Alors qu'un plus grand nombre d'émissions de télévision et de films mettant en vedette de jeunes comédiens envahissent les écrans, Carmen Bourassa, qui est en quelque sorte la mère de Passe-Partout et des joyeux lurons de Pin-Pon, refuse d'embaucher des tout-petits pour jouer dans ses productions.

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi Passe-Montagne, Passe-Carreau et Passe-Partout étaient en fait des enfants dans des corps d'adultes? Ou encore pourquoi la petite Kiki Ross et tous les autres jeunes d'À plein temps se présentaient sous la forme de marionnettes?La réponse est simple: si, comme le soulignait La Presse samedi, bon nombre d'émissions portent à l'écran des personnages incarnés par des enfants comme dans Sam Chicotte, Carmen Bourassa - qui a reçu dimanche aux Gémeaux le grand prix de l'Académie pour sa contribution à plusieurs productions jeunesse diffusées au cours 30 dernières années - préfère travailler autrement.

«J'ai énormément de réserves à solliciter les services des enfants pour une série», affirme sans détour Carmen Bourassa, conceptrice et productrice de plusieurs émissions destinées aux tout-petits telles que Toc toc toc, Cornemuse et Passe-Partout.

«Je n'ai pas fait d'émissions avec des enfants à part Ayoye!, dans laquelle jouait Julien Bernier-Pelletier - le jeune Bouscotte -, a-t-elle mentionné lorsque La Presse l'a interrogée sur son prix-hommage. Elle ajoute du même souffle que le comédien était quand même un peu plus âgé que dans le téléroman de Victor-Lévy Beaulieu lorsqu'il a incarné son personnage de Man dans Ayoye!.

Lauréate d'une quinzaine de prix Gémeaux, Mme Bourassa a décidé au fil des ans de faire appel uniquement à des acteurs adultes parce qu'elle estime que les enfants ont beaucoup plus de difficultés à se dissocier de leur personnage, surtout, comme dans À plein temps, lorsque la charge émotive est très forte et que les sujets traités sont délicats.

«À l'époque d'À plein temps, on se disait qu'on n'était pas pour s'occuper de l'éducation des enfants et leur garocher nos horreurs», raconte celle qui a sauvé in extremis les marionnettes de la célèbre Madame Bourette et de son fidèle compagnon Ti-Mine, sur le point d'être jetées à la poubelle.

Crédibilité

Plusieurs producteurs d'émissions jeunesse affirment pourtant que le fait de voir un personnage âgé de 12 ans incarné par un acteur de 25 ans enlève beaucoup de crédibilité à l'émission et que les téléspectateurs s'en aperçoivent immédiatement.

Dans le cas des plus jeunes (les moins de 10 ans), cet argument ne tient pas, insiste pour sa part Carmen Bourassa. «Moi, j'ai beaucoup fait d'émissions pour les tout-petits, ça ne les dérange pas que ça soit joué par des adultes. Absolument pas.»

Forte d'une expérience de plus de 30 ans, Mme Bourassa défend toujours avec la même fougue l'importance d'offrir au jeune public des émissions de qualité qui sont souvent portées à l'écran avec peu de moyens.

«Très souvent, on a la moitié du budget d'une émission pour adulte, souligne-t-elle. Et il faut quand même concurrencer Walt Disney. Ce sont des méchants défis, parce que les enfants eux ne font pas de différence entre une émission qui est faite avec 70 000 $ (et une autre) qui est faite avec quelques millions. Ça vient du même petit écran.»