l'émission Degrassi, une émission jeunesse qui attire de nombreux téléspectateurs adultes. Or, le Fonds s'intéresse davantage au nombre de jeunes auditeurs qui suivent les aventures de cette série mettant en vedette des élèves d'une école secondaire.

M. Cardin se dit toutefois conscient que certains producteurs d'émissions pour les tout-petits puissent se sentir défavorisés par cette façon de calculer l'auditoire.

«On est tout à fait prêts à réexaminer la question et voir s'il devrait y avoir des différences entre le marché francophone et le marché anglophone», assure-t-il.

Pour sa part, la présidente de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ), Claire Samson, trouve également cette méthode aberrante. Mais selon elle, le véritable problème des émissions jeunesse demeure le sous-financement. «Il n'y a pas beaucoup d'argent pour en faire. Les diffuseurs privés n'en veulent pas parce que ce n'est pas payant étant donné qu'il n'y a pas de revenus publicitaires», résume-t-elle.